Stéphane Malherbe travaille depuis plus de 20 ans avec les offices managers et assistantes de plus de 800 entreprises et est une oreille pour ceux qui exercent ces métiers. Il a été l’un des premiers à nous alerter sur les changements profonds à opérer pour accompagner ces fonctions. Témoignage.
Stéphane, cela fait plusieurs mois que tu milites pour une reconsidération des fonctions support, notamment les offices managers et assistant.e.s. Peux-tu nous donner la raison ?
Cela fait plus de 20 ans que mon entreprise travaille avec ces deux métiers et en 20 ans nous avons vu une profonde mutation des fonctions s’opérer. Le monde de l’entreprise ne mesure pas à quel point ces métiers ont été impactés par la transformation des sociétés. Celles et ceux qui exercent ces jobs ont vu une évolution substantielle des missions qu’elles/ils exécutent au quotidien. Toujours adaptables, il me semble temps de redonner à ces métiers leurs lettres de noblesse en soulignant leurs missions et en racontant ce que je vois.
Pourquoi souhaites-tu t’exprimer aujourd’hui ?
Parce que j’ai un immense respect pour ces métiers et que je connais votre équipe : autant profiter de votre support pour mettre en avant un sujet. Je remarque qu’elles/ils n’osent pas plaider leur cause et mon regard extérieur est sûrement plus facile.
J’évoquerais par ailleurs la solitude de ces métiers. Il existe bien sûr des réseaux d’assistantes ou d’offices managers ( Le Club des Office Managers ou encore L’Académie de l’Office Manager ) mais cela reste un métier très solitaire dans le quotidien et pourtant très responsabilisant : l’erreur n’est pas permise et il n’y a personne sur qui se dédouaner.
Au-delà de cette solitude, je dirais qu’il y a une grande résilience et adaptabilité qui fait qu’on les entend rarement se plaindre et exprimer des besoins….
Si vous ajoutez à ça une place dans la hiérarchie parfois écrasée, cela rend le métier trop invisible aux yeux des entreprises.
Quels sont pour toi les enjeux que nous devons, nous lecteurs, comprendre !?
De ce que je vois, je dirais qu’il y a 3 grand sujets à entendre et prendre en compte, je les définirai un par un ensuite.
· la charge mentale et la gestion du temps
· le besoin de formations
· et surtout le besoin de reconnaissance
Commençons par la charge mentale…
La charge mentale est un des sujets cachés du métier. Au fil des années j’ai vu les assistantes et offices managers gérer de nouveaux sujets qui s’ajoutaient à leurs missions de base. Un déménagement, des petits déjeuners pour les équipes, aller acheter des ampoules, on leur demande vraiment de gérer tout et n’importe quoi. En réalité, 80% des tâches pourraient être externalisées pour laisser place à des missions fondamentales à valeur ajoutée. La crise sanitaire a bouleversé l’environnement de travail. De nouveaux enjeux / problématiques sont apparues. On demande aux offices managers si ce n’est de prendre en charge, du moins d’accompagner fortement la gestion des collaborateurs en télétravail, le maintien du lien en distanciel, l’aménagement nouveau des espaces. Ils ou elles doivent y répondre et donc trouver le temps. Si on n’en dégage pas par ailleurs, cela implose.
D’où le besoin de formations …
Effectivement ! Quand on propulse des personnes d’Office manager à « office manager et responsable du bien-être des collaborateurs » il faut former. Les offices managers et assistant.e.s avec qui je travaille sont souvent doué.e.s d’une forte empathie, d’une grande résilience et d’une forte adaptabilité. De fait ils où elles agissent au quotidien sans forcément prendre le temps pour soi : il y a toujours urgence.
Quand on voit les demandes RH de demain, ces personnalités sont clairement « l’entreprise de demain » comme on dit, avec énormément de qualités humaines et de soft-skills. Il est temps de transformer le regard que l’on porte sur ces métiers pour anticiper le changement et qualifier ces responsabilités à leur juste valeur. Il faut absolument déléguer les petites tâches sans valeur ajoutée pour les faire évoluer vers les missions de plus en plus stratégiques qu’on leur demande.
Qu’en est-il de la reconnaissance ?
Je vais faire des généralités et il est possible que cela ne soit pas le cas pour les lecteurs. Dans la grande majorité des entreprises, je rencontre des offices managers dont on ne voit pas l’ampleur de l’action. On ne voit pas que tel collègue leur a mis un dossier sur la pile et que tel autre a ajouté une tâche.
Sachant qu’il s’agit de leur mission on n’y prend pas garde et on leur « tombe dessus » si après un déménagement il manque ceci ou cela sans avoir vu la diversité des tâches. D’où le sujet de la charge mentale. La reconnaissance c’est tout autant un merci qu’une juste reconnaissance et un accompagnement réel de l’évolution des métiers.
Quelle est ta vision de l’avenir ?
Je suis confiant. Le monde de l’entreprise est secoué et se ré-invente. Si nous nous mettons à plusieurs acteurs pour partager l’envers du décor et remercier ceux qui agissent alors on ira vers une meilleure prise en compte et sublimation des métiers de chacun. Mais il faut donner la parole à tous et accompagner à la compréhension des différents métiers.