Nous avons longuement hésité avant de publier cet article de peur de donner des arguments à ceux qui cherchaient des prétextes pour ne rien mettre en place sur le sujet du bien-être au travail. Mais depuis 2017, notre équipe forme au sujet du bien-être au travail et nous sommes les premiers à militer pour une transformation du monde de l’entreprise en ce sens. Nous avons publié pléthores études sur le sujet expliquant la nécessité de la mise en place d’actions. Et en 6 ans, nous pouvons en témoigner ; les entreprises ont rivalisé d’initiatives pour améliorer le bien-être de leurs collaborateurs. Aménagements des espaces de travail, team-buildings, expérience collaborateur, événements festifs, les propositions sont nombreuses…
Il nous semble pourtant important d’avertir sur quelques dérives…
1ère dérive : IGNORER LES SUJETS FONDAMENTAUX
Pour les entreprises, il peut paraitre plus facile de refaire la décoration des bureaux que d’adresser un problème de management ou d’inégalités dans le cadre du travail.
S’il ne faut pas démotiver les entreprises de faire de telles actions (l’environnement de travail est un facteur du bien-être au travail), il est important de mettre en garde : le bonheur au travail ne peut être atteint que si les sujets fondamentaux sont également traités.
Par sujets fondamentaux, on entend les conditions objectives d’emploi : les risques psycho-sociaux, les inégalités structurelles, les inégalités salariales, les inégalités sociales, la formation managériale, etc…
Nous avons régulièrement vu, par méconnaissance ou par déni des entreprises se lancer dans des actions QVT sans travailler sur le fond. De telles actions peuvent effectivement être la porte d’entrée à une transformation plus globale de l’entreprise. Mais aucune entreprise ne peux s’arrêter à des initiatives ponctuelles se focalisant uniquement sur le bien-être individuel.
2ème dérive : Utiliser le bien-être au travail à des fins manipulatoires
Vous aviez été nombreux à réagir au témoignage d’une lectrice : quand la culture d’entreprise devient toxique. Et c’est vrai : les discours sur le bonheur au travail peuvent, parfois, être utilisés à des fins de manipulation. Ce n’est évidemment pas dans la majorité des cas et il est important de ne pas tomber dans les amalgames faciles ! Il nous semble néanmoins important d’en parler dans cet article.
Ce fléau est le plus répandu dans le monde des start-up..
Le collaborateur, sous couvert de « bonne ambiance » peuvent ne plus vivre « qu’au travers » de leur entreprise. Quand on sort tous les soirs boire un coup avec ses collègues, quand on fait du sport dans la salle de sport avec ses collègues, quand on part l’été avec ses collègues, on peut, parfois, basculer de façon insidieuse dans une totale soumission à son entreprise. Sous couvert d’appartenance au collectif, le salarié peut perdre progressivement contact avec ses sphères privées et n’être plus dévoué qu’à son entreprise. Il devient, en quelques sortes, au service de la performance sous couvert de bonheur au travail.
Certains philosophes estiment ainsi que les employeurs se « servent » du bonheur au travail pour demander une implication totale de la part de leurs employés, au nom du « bien-être » collectif.
Evidemment, on peut se demander s’il s’agit là de l’intention de l’entreprise ou d’une dérive insinueuse due à un manque d’équilibre personnel.
Quoi qu’il en soit, les philosophes rappellent régulièrement qu’un contrat lie l’employeur et l’employé et qu’il s’agit bien du travail. Nul n’a à sacrifier son épanouissement personnel au nom d’une quête collective de bonheur. Et il faut distinguer la bonne ambiance et les relations qui contribuent à notre épanouissement personnel (nous les premiers avons noué des amitiés de longue date avec d’ancien collègues) et l’univers parfois toxique d’une culture du bonheur à tout prix.
3ème dérive : La quête du bonheur qui peut mener à la déception
A force de voir circuler sur les réseaux sociaux des posts mettant en avant des équipes qui semblent si heureuses, on peut facilement tomber dans le fantasme de trouver une entreprise qui nous rendra heureux.
De nombreux philosophes alertent : le travail reste le travail et ne peux pas tout résoudre.
L’employeur n’est pas psychologue et aucun travail ne pourra se substituer à une réflexion sur le sens de la vie. Le travail contribue effectivement au développement des individus : il permet d’apprendre et de grandir, de se sociabiliser, de donner un sens à ses journées. Mais il est possible que nos besoins évoluent et que ce qui nous avait, un temps, convenu ne nous épanouisse plus après quelques années.
Attendre que notre travail nous offre une totale satisfaction dans la durée est utopique.
Par ailleurs, aucun dirigeant d’entreprise ne pourra faire le bonheur de tous ses collaborateurs. Et il est possible que vous vous sentiez déçu de voir que vos collègues se sentent bien au sein d’une entreprise qui pour vous semble dysfonctionnelle. Il est important d’éviter de tomber dans la culpabilité ou dans une idéalisation du bonheur au travail.
Chercher à tout prix le bonheur au travail peut d’ailleurs créer une pression et mener à une augmentation du stress, de l’anxiété et du burn-out, qui sont précisément des symptômes contraires au bonheur au travail. Ironie…
En conclusion...
Il nous paraissait utile de rappeler ces quelques points. Notre équipe rencontre au quotidien des collaborateurs et des équipes incroyables, mais il n’existe pas d’entreprise parfaite si ce n’est sur le papier ! Les entreprises qui travaillent sur le sujet depuis des années sont d’ailleurs vigillentes dans leur communication pour ne pas « vendre du rêve ». Quand vous voyez une entreprises communiquer à outrance sur ce sujet, vous pouvez vous interroger sur ce fantasme de la perfection.
Le travail est une activité qui s’accompagne toujours de frustrations et de difficultés. « Bonheur au travail » ne veut pas dire bannir toutes difficultés au quotidien mais permettre aux collaborateurs de savoir faire face à ces situations.
Si vous hésitez à démissionner et cherchez une entreprise où vous épanouir, rappelez-vous que la recherche du bonheur au travail ne doit pas être considérée comme une fin en soi. Elle sera la conséquences de plusieurs facteurs : est-ce que la mission a du sens pour vous ? est-ce que vous avez la possibilité d’apprendre au quotidien ? est-ce que vous avez la reconnaissance en interne ? est-ce que vous mettez vos compétences au service de la cause ? est-ce que les collègues que vous avez vous enrichissent ?
Pour aller plus loin et vous former
De nombreuses études et modèles théorisent le bien-être au travail. Si vous souhaitez aller plus loin sur ce sujet et vous former, sachez que depuis 2016, notre équipe intervient et forme sur le sujet de la qualité de vie au travail. C’est à la demande des entreprises que nous avons créé une formation dédiée. Chaque jour au contact des entreprises, nous transmettons et décryptons lors de cette formation les idées et actions à mettre en place. La formation est sans cesse enrichie des dernières études sur le sujet que nous recevons chaque jour.