Le club des CHO a décidé de donner la parole à des chefs d’entreprise sur la question de la qualité de vie au travail.
Première lettre ouverte d’une longue série, celle d’Arnaud Devigne – Directeur Général d’Indeed France qui nous donne sa vision des actions QVT.
“Baby-foot, salles de relaxation, masseurs, ateliers de méditation, groupes de parole, conciergerie, sondages de climat social, chief happiness officers, bureaux partagés, after-work du vendredi…” N’en jetez plus ! La coupe – la boîte à outils du manager – est pleine. Où est le problème, me direz-vous ?
Le problème, c’est qu’on se trompe sur ce que doit être le bien-être au travail. Certaines entreprises, soucieuses de rendre les choses visibles rapidement, le gadgétisent ! Et on perd de vue les véritables leviers d’engagement et de motivation des collaborateurs.
Éviter la gadgétisation du bien-être
Pénurie de talents oblige, les entreprises soucieuses de garder leurs collaborateurs et d’en attirer de nouveaux repensent le design de leurs bureaux – désormais partagés, ouvrent des salles de sieste et proposent tout un tas d’activités dignes d’un club de vacances. Les initiatives foisonnent, y compris dans les grands groupes. Les salariés sont demandeurs, leur travail en est facilité, leur productivité accrue, et le coût de ces dispositifs reste raisonnable.
Alors où est le problème ?
Le problème est qu’on sent bien ce qu’il peut y avoir de gadget dans tout cela, de coup de com’, d’impératif du « cool ». Or, les salariés attendent surtout que leur travail ait un sens. Un sondage de Mercer, paru en avril 2018, montre la corrélation très nette entre l’épanouissement personnel et professionnel – des collaborateurs et le sens qu’ils trouvent dans leur travail. C’est à cet aune que doivent être évalués les baby-foot, conciergeries et after works.
En soi, ces outils ne sont ni bons ni mauvais (on a tout ça aussi chez Indeed !). Bien utilisés, ils sont un levier supplémentaire d’épanouissement pour le salarié et de performance pour l’entreprise. Plaqués sans discernement – pour faire comme les start-up – ils deviennent au mieux un gadget, au pire un outil d’exclusion. Organiser un pot le vendredi soir, cela semble plutôt une bonne idée, sauf s’il devient impératif et que celui qui n’y participe pas – par exemple, parce qu’il préfère voir ses enfants – perd toute visibilité et chance de promotion. C’est aussi à cause de ces happy hours auxquelles elles ne vont pas que beaucoup de femmes progressent moins vite que les hommes.
Aussi la question de l’inclusion est fondamentale pour éviter toute dérive. Inclure tous les collaborateurs signifie accepter les différences de mode de vie, de rythme, de contraintes.
Réussir sa promesse d’entreprise
Les entreprises exigent productivité, disponibilité et investissement de la part de leurs salariés. Et ces derniers demandent des contreparties. Une rémunération conforme à leur engagement, bien sûr. Sur ce point, les jeunes générations ne se distinguent pas des précédentes. Mais ils veulent aussi qu’on les laisse organiser leur travail comme ils l’entendent, qu’on leur propose des challenges et des responsabilités. Ils exigent un environnement de travail qui leur permet de grandir, de s’épanouir, d’être impliqués dans les décisions clés, et de progresser rapidement. Un lieu de travail attractif, des « facilities » pour leur vie familiale viennent compléter cette “proposition de valeur enrichie” que se doivent d’offrir les entreprises qui souhaitent attirer et fidéliser les talents.
Les start-up sont naturellement bien placées pour proposer un environnement favorable à l’épanouissement des salariés. Mais les grands groupes aussi. EDF organise une grande consultation interne de ses 100 000 salariés sur la stratégie de l’entreprise. BNP a créé le « family day ». Bouygues Immobilier développe une politique d’intraprenariat.
L’inventivité a fini par prendre le pouvoir… dans les entreprises. Que les directions ne fanent pas ce joli printemps.
Arnaud Devigne
Directeur général Indeed France