Le leadership en 2020 exige des dirigeants de devoir faire passer les intérêts collectifs avant les leurs pour relever les défis du développement durable
Le mauvais comportement a récemment dépassé la sous-performance financière comme principale raison des départs forcés des dirigeants d’entreprises mondiales. Certains d’entre eux ont été impliqués dans des scandales #MeToo concernant le traitement des femmes. Beaucoup de ces mêmes PDG sont à l’aise d’être payés des milliers de fois plus que ce qu’ils paient leurs employés et font preuve d’un mauvais leadership.
Est-ce un comportement normal ?
Peut-être pas pour les gens ordinaires – mais ce l’est clairement pour les personnes en position de pouvoir.
Des recherches datant de 2008 nous indiquent que nous sommes plus susceptibles d’élire des narcissiques – des gens égocentriques, qui exagèrent leurs talents et leurs capacités et manquent d’empathie envers les autres – en tant que leaders. Une autre étude concernant des professionnels en entreprise, choisis pour suivre des programmes de formation en management, a observé que la plupart de ceux qui obtenaient de bons résultats aux tests de traits psychopathiques « occupaient des postes de direction de niveaux supérieurs ». Et une étude réalisée l’année dernière par le cabinet de conseil TalentSmart a révélé que les directions générales avaient les scores les plus faibles en matière d’intelligence émotionnelle sur le lieu de travail, bien en deçà de ceux du middle management.
Bien que cela soit presque certainement vrai depuis des années, les investisseurs, les électeurs et les conseils d’administration ne peuvent plus fermer les yeux sur le manque, dans les rangs des dirigeants d’entreprise, de ce que Shakespeare a appelé le «lait de la tendresse humaine». Aujourd’hui, le dirigeant égocentrique est fondamentalement incompatible avec la résolution des problèmes de développement durable.
Ainsi, la lutte contre les inégalités mondiales exige presque par définition des dirigeants qui sont personnellement prêts à accepter une plus petite part du gâteau. La crise climatique exige des changements radicaux dans les modèles de production et de consommation qui réduiront, sans aucun doute, les bénéfices à court terme pour beaucoup. Pour transformer radicalement notre modèle économique à temps pour mettre un terme aux changements climatiques irrévocables, nos dirigeants auront non seulement besoin de vision et de prévoyance, mais aussi de la capacité et de la volonté de faire passer les intérêts collectifs avant les leurs.
Pour ce faire, il faut de l’empathie, de la compassion, de l’honnêteté et de l’humilité, mais ce sont rarement les attributs qui vous propulsent aujourd’hui au sommet d’une grande organisation. Au contraire, ces traits semblent diamétralement opposés à ceux que nous utilisons actuellement pour sélectionner nos dirigeants.
Alors, que faire de ce décalage?
Premièrement, les conseils d’administration doivent exiger que les systèmes utilisés dans la planification de la relève, identifient les dirigeants non seulement pour leur capacité à «exécuter» et «livrer», mais tracent aussi leur capacité à faire preuve d’honnêteté, d’humilité et de compassion. Nous savons maintenant que chacun de nous est câblé pour croire que la personne la plus charismatique dans la salle est aussi le meilleur leader. Pour changer de modèles, nous devrons changer d’outils. Nous devons nous extirper de l’équation lorsque cela est possible et nous appuyer davantage sur des solutions technologiques, telles que des logiciels d’embauche qui évitent les biais cognitifs connus. Nous pouvons utiliser des algorithmes et de l’intelligence artificielle pour aider à identifier objectivement ces compétences nécessaires au leadership en 2020.
Et, deuxièmement, les régulateurs devraient considérer la possibilité d’exiger une certification pour les PDG qui tient compte de l’honnêteté, de l’humilité et de la compassion. Les médecins, ingénieurs, avocats, architectes et autres doivent prouver qu’ils ont certaines compétences avant de pouvoir exercer leur profession. Ils se soumettent à des vérifications des antécédents pour identifier les délits éthiques ou légaux et signent un code d’éthique, et les violations peuvent entraîner l’annulation de la licence d’exercer.
L’idée est que les personnes occupant ces postes ont un impact direct sur – et pourraient potentiellement mettre en péril – la vie des autres au cours de leur travail et on doit donc être plus exigeant envers elles qu’envers d’autres professions. Comme les médecins, les dirigeants devraient obtenir une autorisation pour exercer : des vies sont en jeu !
Étant donné l’ampleur de la double crise climatique et des inégalités à laquelle nous sommes confrontés et l’ampleur du changement qui doit se produire au cours de cette décennie, la redéfinition de nos modèles de leadership pourrait, en fait, être une condition préalable à notre propre survie.
(Source : Financial Times – Février 2020)