Moi, Elise T, quadra, “surdouée” depuis peu et un peu paumée…. mais “Ce qu’on te reproche, cultive-le, c’est toi”, disait Cocteau alors… On ne va pas se mentir : le sujet est à la mode ! Et comme tous les bons filons, encore peu exploités et un peu méconnus, en tout cas du grand public, et bien tout le monde s’y engouffre avec plus ou moins de succès, livres et essais, meet-ups, réunions plus ou moins secrètes, spectacles… et bientôt film, j’en suis sure.
Les HP, comment leur garantir l’épanouissement ?
De ce fait, mon objectif reste très modeste. Petit témoignage et surtout grand questionnement, pas tant sur le passé et le présent que je connais forcément de manière empirique, mais plutôt sur le futur de ces populations qualifiées de Haut Potentiel ou HP (on est ici dans la dénomination la plus politiquement correcte pour l’entreprise mais source de beaucoup de confusion car faisant référence à des choses différentes) et surtout sur leur futur professionnel avec cette interrogation permanente : “Quel bonheur pour un HP au travail ? Quel épanouissement peut-on leur promettre ?”. A l’heure où le bien-être au travail est de moins en moins galvaudé et où cette question n’est plus le seul apanage des responsables QVT, comment peut-on également s’occuper de cette minorité au travail qui, avouons-le, jusqu’à maintenant n’a guère passionné les foules et les RH… ?
Avec en filigrane, une autre question ? Juste pour tordre le cou aux idées reçues : “Est-ce qu’être surdoué nous rend plus heureux au travail ? Et si ce n’est pas le cas, comment faire pour intégrer cette minorité encore méconnue et ressentie comme un peu menaçante ou différente ?
Retour d’expérience
Alors laissez-moi vous raconter mon histoire. Moi, petite dernière de la tribu des HP, zèbres, multi-potentiels, atypiques, hyperactifs, hybrides, surdoués… et tout ce qui s’ensuit… J’utiliserai ici la dénomination la plus simple (HP) étant entendu que tous les termes utilisés ne sont pas des qualificatifs suffisants et satisfaisants pour expliquer le mode de fonctionnement d’une intelligence qui n’est pas supérieure au sens propre du terme mais qui est différente. Déductive, assimilative, comparative. Donc indulgence quand au terme surdoué et surtout pas de complexe d’infériorité qui n’a pas lieu d’être ici 🙂
Mon histoire n’a rien d’unique, ni d’exceptionnel. Elle illustre justement parfaitement mon propos car elle est la même que celle de milliers d’entre vous, d’entre nous, qui nous cherchons et sommes dans cette quête permanente de compréhension de notre différence et dans le recherche de l’acceptation de qui nous sommes, de notre manière de fonctionner, de nos désirs si hétéroclites, de nos aspirations vers tout et son contraire, de notre quête d’absolu et de perfectionnisme.. Et quelle joie quand nous comprenons enfin et que nous nous reconnaissons dans cette description. D’où l’utilité de faire le test quand un doute subsiste…
Alors, voilà. D’abord le syndrome de la bonne élève, typique du HP dans cette volonté de bien-faire, de satisfaire, de rentrer dans le rang dont intuitivement il sent qu’il sort tout le temps. Le HP est dans l’effort constant pour s’adapter et s’aligner (mais pas dans le bon sens). Et franchement, c’est fatiguant, épuisant et ça mène tout droit au burn-out !
J’étais attirée par des études artistiques qui me permettraient d’exprimer toute cette sensibilité, cette émotivité que je ne savais traduire par des mots, cette poésie, cette intuition et ce sens du juste mais peur, famille, raison, méconnaissance de moi m’ont guidé vers une voie plus traditionnelle, plus rassurante, sécurisante et, à coup sûr, plus rémunératrice.
Donc études supérieures. Pas spécialement adaptées à mon envie de “tout”, à savoir être sage-femme et ambassadeur, chercheur et polyglotte, journaliste et décoratrice, à avoir du temps pour moi et et gagner de l’argent, à voyager et m’occuper de mes proches… Mission accomplie. Avec mêmes de brillants résultats mais hélas déjà ce sentiment d’ennui, de désoeuvrement, de talents inexploités, de mécontentement, de frustrations, de monotonie, de déception…. Bref, la conscience épidermique de ne pas m’être réalisée… et le commencement de la quête…
A travers la carrière, les voyages, le sport, les rencontres, l’ésotérisme et la spiritualité, le travail psychologique et analytique.. tout ceci avec un seul but. Comprendre cette soif d’absolu et d’insatisfaction constante.
Etre surdoué
Combien de fois ai-je entendu de la part des recruteurs que la variété de mes centres d’intérêts, ma volubilité, ma gestuelle, d’une part, et surtout mes changements de postes, d’autre part, démontrait mon instabilité, mon inconstance et donc mon incapacité à me concentrer (dans leur bouche donc à être fiable). Alors que, tout au contraire, mon fonctionnement me fait appréhender les choses avec plus de perspicacité et d’acuité surtout si elles sont variées, multiples, complexes et surtout diversifiées. Et hors de question de parler d’ennui, car on vous taxerait d’inconsistance et de superficialité ! Candidat au burn-out a t’on dit ? Et si nous parlions du bore-out ?
Ne nous leurrons pas. Etre HP n’est ni un drame ni un cadeau. Ni un gage de bonheur ni de malheur mais c’est certes une différence et pas besoin d’un dessin pour savoir comment on traite la différence en règle générale….
Comme beaucoup d’entre vous, j’aime ce qui est inconnu. Je suis très curieuse. Tout m’intéresse. J’aime l’aventure, pas pour le danger, mais parce que cela m’emmène hors des sentiers battus et cela me fait vibrer. J’aime les défis, non pour les relever et m’en enorgueillir, mais simplement parce ce que c’est nouveau, inconnu et donc réjouissant et excitant. Lors de mes expériences professionnelles, j’ai souvent été accusée d’aller trop vite, d’aller trop loin, d’en vouloir trop…. Si le HP réclame de l’attention, des postes plus élevés, un périmètre d’action plus grand, ce n’est certainement pas par ambition, c’est pour maintenir son attention et son efficacité intactes, son investissement pérenne. C’est parce qu’il fait le tour des choses plus vite et qu’il a besoin de plus de choses. De stimulation. Sous toutes ses formes. Intellectuelles et prosaïques. C’est pour cela que les HP sont naturellement prédisposés à des postes liés à l’innovation et à la “disruption”.
Attention, je n’aime ni les clans ni les étiquettes (surtout si elles sont immuables) et je n’aime pas le sentiment d’exclusion. Sentiment que j’ai ressenti bien souvent dans ma vie. Et je n’aimerais pas que cette douance m’isole des autres par un système de pensée similaire à celui-là même qui m’a exclu. Attention aux relations consanguines, aux clubs surtout s’ils sont élitistes, attention à l’entre-soi et au sentiment rassurant que peut procurer le fait de se retrouver entre gens de bonne et surtout de “même” compagnie… Attention à ne pas reproduire que ce nous avons honni….
Le HP en entreprise & le futur du travail
La douance et les qualités qu’elle engendre – une insatiable curiosité, la juste appréhension immédiate des problématiques systémiques en jeu et et la visualisation innée des solutions possibles, une vélocité inimaginable, une profonde humanité, une extrême sensibilité, une empathie hors du commun, des capacités intuitives indescriptibles – combinées à des compétences analytiques, techniques et académiques, peut et devrait être un atout plus que déterminant pour une entreprise !
C’est exactement la même source de questions et problématiques que l’on retrouve autour des softs skills (compétences comportementales) : méconnues, pas ou peu maitrisées, donc pas ou peu valorisées alors que la compétitivité de demain se trouve justement dans ce cinquième pouvoir ! Celui de l’intelligence humaine et émotionnelle.
Le HP est un soft leader et ses qualités obscures et incomprises jusque maintenant sont en réalité le moyen voire la solution à l’expression et la reconnaissance des talents de demain. Ceux-là mêmes qui changeront le monde. Rappelez-vous Steve, Larry, Mark…. Nos chers millenials en sont un si bon exemple…
Ce monde idéal où les HP sont reconnus, acceptés et encouragés, est simplement ce monde dans lequel la logique RH est orientée vers les talents et non vers les compétences. Et tout l’intérêt de cette gouvernance avant tout humaine est qu’elle est dirigée et guidée par l’être humain et non par la recherche seule des résultats, de la compétitivité et du leadership monopolistique.
Tout l’enjeu ne sera pas seulement d’attirer ces talents ou de les détecter (toutes les nouvelles méthodes de management basées sur un plus grand dialogue et une communication transparente, acceptée, encouragée et constante favorisent considérablement le repérage de ces profils). Non. Le véritable défi sera de les retenir !
Et pour les retenir, la RH de demain doit recruter différemment, intégrer avec bienveillance, repenser la performance, créer de nouveaux objectifs et de nouvelles structures, accepter et encourager la différence pour l’expression des talents et des potentiels. C’est exactement la tendance et c’est donc profondément encourageant…
Article rédigé par Elise Taub.
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