Les émotions sont constitutives de notre être et de notre individualité. En dehors des personnes atteintes d’alexithymie (difficultés à identifier et exprimer ses émotions), notre journée est façonnée par des ressentis émotionnels divers. Nos émotions offrent à notre être de la vivacité et du pouvoir, une capacité à mieux raisonner et décider, un vivre ensemble facilité. Pourtant, en entreprise, lieu de performance par excellence, les émotions s’expriment peu.
Émotions exprimées = vulnérabilité ?
Globalement, en entreprise il est de bon ton de réprimer ses émotions. Qu’elles soient négatives ou positives. Adopter un comportement neutre, sans débordement de joie ou de tristesse semble être devenu la norme dans bon nombre d’organisation. Pourquoi ?
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Nos croyances normatives nous façonnent :
Ce que nous entendons ou apprenons de manière inconsciente depuis notre enfance a pour conséquence d’entretenir des croyances parfois non fondées, en dépit du bon sens. Comme le stipule si bien A. Damasio si dessous :
« On m’avait appris dès le plus jeune âge qu’on ne pouvait prendre de sage décision que dans le calme; autrement dit, on m’avait enseigné que les émotions et la raison ne peuvent pas plus se conjuguer que l’eau et l’huile »
Nos émotions jouent un rôle central dans la prise de décision car elles mènent à des comportements d’adaptation tels que l’évitement ou l’attirance.
Ramenées au monde de l’entreprise, les émotions permettent d’apporter à nos décisions une composante subtile, portée par notre subjectivité.
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L’entreprise ne fait pas de place aux émotions négatives : erreur !
« Il est colérique » , « elle est d’humeur dépressive », « il est négatif dans ses propos », « elle est de tempérament fragile »… ces affirmations que nous pouvons entendre en entreprise participent à la répression de ses propres émotions négatives. La peur d’être « catalogué » est omniprésente donc nous adoptons un comportement neutre. Réprimer ses émotions négatives en entreprise n’est pas une bonne idée. Au niveau individuel, le salarié qui n’exprime pas sa colère, sa tristesse, sa déception, son dégoût etc…aura à terme une baisse de sa motivation au travail, de son énergie, ainsi que des conflits éthiques entre ses valeurs et l’entreprise, dans des cas plus sévères, le mal-être au travail peut conduire le corps à somatiser.
Au niveau groupal, des émotions réprimées finissent toujours par s’exprimer en groupe (à la machine à café par exemple) et vont influencer négativement l’ambiance générale d’une équipe. A moyen terme, une ambiance dégradée conduit souvent à des départs et une productivité globalement plus faible.
L’apport des émotions (même négatives)
Les émotions négatives ont toujours une signification. L’analyse par l’entreprise permet de comprendre leur origine. Elles apportent une lecture sur un contexte de travail ou une situation temporaire ou chronique.
Privilégier l’écoute et l’expression des émotions est aussi un moyen de garantir le bienêtre des salariés et leur permettre de garder leur authenticité au travail. Des moyens simples existent dans certaines entreprises comme des émoticônes pour exprimer son humeur ou des listes d’émotions à afficher. Il est aussi possible d’intégrer le ressenti émotionnel à l’aide d’une échelle dans les évaluations individuelles.
Des solutions sont possibles pour exprimer ses émotions, l’intégration se fait en amont, dans la culture de l’entreprise. De cette manière, l’entreprise n’est plus un simple théâtre où nous jouons masqués mais le lieu d’interactions entre des hommes et des femmes dans leur humanité.
Sources :
Damasio, A. (2010). L’erreur de Descartes. Paris, Odile Jacob.
Luminet, O. (2013). Psychologie des émotions, nouvelles perspectives pour la cognition, la personnalité et la santé. Bruxelles, de boeck.
Mikolajczak, M., Quoidbach, J., Kotsou I., Nélis, D. (2014). Les compétences émotionnelles. Paris, Dunod.
En savoir plus sur l’auteur :
Emilie Cronier, Consultante en transition professionnelle.