Un nouvel article des éditos de la rédac’ publié par Catherine Testa sur LinkedIn…
Mon cher lecteur sceptique,
Cette semaine je t’envoie cette carte postale avec une illustration de Estelle, elle m’a inspiré le sujet de ma lettre. Je vais profiter de ce dernier jour de juillet pour répondre à ta fameuse question : “Le bonheur au travail : buzz passager aux effets pervers ?…
Par cette missive, j’espère que tu ne confondras plus bien-être en entreprise et injonction au bonheur.
Commençons par mettre de côté un faux débat
Cette semaine, tu m’as relayé un article indiquant que le bonheur en entreprise était mis en place dans des buts purement lucratifs.
Mais, de toi à moi… es-tu assez naïf pour penser le contraire ? Soyons réalistes ! Le but d’une société est le profit (du moins de nos jours). Est-il besoin de revenir sur le sujet ?
Tu le sais, j’aime faire le parallèle avec les débuts du développement durable. Quand les grands industriels de l’agro-alimentaire ont commencé à ne plus utiliser de sur-emballages autour de leurs pots de yaourt, ils ont économisé en carton, en impression, en volume de transport et en carburant (autant te dire qu’à grande échelle, ça en fait des économies!) mais ils ont aussi limité leur impact environnemental.
On le sait tous : tant qu’il n’y a pas de contraintes réglementaires, la meilleure façon d’inciter les multinationales à entreprendre des démarches volontaires est celle du pragmatisme économique !
Effectivement : mettre en place des démarches visant à améliorer la QVT, le “bien-être” ou le “bonheur” en entreprise c’est gagnant-gagnant pour la société et pour l’employé. Au lieu de s’en indigner, il est préférable d’y voir un levier d’action !
Certains PDG sont “alignés” et convaincus du besoin de remettre l’humain au centre de leur société et le font par conviction. Mais tu t’en doutes : il ne s’agit pas de la majorité. Aujourd’hui, c’est précisément le fait d’y trouver des avantages qui incite les entreprises à faire plus : cela évite le buzz passager !
A employés heureux : marque employeur redorée, productivité augmentée, absentéisme diminué, et bien d’autres avantages. Je t’invite à lire ma dernière lettre à ce sujet.
Les effets pervers du bonheur en entreprise
Comme tu le dis si bien : ce n’est pas parce qu’une entreprise a mis en place un baby-foot que, dans les faits, le salarié se sent plus heureux.
Et tu as parfaitement raison !
L’« injonction au bonheur » peut avoir des effets pervers. Plusieurs salariés m’ont dit se sentir culpabilisés de ne pas avoir envie d’aller faire une partie de babyfoot « corporate » ou de ne pas avoir envie d’écouter une conférence pendant leur heure de repas.
Pire, une sorte de mal-être peut naître chez ce salarié qui a l’impression d’être un pessimiste au royaume des bisounours.
Mal appréhendée, la mise en place d’une démarche, sur le papier, positive, peut avoir exactement les effets contraires de ceux recherchés. D’ailleurs, un des rôles du Chief Happiness Officer (CHO) est de proposer des outils et de bien insister sur la possibilité ou non de les employer.
Le bonheur au travail n’est pas une thématique à prendre à la légère.
Je ne sais pas si je t’en ai déjà parlé mais il y a un autre point paradoxal qui me taraude… Normalement le travail doit s’adapter à l’homme et non l’inverse (c’est stipulé dans le code du travail). Des philosophes ou des médecins du travail se posent donc la question : mettre en place un baby-foot ou proposer des méditations anti-stress, n’est ce pas faire l’inverse en cherchant à adapter l’homme à son travail ? Il s’agit là d’une question ouverte.
Tu comprends peut-être maintenant pourquoi je le répète :
Le métier de CHO n’est pas seulement celui d’un GO du Club Med
Le sujet du bien-être / bonheur / well-being / QVT est à prendre dans une dimension globale et à ne surtout pas limiter aux seules problématiques de baby-foot.
Un bon CHO a pour vocation d’impulser et d’accompagner le PDG et les managers vers une véritable mutation de l’entreprise. Il ne s’agit pas seulement de changer l’espace de travail avec une play-station ! Il s’agit d’accompagner vers un nouveau management et vers une nouvelle considération du salarié en tant que personne, entre autres missions.
C’est pour cette raison que je pense (et c’est très personnel) que le CHO ne peut avoir la seule casquette RH. Son rôle se doit d’être plus transversal.
Non il ne s’agit pas d’un buzz passager !
Je bavarde, je bavarde et je n’ai toujours pas répondu à ta question ! L’avantage du mois de juillet est que je peux prendre le temps de contextualiser le sujet du Chief Happiness Officer dans une approche plus globale de mutation du monde du travail.
Le CHO est un vecteur de changement du monde de l’entreprise mais il est évident que l’amélioration du bien-être en entreprise ne passera pas par la seule mise en place d’un CHO !
Le rôle du CHO est de proposer des leviers, outils et nouvelles pratiques managériales pour qu’un employé s’épanouisse (en favorisant l’autonomie, la reconnaissance, les relations avec ses collègues, l’écoute, etc… ). Jamais il ne pourra gérer les problèmes interpersonnels et autres animosités entre collègues. Il est illusoire de penser que l’entreprise pourra faire en sorte que tous ses salariés s’épanouissent. Cependant, elle pourra mettre en place des changements visant à améliorer leur quotidien.
Pour répondre (enfin!) à ta question : comme toi, je me suis demandé si cette thématique du bonheur au travail était un buzz passager. Aujourd’hui je n’ai plus de doute. Le monde du travail mute et absolument tous les groupes y viennent.
Certaines entreprises n’envisagent pas encore l’ampleur de cette transition du monde du travail… Mais depuis que je travaille sur ce sujet, j’ai vu se constituer des comités stratégiques et des groupes de travail auxquels je participe dans des sociétés ou institutions qu’on n’attendrait pas sur cette thématique. La presse s’est emparée du sujet et commence à le démocratiser. On n’a plus peur de parler de développement de l’humain dans les sociétés ou du moins, plus peur de mettre le sujet sur la table. D’ailleurs, cela va même au delà, il m’arrive de plus en plus régulièrement de parler “spiritualité” avec des PDG… A suivre !
Amicalement, Catherine
Lettre ouverte à tous les sceptiques, épisode 2/5.
Retrouvez l’épisode 1/5 : Bonheur au travail et CHO, ce n’est pas pour moi !
—————-
Si vous souhaitez une intervention dans votre société : catherine.testa@loptimisme.com