La perte dans l’espace et du temps
Wadih Choueri, intervenant au club il y a 3 mois (retrouvez son intervention sur l’espace premium) nous invitait à considérer le télétravail pendant cette période comme du « confitravail » et non du télétravail. Et à y bien regarder, tel que défini dans l’article L1222-9 du Code du travail, la définition du télétravail ne correspond pas tout à fait à la période « toute forme d’organisation du travail dans laquelle un travail qui aurait également pu être exécuté dans les locaux de l’employeur est effectué par un salarié hors de ces locaux de façon volontaire en utilisant les technologies de l’information et de la communication. »
Le salarié a-t-il le choix ? Non. Est-il préparé ? Pas plus. Nous notons avec l’équipe de l’Optimisme un stress grandissant des salariés. Il faut dire que le manque d’accompagnement dans le domaine est certain.
La gestion du temps et le manque de déconnexion
Alors que des managers pensent que télétravail=glandouille, on serait plutôt sur la tendance inverse. Comme nous l’évoquait Patricia Wendling la semaine passée au club (également disponible en replay)
« Aucun salarié n’enfile son costume pour retourner travailler à 20h, en revanche, ouvrir l’ordinateur pour répondre à ses mails est courant ».
Un petit mail, ce n’est pas grand-chose vous dites-vous peut-être. Sauf quand cela devient une habitude et que cela se répand comme une trainée dans l’entreprise. De la même façon qu’on scrolle ses réseaux sociaux le soir, on scrolle sa boite mail pro. Un nouveau mail ? Allez, j’y réponds, comme ça c’est fait. Et voilà que des discussions s’enclenchent en copie avec toute l’équipe ! Pour peu que le boss soit dans la boucle, c’est l’escalade.
Parce que le salarié veut se montrer responsable et redevable d’avoir la permission de rester chez lui… Il va souvent avoir tendance à en faire plus.
Je vois la pensée arriver dans votre cerveau « cela existait avant ». Certes. Sauf pour ceux qui n’avaient pas même un ordinateur portable ou un téléphone pro. Aujourd’hui, par mimétisme avec les autres et par perte de notion dans le temps et dans l’espace, les salariés ont du mal à déconnecter.
La gestion de l’espace
L’ordinateur est sur la table basse du salon, à côté de l’assiette, à côté du crochet pour le tricot – et pourquoi pas ! Aucune gestion de l’espace.
Les mouvements ? De la cuisine au salon -dans le meilleur des cas. Certes, on aurait pu sortir ce midi mais il y avait cet appel qui risquait d’arriver…
Voilà 19h et on n’a toujours pas mis le nez dehors. Avoir des collègues en temps normal, c’est aussi nous inciter à faire une pause déjeuner. On n’a pas envie de rater le debrief du week-end de Paul ou le dernier ragot sur Corinne. Et puis si les autres le font, moi aussi je vais me permettre la pause !
Les montres qui mesurent le nombre de pas doivent en ce moment s’affoler ! (même si le nombre de pas vers le frigo est lui en augmentation !)
Que faire ?
« Nous on a fait une charte du télétravail ». C’est un bon début ! Sauf que je peux vous le garantir en tant qu’entrepreneuse avec une équipe pratiquant le télétravail depuis plusieurs années.
Le télétravail est une culture d’entreprise à l’opposé de ce que le salarié a souvent vécu depuis sa plus tendre enfance. On l’a contrôlé, on lui a fait sonner des cloches pour changer d’activité, on l’a fait arriver à tel endroit à telle heure, renvoyé chez lui à telle autre.
Le télétravail demande un réel sens de l’organisation et de la responsabilité. Une certaine confiance en soi aussi. Parce que le manager a parfois du mal à évaluer à distance la dose de travail et il faut savoir déconnecter quand il est temps.
Les conséquences ?
– Le surmenage : le salarié risque de se « cramer » littéralement du manque de pause
– Le mauvais sommeil car pas de déconnexion avant de dormir
– Des problèmes aux yeux : 7h devant un écran sans compter la télé ou les réseaux sociaux… nous en parlions la semaine passée avec Nathalie Willart de Coach for eyes qui nous évoquait son inquiétude en tant qu’orthoptiste.
– La solitude : si la gestion du lien est mal gérée par un « petit manager » et que le salarié n’a aucune soupape de décompression
– Les maux de dos car les ergonomes ne passent pas chez les salariés…
– Une possible prise de poids (sauf si le frigo est à 1 km), des engueulades avec son conjoint (car le stress on le déverse sur quelqu’un…)… les conséquences indirectes sont nombreuses !
Le tableau n’est pas très optimiste me direz-vous ? C’est certain, c’est aujourd’hui que la responsabilisation individuelle entre en jeu. On ne peut pas materner les salariés mais les inviter à s’auto-gérer.
Quelques conseils que nous avons mis en place en interne :
– 0 mail en interne (car ce sont surtout à eux qu’on répond hors plages horaires de travail)
– Des outils qui déconnectent automatiquement les notifications aux salariés après 19h
– L’incitation à passer des appels internes en sortant dehors. Car le lien est absolument fondamental, les bavardages entre collègues aussi. Autant faire une réunion avec un client en marchant est compliqué, autant parler avec son collègue en se baladant est possible.
– Des conférences multiples et des vidéos inspirantes de prévention.
Notre équipe baigne dans les formations, dans la prévention, dans la QVT, nous sommes entourés de préventeurs, de spécialistes de la santé et pourtant… nous n’appliquons nous-mêmes pas toutes les consignes que nous recevons. Autant vous dire qu’il faut beaucoup d’auto-discipline et rappeler à chacun que la santé mentale et physique est prioritaire !
Le stress montant, nous organisons la semaine prochaine une Pause café avec le docteur Philippe Rodet.