« Les choses ont besoin de management, les individus ont besoin de leadership. Faire l’inverse est dangereux », disait le philosophe Charles Handy. Notre société a besoin de leader pour imaginer des solutions sans lesquelles notre cohésion sociale serait menacée. La vocation du leadership consiste à libérer le potentiel d’ingéniosité, de créativité et la soif d’engagement de l’humanité, afin de rendre pleinement efficace la ressource la plus importante qu’il y ait sur Terre.
Le leader a pour rôle d’inspirer. Pour cela, il a besoin d’avoir une vision afin de voir quelque chose hors du commun, de plus grand que lui. Les rêves éveillés, la rêverie sont des moyens pour accéder à ces visions. Ces types de rêves surviennent lorsque nous décèlerons.
Ralentir et Rêver ne serait-il pas deux moyens d’exprimer la force tranquille du leader qui est en chacun de nous ? De nous accompagner avec sérénité en cette période mouvementée ?
Dans ce billet, je souhaite partager les bienfaits que la lenteur et le rêve procurent dans nos vies, sujets que j’ai à cœur de mettre en avant. Pourquoi ? Tous deux offrent un moyen de s’ancrer personnellement, ce dont nous avons toutes et tous besoin en ce moment, il me semble. Pour ce faire, j’appuie ma réflexion sur les écrits de Carl Honoré et Tom Hodgkinson (célèbres auteurs sur le sujet d’un autre mode de vie), ainsi que de mon expérience de coaching en leadership et … décélération !
1. De la lenteur tu prendras …
En 1982, le médecin américain Larry Dossey a inventé le concept de « maladie du temps » pour décrire cette croyance selon laquelle « le temps s’enfuit, qu’il n’y en a pas assez et qu’il faut pédaler pour le rattraper ». Nous en souffrons tous. Tandis que nous traversons notre vie ventre à terre, en exigeant chaque jour un peu plus de nos heures déjà bien remplies, nous tirons sur la corde de notre santé physique et psychique.
A une plus grande échelle, le manque de temps affecte les coûts de productivité des entreprises à hauteur de plusieurs milliards de dollars chaque année, auxquels s’ajoutent des coûts secondaires. Les organismes de santé publique le classent comme premier facteur d’obésité. Des chercheurs ont estimé le coût médical de cette forme de stress à 48 milliards de dollars par an.
Selon trois études menées par le professeur Elizabeth Dunn, de l’université de Colombie- Britannique, ceux qui priorisent le temps par rapport à l’argent rencontrent davantage de monde : ils passent 18% de temps supplémentaire à interagir avec une personne jusque-là inconnue que ceux priorisant l’argent par rapport au temps. Cette donnée est importante, car les interactions sociales, même fugaces, jouent un rôle étonnamment important dans la réduction du stress et l’accroissement du bien-être, comme l’ont prouvé d’autres chercheurs. Cela n’a pas de prix.
Assise dans un parc aux couleurs d’automne, je me demande : « Comment guérir cette obsession du temps ? Pourquoi vouloir aller plus vite en adoptant une connexion plus rapide à internet, acheter un micro-ondes plutôt que de cuisiner des produits en les laissant mijoter, commander nos courses en ligne en nous coupant de relations sociales, … ? De quoi avons nous besoins réellement quotidiennement ?
Je ne souhaite pas ici déclarer une guerre à la vitesse. Elle nous a permis de reconstruire le monde dans un sens merveilleux et libérateur. La vitesse peut être amusante, productive, puissante et nous nous retrouverions démunis sans elle. Ce que propose et offre le fait de ralentir, c’est une troisième voie, une manière d’allier décélération et dynamisme.
Le souci est que notre obsession de la rapidité nous pousse à ne plus écouter les besoins de notre corps, à être moins présent auprès de nos proches car nous voulons faire toujours plus de choses en moins de temps. Il devient difficile de se réjouir de ce que nous vivons au présent car nous sommes sans cesse en train d’anticiper.
N’aurions-nous pas dépassé les bornes des limites ?
De longues heures passées derrière nos écrans lumineux et au travail nous rendent finalement improductifs, sujets à l’erreur, insatisfaits et mal en point : insomnies, migraines, hypertension, asthme, dépression, isolement … Auparavant, on ne rencontrait des états limites de surmenage qu’au-delà de quarante ans, observe un coach de vie basé à Londres. A présent, il rencontre des femmes et hommes de vingt ans qui ont brûlé leurs réserves.
Il en va de même :
- De nos consommations. Pour suivre le rythme, beaucoup ont délaissé le café au profit d’excitants plus puissants. L’une des raisons de ce besoin de stimulants et que nous manquons de sommeil.
- De notre sommeil. Dormir moins de six heures par nuit déséquilibre la coordination motrice, le discours, les réflexes et le jugement. La somnolence cause plus d’accidents de voiture que l’alcool. Un sondage Gallup indique que 11% des conducteurs britanniques ont reconnu s’être assoupis au volant.
- Du sport. Chaque année, des millions de personnes de par le monde souffrent de blessures occasionnées par le sport et l’activité physique. Nous poussons nos corps trop loin, trop vite et sans entrainement hors de ses limites.
- De nos relations sociales. Les moments en compagnie de proches, d’amis, sont insérés dans des agendas surchargés. Ils prennent forme de rendez-vous ayant un début et une fin définie, dont il est difficile de déroger. En leur compagnie, il est parfois difficile de se rendre disponible, de simplement les écouter. Ces moments précieux ont pour fonction de partager, de nourrir nos besoins de lien, d’amour et de reconnaissance.
Il y a des choses qui ne peuvent pas, et ne devraient pas aller plus vite. Elles prennent du temps, demandent d’aller doucement. Comme l’écrit Milan Kundera dans La lenteur ;
« Quand les choses se passent trop vite, personne ne peut être sûr de rien, même pas de soi-même ».
Les choses qui nous relient et donnent du prix à la vie, la communauté, la famille, l’amitié, se nourrissent de ce dont nous manquons : Le temps.
Dans un sondage de l’institut des médecins britanniques, la moitié des adultes britanniques ont déclaré que leur emploi du temps surchargé leur avait fait perdre le contact avec leurs amis.
Dans cette époque riche en information, en médias, voués au nomadisme virtuel, aux jeux électroniques, nous perdons l’art de ne rien faire, de fermer la porte aux bruits de fond et à ce qui nous distrait, de ralentir le rythme en restant simplement seuls avec nous-mêmes. S’ennuyer, un mot que l’on n’employait pas il y a soixante ans. Ne serait-il pas un signe que nous ne sommes pas heureux et satisfaits de ce que nous faisons ?
Quand avez-vous pris le temps d’aller écouter le chant des oiseaux ? De vous poser dans un endroit que vous aimez sans avoir à faire quoi que ce soit, si ce n’est le plaisir de vous laisser porter ?
Plutôt que de penser en profondeur, de laisser une idée mûrir au fond de notre être, notre conditionnement nous commande de trouver le raccourci le plus rapide.
Tandis qu’une partie d’entre nous carbure à deux cent à l’heure, une minorité grandissante a choisi de ne pas tout faire à toute vitesse en termes de travail, d’exercice, d’alimentation, de médecine, d’urbanisme, … Beaucoup de gens décident de ralentir le rythme et découvrent que cette décélération les aide à mieux vivre, mieux travailler, mieux réfléchir et négocier les choses.
Ces individus étaient considérés comme des farfelus, des rebelles il y a encore deux ans. Il semble que cette tendance se soit inversée avec les événements que 2020 nous apporte. Où sont-ils ? Autour de nous. Nous voulons aller si vite que nous ne les voyons, bien souvent, pas.
Aller moins vite pour aller mieux.
« Vitesse et lenteur font plus que désigner un changement de rythme. Ils incarnent des philosophies de vie. La vitesse est occupée, autoritaire, stressée, agressive, superficielle, impatiente, privilégie la quantité sur la qualité. La lenteur est son opposé : calme, attentive, réceptive, immobile, intuitive, tranquille, patiente, réflexive, préfère la qualité à la quantité. » Carl Honoré
Le terme de lenteur ne veut pas spécialement dire « au ralenti ». Nous pouvons accomplir des tâches de manière lente avec de bien meilleurs résultats, il est également possible de faire les choses rapidement tout en maintenant un état d’esprit calme. Il s’agit de trouver son propre équilibre : Aller vite lorsque cela est nécessaire, et ralentir quand la lenteur s’impose. Au lieu de faire tout plus vite, faire tout à la bonne vitesse. A certains moments vite, à d’autres lentement, à d’autres encore un peu des deux. Parvenir à rester calme et serein même quand les circonstances nous forcent à accélérer. L’attitude lente consiste à ne jamais se hâter, ne jamais chercher à gagner du temps par principe.
Les entreprises paient un prix élevé pour imposer cette culture de la vitesse et du travail à outrance. La productivité est difficile à mesurer, mais les théories managériales s’accordent à dire que, au final, l’overdose de travail fait chuter le taux. C’est une question de bon sens : nous sommes moins productifs lorsque nous sommes stressés, fatigués, insatisfaits ou en mauvaise santé. Selon le bureau international du travail, la productivité des travailleurs belge, français et norvégiens est supérieure à celle des Américains. Les britanniques, qui passent plus de temps au travail que la plupart des Européens, disposent de l’un des taux horaires de productivité les plus bas du continent.
Il n’existe pas de formule universelle pour changer de rythme, pas plus qu’il n’existe d’échelle universelle de la vitesse. Chaque personne, chaque acte nous appelle à trouver notre propre rythme. Nous devrions avoir le droit de choisir le rythme de vie qui nous satisfait. Le monde ne peut que s’en enrichir.
Pourquoi est-il important de ralentir ? Pour améliorer nos relations avec notre entourage, rencontrer de nouvelles personnes, être plus efficient, se reconnecter à soi, mieux réfléchir, renouer avec le plaisir de l’attente, mieux s’aimer, prendre soin de notre santé.
💡 Deux astuces pour y parvenir :
- Alléger son emploi du temps en s’accordant régulièrement, dans la journée, des pauses pour simplement se poser. Se reposer ne signifie pas ne rien faire !
- Lorsque vous sentez que tout commence à s’accélérer autour de vous, que les idées se multiplient et se mélangent dans votre tête, que vous ne parvenez plus à vous concentrer, … cela signifie que votre corps tire la sonnette d’alarme. Dans ce cas, pour vous apaiser il est bon de revenir au moment présent. L’exercice le plus simple est d’écouter, se concentrer sur sa respiration, ceci jusqu’à ce que l’apaisement s’installe, … quel que soit le temps que cela demande.
2. De la rêverie tu cultiveras…
Les rêveurs toujours « dans la lune » sont enjoints à vivre « dans le monde réel ». Et qu’est-ce que cela signifie de vivre dans le monde réel ? Cela signifie-t-il de travailler dur toute la journée pour produire des objets et services nous appauvrissant et nous rendant moins heureux ? Ou encore les objectifs à atteindre, les dettes, les prélèvements automatiques, répondre à ses emails, les visioconférences … ? Un monde réel sans joie, sans l’autre.
Qui nous dit que ce monde prétendument réel n’est pas celui que nous créons pour nous détourner du monde qui réside en notre esprit ? Ces deux mondes sont le produit de l’imagination et du langage. Pourquoi privilégier l’un par rapport à l’autre ? Notre devoir ne serait-il pas de réunir ces deux mondes, d’harmoniser le monde des rêves et le monde de notre quotidien ?
Cela ne signifie pas fuir nos responsabilités quotidiennes – payer les charges, faire les courses, entretenir la maison, aider aux devoirs des enfants, … Cela ne se résoudra pas sans notre action bienveillante. Ces actes sont importants et ont besoin d’être réalisés.
En matière de rêve, trois niveaux sont à distinguer :
1. Les étranges visions et histoires qui nous viennent lorsque nous dormons
2. Les vagabondages semi conscients de l’esprit, les rêves éveillés
3. Nos visions d’un monde meilleur, lorsque l’on suit ses rêves, parfois appelés « idées loufoques ».
Le monde des rêves est un extraordinaire cyberespace. Ils nous transportent dans d’autres mondes qui nous aident à donner du sens à notre vie. Rêver nous relie à notre inconscient. Pourquoi une activité aussi consommatrice de temps et bénéfique à notre équilibre est-elle si fréquemment dédaignée ? Les rêves font tourner le monde, tout y est possible.
Les exemples des facultés créatrices du rêve sont nombreux. Le personnage de Kubla Khan, empereur mongol, est venu à Coleridge dans un rêve ; l’air Yesterday est également venu à Paul McCartney dans un rêve. Mary Shelley a imaginé le personnage de Frankenstein lors d’un rêve éveillé, Einstein a déclaré que la théorie de la relativité lui est venue pendant un rêve. Descartes a fait un rêve le conduisant sur la voie de son nouveau système philosophique ; ce rêve fut selon lui le moment le plus important de sa vie. J.K. Rowling regardait par la fenêtre en rêvassant lorsque l’histoire et les personnages de Harry Potter lui sont venus. Nos grands écrivains ont brisé les barrières entre le rêve et la réalité. Une définition de la poésie pourrait être : « le lieu où le rêve rencontre la réalité ».
Il devrait exister un dialogue entre le monde réel et le monde des rêves. Leur séparation en deux sphères antagonistes de l’expérience humaine est bien dommage. Cette dissociation se retrouve dans d’autres domaines de l’existence : le travail et la vie ont divorcé, l’art et la science également. Le monde de l’esprit appartiendrait-il désormais aux psychanalystes, à la publicité, au GAFA ?
Un seul monde a été décomposé en des myriades de mondes plus petits, tous en compétition les uns contre les autres, nous faisant éprouver un sentiment d’impuissance.
Le rêve est libre, hors de commerce. Peut-être est-ce en raison de sa gratuité que nous y accordons que peu de valeur ?
Les rêves éveillés, les rêves lucides, les rêveries sont une source de plaisir en eux-mêmes et peuvent être utiles pour nous aider à imaginer d’autres possibles.
« Suivez vos rêves ». Ce conseil est souvent répété qu’il en devient un cliché. Les rêves nous reflètent, ils reflètent la qualité de notre vie et notre imagination. Du rêve à la créativité il n’y a qu’un pas. La disparition de la réalité, la totale absence d’autocontrôle libère une grande intuition ainsi qu’une inspiration, essence de l’innovation. Le rêve permet de voir ce qui échappe aux autres pour ensuite revenir dans le monde réel rechargé, renforcé !
La période que nous traversons demande de revoir, inventer de nouvelles manières de faire, d’être, d’agir, de s’organiser, de travailler, de vivre différemment. Notre créativité, notre leadership est fortement sollicitée. Le rêve est un moyen d’y accéder. Ne nous en privons pas.
« Le seul endroit au monde où tout est permis sont les rêves , alors soyons fous, rêvons … » Auteur anonyme
💡: Pour entretenir nos facultés d’imagination et de créativité, je vous propose un petit jeu qui consiste à apprendre à reconnaitre les moments où vous rêvez. Demandez-vous, lorsque vous êtes éveillé, si vous êtes en train de rêver. Cette habitude vous aidera à tenir vos rêves.
Pourquoi ? Le rêve lucide est une façon gratuite de se divertir et d’améliorer la qualité de vie. Le rêveur lucide peut faire de merveilleuses expériences pendant son état de veille pour améliorer son humeur au courant de la journée ainsi que de trouver des solutions aux défis qu’il rencontre.
Quelques mots sur l’auteur :
Betty Hohmann accompagne l’innovation et le changement au sein des organisations depuis 25 ans. Elle est experte en Design Thinking, Coach en Bien-être, Psychologue et Ergonome. Son approche articule les méthodes d’innovation, les techniques de créativité, la psychologie positive, l’intelligence sensible et l’art … sous toutes ces formes !
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