Même si le confinement est passé par là, et malgré le télétravail, le présentéisme est encore très ancré dans la culture managériale en France. Rester au travail alors que l’on n’est plus productif, faire des journées trop longues, ne pas poser assez de congés, venir lorsque l’on est malade : vos retours sur le sujet sont nombreux. Les causes sont diverses : peur du regard de son manager, sur-implication, quantité de travail trop importante…
Mais rester au travail alors que l’on est trop fatigué ou malade présente de nombreuses conséquences néfastes.
Présentéisme et estime de soi
Vous vous dites qu’un collaborateur qui reste au travail est un collaborateur investi qui aime son métier et s’y sent bien ? C’est possible. Mais l’inverse peut être aussi vrai. Et le présentéisme peut mener à un réel déficit de l’estime de soi.
Pour reprendre les propos de Catherine Testa, dans une récente table ronde :
« Le présentéisme démontre forcément que quelque chose est dysfonctionnel dans l’entreprise. Et on minimise les conséquences sur l’estime de soi.
Soit le collaborateur va penser que ça vient de lui : « il ne voient pas que je suis performant, je dois donc montrer que je suis présent », « je ne suis visiblement pas assez bon dans ma mission pour que ça suffise, il faut aussi que je reste longtemps au travail », « je dois me justifier d’être employé en restant tard »…
Vous imaginez l’impact sur l’estime de soi ? Les conséquences sont faciles à envisager : perte de sens, insatisfaction au travail, mauvaise attribution de ses compétences et… burn-out.
Présentéisme et fatigue
Selon une étude de Malakoff Médéric, parmi les arrêts de travail prescrits en 2016, un sur cinq n’a pas été suivi. La moitié des salariés ayant continué à travailler en étant malades ont invoqué le fait qu’ils n’avaient “pas l’habitude de se laisser aller”.
Pourtant 39% d’entre eux disent l’avoir regretté a posteriori car cela a eu un impact négatif sur leur productivité, leur santé ou encore leur moral.
Ne pas oser prendre son arrêt maladie peut avoir de multiples causes : peur d’être encore plus en retard sur son travail au retour, exigence envers soi-même (souvent depuis l’enfance), peur du regard de son manager, minimisation de sa santé…
Mais un tel épuisement peut conduire à terme à un absentéisme accru.
Présentéisme et recherche de reconnaissance
Hélas, en France, les heures supplémentaires passées au travail sont encore trop souvent considérées comme un signe de productivité et de motivation. Pour Catherine Testa,
Les managers sont encore bien trop nombreux à penser que présentéisme = productivité.
Si un manager est obligé d’avoir ses équipes dans son champ de vision au quotidien le plus tard possible et n’est pas capable de noter la vraie performance, c’est qu’il y a une problème. Le collaborateur va se sentir infantilisé, simple exécutant et avoir une mauvaise estime de soi. Il aura également une vision peu noble de son manager qu’il bluffe par un simple effet de présence ! «
Le manque de reconnaissance est un des principaux critères de démission des équipes. Et il est vital de valoriser les collaborateurs au delà de leur simple présence.
Présentéisme et équilibre pro et perso
Le présentéisme n’est pourtant pas un mal nécessaire, puisque les pays anglo-saxons ou les pays scandinaves s’en passent aisément. Rester tard au bureau y est même considéré comme un manque de productivité.
Catherine Testa de compléter : “Je me rappelle de mon ancien collègue manager à San Francisco qui m’expliquait que toute son équipe partait des bureaux à 17h00. En France, dans la même entreprise, personne n’aurais osé quitter avant 19h. Pour lui, partir tôt était sain : cela veut dire que ses collaborateurs avaient un équilibre personnel, qu’ils faisaient du sport. Et si quelqu’un partait après 19h30, cela voulait clairement dire qu’il n’avait pas été assez productif. Il devait faire son job dans le temps imparti ! »
Du bon sens que nous avons perdu en France.
« En France, les collaborateurs cherchent à obtenir de la reconnaissance à travers le présentéisme, ce qui n’a, en soit, aucun sens ! Mieux vaut un salarié qui est efficace sur son temps professionnel et qui prend, le soir, du temps pour lui, pour sa famille, pour son équilibre personnel… Il sera mieux dans ses bottes et restera plus longtemps dans son entreprise ! »
Pour Catherine : « le meilleur conseil qu’on m’ait donné c’est de travailler 8 heures, de passer 8 heures en temps libres et 8 heures à dormir. J’essaie de le transmettre à tous les entrepreneurs que je croise mais aussi aux équipes. A titre personnel j’ai du mal à suivre cette règle car j’aime travailler et il est bon de comprendre qu’au delà du présentéisme, il y a aussi ceux qui aiment leur job, qui aiment travailler car leur cerveau a besoin de stimulations. Et c’est un sujet différent. La question est celle de la satisfaction personnelle. »
Présentéisme : comment inverser la tendance ?
1/ Sortir de la culture du présentéisme
Il est important de faire comprendre à tous que le présentéisme n’a, en soit, aucune vertu ! Les managers doivent cesser de valoriser ceux qui sont présents et nous devons tous faire passer le message que le présentéisme est le résultat d’un dysfonctionnement du management.
2/ Valoriser l’efficacité
Tous les managers ayant eu de jeunes parents dans leurs équipes le savent. Elles ou ils doivent aller chercher leurs enfants à la sortie de l’école et il leur est donc impossible de reporter l’heure de fin. Pourtant, en contrepartie, on note toujours un vrai gain en efficacité ! Il en est de même avec ceux qui sont proches aidants, ou ceux qui ont des contraintes personnelles fortes.
3/ Etre ferme sur les horaires et donner l’exemple !
Oui, il existe des outils digitaux pour « forcer à la déconnexion », mais on peut aussi simplement se réguler.
- ne pas planifier de réunions après 16h
- ne pas envoyer de mails le soir
- ne pas envoyer de mails le week-end
- ne SURTOUT pas répondre à des collaborateurs qui envoient des mails tard et le week-end
Et en tant que manager, il est important donner l’exemple. Et on peut très facilement glisser dans une culture du présentéisme. Il est important de ne surtout pas dire aux autres de faire ce que vous ne vous appliquez pas… Et nous savons, surtout si vous êtes passionné par vos métiers et que vous êtes arrivé à la fin de cet article : vous faites probablement partie de ceux qui prennent soin des autres et pas de vous !
Et si cette rentré ça changeait ? Nous attendons vos témoignages sur les réseaux…