“Je n’ose pas liker tes publications de peur de ce qu’en penseront mes collègues “, “j’ai relayé un de vos messages, mon manager l’a pris comme un affront personnel”, “je vous envoie le message en privé, trop peur que cela soit mal interprété en commentaire “… Je reçois depuis mes débuts sur LinkedIn d’innombrables messages en ce sens.
Je n’avais pas spécialement creusé le sujet jusqu’à deux messages reçus la semaine passée suite à un post largement liké et vu près de 700 000 fois en une semaine.
Un ami m’a écrit cette phrase dans une conversation whatsapp (Nico si tu me lis) et l’équipe l’a mise en image car nous trouvions le message fort.
Quelle ne fut pas ma surprise de recevoir des messages de lecteurs m’indiquant que le post avait fait réagir en interne car “pas assez neutre”, qu’un RH avait demandé à un manager d’éviter de liker ce genre de publications (“tu comprends tout le monde ne l’autorise pas chez nous”) et qu’un patron avait convoqué un manager lui indiquant d’être “plus lisse” dans le choix de ses likes ! Cela m’a franchement interrogée. Comment pouvait-on demander à des managers d’ôter leur singularité ? Alors j’ai commencé à enquêter.
Ose-t-on vraiment suivre les sujets qu’on apprécie sur LinkedIn ?
Cette semaine j’ai réalisé un sondage sur Instagram (forcément, on n’aurait pas osé me répondre ici).
Sur un peu moins de 2000 répondants, 77% se limitaient dans leurs interactions sur LinkedIn, de peur du regard du patron ou des collègues.
Avec des témoignages hallucinants ! “J’ai un jour relayé une offre d’emploi d’un contact, mon patron m’a envoyé une copie d’écran avec un “merci de ne pas faire partir les équipes. Sachant qu’il ne va jamais sur LinkedIn, j’ai été dénoncé !”
Et d’autres contrôlant leur naturel “je fais attention aux heures de partage, commentaires : pas pendant les heures de travail” et ce même si faire de la veille entre dans la fiche de poste.
Un réseau social personnel ?
Je n’étais pas au bout de mes surprises… Des Entreprises demandant à leurs collaborateurs de modifier leur localisation, entreprises demandant à leurs salariés de leur donner leur mot de passe pour relayer des messages corporate et chasser les étudiants des mêmes promos. J’en suis tombée de ma chaise !
Sans compter les auto-limitations sur certains sujets : “je ne me permets pas de réagir sur l’actualité de la concurrence même quand le contenu est top (ce qui me donnerait aussi de la visibilité)” ou “je ne clique pas sur les sujets liés au plafond de verre alors que c’est ce genre de sujet que j’apprécie et dont j’ai besoin en ce moment”.
De la diversité ou de l’homogénéité ?
Je ne sais quoi penser des centaines de messages reçus : je n’ai qu’une semaine de recul et de réflexion sur le sujet, d’où l’ouverture de cet article pour avoir vos retours.
Bien sûr, je comprends qu’il faille s’adapter à la culture d’entreprise et qu’on ne doive pas entacher l’image de marque de son entreprise. Mais ôter la singularité de chacun n’est-il pas 100% contre-productif ?
D’une, en empêchant le salarié de cliquer sur les sujets qui lui sont chers, on l’empêche de se nourrir intellectuellement des thématiques qui l’intéressent vraiment. L’algorithme LinkedIn proposera toujours des sujets en fonction des “likes” et des commentaires laissés.
De deux, c’est la différence qui permet de faire une avancer une entreprise, et non l’aseptisation à l’eau de javel des personnalités. Les salariés sont les plus beaux ambassadeurs des entreprises et ce qu’on aime c’est l’authenticité ! Pas la norme aseptisée de discours corporate. Que se passe-t-il si personne n’ose s’exprimer ?
De trois, l’auto-censure ne permet pas à l’entreprise de faire une veille sur les tendances et demandes des salariés. Si beaucoup de salariés suivent des sujets liés au burn-out, il est temps de se poser une question, de même si le sujet de l’hypersensibilité est liké, il peut être intéressant de proposer des formations.
Sans aller jusqu’à la jurisprudence sur le sujet (et au bon sens), il y a probablement un questionnement à ouvrir ? Quels sont les risques de l’auto-censure ? Pourquoi ?
Si vous l’osez, je suis preneuse de vos likes et partages pour sensibiliser ainsi que de vos commentaires (en privé si cela vous semble trop compliqué en public !)
A très bientôt,
Catherine