Vous avez probablement déjà entendu le terme de « bullshit job« . Mais vous êtes-vous vraiment penché sur le sujet et demandé en quoi consistait un bullshit job ? Et comment ce phénomène affecte-t-il le bien-être et la qualité de vie au travail ?
Avec l’équipe, nous nous sommes posé la question en appuyant sur des études et chiffres récents.
Bullshit job : définition
"forme d’emploi rémunéré qui est si totalement inutile, superflue ou même néfaste que même le salarié ne parvient pas à justifier son existence, bien qu’il se sente obligé, pour honorer les termes de son contrat, de faire croire qu’il n’en est rien "
David Graeber Tweet
David Graeber, anthropologue à l’origine du concept de « bullshit job », souligne que l’on confond fréquemment un « mauvais emploi » avec un « emploi inutile ».
Les « mauvais emplois » sont considérés comme tel parce qu’ils sont difficiles ou que les salaires sont faibles, mais ces emplois sont paradoxalement très souvent utiles et indispensables à la société.
Alors que les « boulots à la con » sont complètement inutiles, et les gens qui les exécutent le savent.
Bullshit job : proportion
Votre travail contribue-t-il, même à moindre échelle, à faire évoluer le monde ?
Ou au contraire, avez-vous un travail que vous savez secrètement inutile ?
Si vous êtes dans le second cas, votre travail entre probablement dans la définition du « bullshit job »
📣Selon une étude de Graeber, environ 37 % des travailleurs européens estiment que leur travail n’apporte aucune contribution significative à la société.
Les différents types de bullshit jobs
David Graeber, dans son ouvrage sur les « bullshit jobs », propose une typologie permettant de mieux comprendre ces emplois perçus comme inutiles.
Les « Faire-Valoir »
Les « faire-valoir » sont des employés dont la principale fonction est de mettre en valeur leurs supérieurs hiérarchiques ou les clients. Leur travail est souvent axé sur la gestion de l’image et la communication, sans réelle valeur ajoutée en termes de production ou de service.
Ces postes peuvent générer une frustration chez les employés qui ressentent que leur travail est uniquement centré sur l’apparence et non sur une contribution substantielle. Cela peut être particulièrement compliqué quand, par exemple, un chargé de communication doit mettre en avant une personnalité qu’elle sait toxique pour l’entreprise. Il s’agit même d’un risque psycho-social : le conflit de valeur.
Les « Cocheurs de Cases »
Les « cocheurs de cases » sont recrutés pour donner l’illusion qu’une organisation traite un problème qu’elle n’a en réalité aucune intention de résoudre. Ces emplois existent principalement pour satisfaire des exigences réglementaires ou des attentes sociétales, sans apporter de solution concrète.
Ces postes peuvent créer un profond désenchantement chez les employés, conscients de l’inefficacité de leurs actions et du manque de sincérité de leur organisation. Il peut s’agir de responsables QVCT dont les recommandations ne sont jamais mises en place ou de chargés de mission RSE embauchés pour des projets fictifs sans budget réel. Notre équipe peut en témoigner : nous avons, plus d’une fois, reçu le témoignages de lecteurs nous faisant part de ce genre de situation.
Les « Sparadraps »
Les « sparadraps » sont des employés engagés pour résoudre des problèmes qui n’existent pas réellement ou pour combler des lacunes temporaires sans réel besoin structurel. Leur travail est souvent redondant ou dénué de sens à long terme.
Ces emplois peuvent générer un sentiment d’inutilité et d’absurdité, affectant la motivation et la satisfaction des employés. Il peut s’agir d’un responsable d’un système informatique obsolète ou d’un consultant externe engagé pour des projets pour lesquels on n’a pas vérifié sa nécessité.
Les « Contremaîtres »
Les « contremaîtres » supervisent des personnes qui travaillent déjà de manière autonome. Leur rôle est souvent redondant et perçu comme une surveillance inutile.
Ces postes posent de vrais problèmes et de nombreuses tensions. Nous pouvons prendre le cas des managers intermédiaires qui managent des équipes compétentes et autonomes. D’un côté, les équipes peuvent se sentir micro-gérés sans raison valable, ce qui nuit au sentiment d’autonomie. Mais le manager est lui aussi en souffrance : il doit justifier sa place tout en connaissant son inutilité.
Les « Sbires »
Les « sbires » sont généralement recrutés parce que les concurrents emploient quelqu’un à ce poste. Leur travail a souvent une dimension compétitive et parfois agressive, sans réelle nécessité interne.
Il peut s’agir d’un analyste chargé d’auditer les actions mises en place par la concurrence. Si l’entreprise ne prend aucune mesure pour s’adapter, son travail est inutile, voire contre-productif.
Par ailleurs, Graeber évoque l’émiettement des tâches « au lieu de nous libérer de l’étouffante semaine de travail de 40 heures, nous avons inventé tout un univers d’occupations futiles qui sont insatisfaisantes sur le plan professionnel et spirituellement vides. »
Les répercutions sur le bien-être des collaborateurs
Les dommages moraux et intellectuels qui découlent de cette situation sont profonds.
SANTÉ MENTALE
L’impact sur la santé mentale des salariés est notable. Une étude de l’Université de Leipzig en 2020 a révélé que les employés occupant des « bullshit jobs » sont plus susceptibles de souffrir de troubles dépressifs et d’anxiété.
Le manque de sens et de reconnaissance dans leur travail quotidien contribue à une détérioration de leur bien-être psychologique.
MANQUE DE SENS
Le manque de sens et d’utilité peur conduire au brown-out et au désengagement.
STRESS
L’ensemble des études indiquent que l’inutilité perçue de son travail peut être une source importante de stress et d’insatisfaction.
Que faire ?
Si vous avez l’impression d’avoir bullshit job, réagissez avant que votre corps ne vous le fasse payer.
Le plus simple est d’en parler à vos RH ou à votre manager. Demandez une évolution de poste, une formation ou greffez vous à un projet stimulant.
Si le dialogue est impossible ou que vous ressentez le besoin profond de changer d’environnement, foncez.
Si vous pensez que votre job est en voie de disparition, osez la reconversion ! De plus en plus de personnes, de tout âge et de tout horizon, osent le changement pour faire face aux nouvelles technologiques et aux nouveaux métiers. Des aides existent pour vous aider à financer vos formations.
En conclusion
Chacun est acteur de son parcours professionnel.
Le bullshit job, ce n’est pas celui que votre voisin juge inutile, mais c’est bien celui que vous considérez abrutissant. Attention toutefois à ne pas confondre sentiment d’inutilité et manque de reconnaissance.
Un rapport de la Fondation Jean Jaures met en garde contre le manque de reconnaissance des salariés à en France. Selon ce rapport, ce n’est pas tant le sentiment d’inutilité qui a un impact que celui du manque de reconnaissance. Vous pouvez trouver le résumer de l’étude « inutilité ou manque de reconnaissance ».