Les entreprises tech souhaitent désormais offrir des bonus permettant de concilier vie professionnelle et vie privée au lieu d’utiliser la nourriture et le baby-foot pour garder les employés au bureau le plus longtemps possible.
Lorsqu’en janvier dernier Lolitta Tracy était en quête d’un emploi, les bonus qu’elle recherchait chez un employeur étaient des repas pris en charge, des indemnités de déplacement et une contribution pour prendre des cours de yoga. Maintenant, près d’un an après le début de la pandémie, elle se soucie surtout des avantages utiles dont elle pourrait bénéficier depuis son T3 à San José, en Californie, tels que des thérapies gratuites et des conseils personnalisés sur le plan financier. Heureusement pour Mme Tracy, 31 ans, l’entreprise de fintech dans laquelle elle travaille offre depuis peu ces deux prestations.
Elle a fait appel à un conseiller en retraite dans son entreprise afin de déterminer le montant à verser sur son plan d’épargne par rapport à un régime classique.
« J’ai contacté le conseiller financier au moins trois fois », a déclaré Mme Tracy, responsable des médias sociaux et de la communication chez BlueVine Inc. à Redwood City, en Californie. « C’était vraiment très utile de parler à quelqu’un. »
En raison de la forte compétition pour les nouveaux talents dans la Silicon Valley, la tech s’est longtemps distinguée par des bonus extravagants donnant aux employés l’impression qu’ils avaient à peine besoin de quitter le bureau. Au mois de mars dernier, lorsque la pandémie a renvoyé les travailleurs chez eux, ces mêmes entreprises ont dû trouver un moyen de satisfaire leurs employés alors qu’ils travaillaient à distance. Cela a conduit à des cours virtuels de fabrication d’ukulélés ou de préparation de cocktails, ainsi qu’à toute une série d’autres bonus plus significatifs.
À présent, de nombreuses entreprises restructurent leurs plans de reprise sur site alors que le déploiement des vaccins Covid-19 fait naître l’espoir de mettre fin à la propagation constante du coronavirus. En plus de peaufiner les détails de modèles de travail hybrides, les entreprises cherchent à déterminer quels avantages liés à la pandémie devraient disparaître à terme et ce qui doit être maintenu pour continuer à recruter et à retenir les meilleurs éléments.
L’accent est mis sur les offres qui apportent une valeur concrète et qui favorisent le bien-être des employés en dehors du bureau, que ce soit des réunions avec des planificateurs financiers, des conseillers parentaux ou des thérapies offertes gratuitement, ou encore des services de garde d’enfants subventionnées et des congés obligatoires.
Lorsque le site de recherche d’emploi Indeed a réalisé une enquête auprès de 1 000 demandeurs d’emploi à la fin de l’année dernière en posant des questions sur l’avenir du travail, 43% des personnes interrogées ont reconnu que les frontières entre la vie professionnelle et la vie privée sont devenues de plus en plus floues pour la majorité des gens.
Toutefois, les entreprises devront également réfléchir à la capacité d’offrir de tels bonus à long terme. Comment répartir équitablement les avantages alors que certains travailleurs sont éloignés, d’autres sont au bureau et d’autres encore allient les deux ? Et comment évaluer les avantages des congés obligatoires par rapport au risque de perte de productivité longtemps après la fin de la pandémie ?
« Nous allons constater la nécessité de continuer à soutenir les personnes en dehors de leur lieu de travail en matière de santé mentale, de santé physique et de vie familiale », a déclaré Erin Makarius, professeur associé de gestion à l’université d’Akron, qui a fait des recherches sur le travail à distance. « Les employeurs vont devoir surveiller cela au fil du temps et entreprendre une analyse de rentabilité. »
Facebook Inc., déclarant en mai qu’il s’attendait à ce qu’une grande partie de ses collaborateurs continuent à travailler à distance de façon permanente, a récemment commencé à offrir des consultations d’aménagement de bureau à domicile pour leurs employés. Les sessions gratuites offrent des conseils sur les couleurs de peinture ainsi que l’installation des meubles. De plus, les employés peuvent financer, s’ils le souhaitent, le choix des accessoires et de la décoration par le designer.
De nombreuses écoles et crèches ayant fermé durant la majeure partie ou la totalité de l’année écoulée, le rôle parental est devenu l’un des principaux sujets de préoccupation des salariés, et certaines entreprises affirment qu’elles continueront à offrir leur soutien. Depuis juillet dernier, Facebook offre des prestations élargies pour la garde d’enfants et prévoit de les maintenir dans un avenir proche, selon une porte-parole.
Toutes les entreprises ne disposent pas des mêmes ressources que Facebook, mais celles qui proposent des services novateurs dans le cadre de leur programme d’avantages sociaux signalent qu’elles ont récemment connu une forte augmentation du nombre d’abonnements.
Cleo Labs Inc, une entreprise de San Francisco qui gère une plateforme de prestations familiales, a élargi son offre pour sa centaine de clients au cours de la pandémie : en effet, au lieu de proposer une aide aux parents d’enfants de moins de 5 ans, elle offre désormais une aide pour les enfants de moins de 12 ans. Le nouveau forfait comprend des séances avec des thérapeutes, des assistantes sociales et des experts en développement de la petite enfance. Ils sont en mesure de fournir un soutien sur différents aspects tels que la discipline, la santé et les problèmes des enfants ayant des besoins particuliers. Cleo a élargi sa clientèle avec un total de 61 360 employés et bénéficiaires en 2020.
Sarahjane Sacchetti, directrice générale de Cleo, déclare que le travail à distance est appelé à perdurer et que les services liés à l’éducation des enfants et à la santé mentale continueront d’attirer et de soutenir les familles des employés bien après la pandémie.
Pinterest Inc. a récemment décidé d’offrir à ses employés les services de Cleo aux parents d’enfants plus âgés. Quant à Salesforce.com Inc., ces services seront offerts aux employés plus tard dans l’année.
La société Modern Life Inc. de San Francisco, qui fournit des services en matière de santé mentale, de planification financière et de coaching professionnel sous sa marque Modern Health, a doublé sa clientèle et ses employés depuis mars dernier. L’entreprise compte désormais plus de 200 entreprises clientes, dont BlueVine, où travaille Mme Tracy, qui assurera six séances vidéo avec un « coach financier » et six séances de thérapie par an au moyen de la plateforme.
Squared Away Partners LLC a enregistré 140 nouvelles entreprises en 2020 pour son service d’assistance personnelle à distance, soit plus du triple de l’année précédente, selon Michelle Penczak, co-fondatrice et PDG de la société. La majorité des clients sont dans le domaine de la technologie et du capital-risque. Ses 160 assistants personnels, principalement des conjoints de militaires, s’occupent de tâches telles que la gestion du planning, la comptabilité, l’appel aux écoles pour obtenir des renseignements à jour sur la Covid-19, la gestion des promeneurs de chiens et les problèmes de prestation de services pour les commandes en ligne, a-t-elle déclaré.
Kaleana Quibell, directrice du programme de bien-être du Sequoia Consulting Group, spécialisé dans la tech, a déclaré que de multiples entreprises devront déterminer quels employés bénéficieront de quels bonus une fois qu’ils seront répartis entre le siège social, les bureaux à domicile et les sites satellites.
« Le maintien de tous ces différents services n’est pas forcément une solution durable », a-t-elle déclaré. « Il va falloir du temps pour évaluer comment mettre en place la répartition des fonds et d’où viendront ces fonds. »
Selon elle, l’un des bonus qui perdurera est le congé obligatoire. Les entreprises ont ajouté des congés tout au long de l’année durant lesquels tous les employés sont censés ne pas travailler. Parfois, les entreprises choisissent des semaines entières lorsque l’activité est arrêtée, hormis les fonctions nécessaires.
Playground Global, une société de capital-risque de Palo Alto, en Californie, a mis en place un congé d’une semaine par trimestre dans toute l’entreprise. La société prévoit de continuer à appliquer cette mesure tant que la plupart des employés travaillent à distance. Selon une porte-parole, lorsque tout le monde sera de retour sur le site, l’entreprise prévoit de demander aux employés s’ils souhaitent continuer à travailler à distance ou revenir à un système plus classique.
Katie Neal, gestionnaire de la politique du fournisseur de données financières Plaid Inc. basé à Washington, a déclaré que les congés forcés sont l’une des meilleures choses que son entreprise ait fait pour elle depuis le début de la pandémie. Lorsqu’elle est retournée au travail après que la majorité de l’entreprise eut fermé entre Noël et Nouvel An, elle n’avait aucun courrier électronique interne dans la boîte de réception de sa messagerie.
« Si vous prenez des congés et que vous êtes stressé à cause des potentiels messages sur Slack ou de vos e-mails, vous ne vous déconnectez pas vraiment du travail », a-t-elle déclaré.
Plaid a déclaré qu’ils avaient doublé leur congé d’entreprise au cours de la pandémie. Chaque trimestre, la société a annoncé un week-end de quatre jours en donnant à chacun un jeudi et un vendredi de congé. C’est une pratique que l’entreprise prévoit de poursuivre. Alors qu’elle appréciait beaucoup les repas qu’elle prenait à la cafétéria de Plaid à San Francisco, où elle se rendait généralement tous les mois avant la pandémie, Mme Neal en est venue à attacher plus d’importance à ce qu’elle considère comme les « bonus de la compréhension. » Plutôt que de fournir de la nourriture et autres besoins essentiels sur place, dit-elle, il faut « trouver de nouveaux moyens de satisfaire vos employés. »
Tout en travaillant à distance pour Plaid, Mme Neal a profité de séances de coaching professionnel, de thérapie et de groupes de soutien aux employés qui n’existaient pas avant la pandémie. Bien sûr, dit-elle, il y a parfois d’anciens avantages qui lui manquent : « Je serais ravie de voir que la nourriture et autres bonus persistent. »
Traduction article de Katherine Bindley https://www.wsj.com/articles/the-new-silicon-valley-perks-child-care-financial-planning-and-therapy-11611939636
Paru dans l’édition imprimée du 30 janvier 2021 sous le titre « Hot Job Perk » : Thérapie et garde d’enfant