Il nous apparait important de partager parfois les témoignages de nos lecteurs. Aujourd’hui nous partageons celui de Justine (dont nous avons changé le prénom). Elle travaillait dans une de ces start-ups qui fait rêver ! Et pourtant… Témoignage.
Justine, peux-tu nous raconter ton expérience ?
Je travaillais dans une de ces start-ups qui font rêver et, très vite, j’ai été “happée” par l’ambiance qui régnait dans l’entreprise.
Il y avait un mélange total entre vie pro et vie perso. Des liens forts se créaient dans le groupe notamment grâce à de nombreuses soirées alcoolisées. Ceux qui nous rencontraient étaient toujours étonnés de voir la forte cohésion qui semblait régner dans l’équipe alors que les personnes avaient très peu d’ancienneté (environ 6 mois en moyenne même si l’entreprise avait déjà quelques années).
Une culture d’entreprise qui semble faire rêver… A quel moment as-tu commencé à t’interroger ?
J’ai longtemps été dans le déni notamment à cause du fort sentiment d’appartenance que j’avais à l’entreprise.
Puis j’ai commencé à réagir.
- Il y avait un réel sur-engagement des équipes: horaires importants, faible rémunération et pas ou peu d’avantages
- De nombreux collaborateurs montraient d’ostensibles signes de fatigue
- Le turn-over était fort
- Et de plus en plus d’employés témoignaient de leur niveau de stress.
C’est souvent dans les soirées alcoolisées que les langues se déliaient et j’ai commencé à mesurer le mal-être des autres : on osait se dire que, malgré les apparences, cela n’allait pas.
Puis il y a eu les collègues dont la santé physique commençait à être affectée. Une de mes collègues me disait que la surcharge de travail et le stress lui avait causé des crises d’eczéma…
Qui ont été les premières personnes à te mettre en garde sur cette culture d’entreprise ?
Des prestataires de l’entreprise. C’était pareil avec eux, il n’y avait pas de juste distance et certains avaient même fini par offrir leurs services gratuitement ! Ils ont évoqué une dissonance entre ce qui leur avait été annoncé et la réalité et ont mis fin aux collaborations en nous avertissant : ils s’étaient sentis trahis.
Puis une collègue m’a avertie et dit de faire attention car elle avait perçu des rapports toxiques dans la boîte. Mais je n’ai que partiellement suivi ses conseils car je ne comprenais pas bien les risques et les enjeux.
C’est une discussion avec un proche (bien plus âgé que moi et qui avait de l’expérience en tant que manager) qui m’a alertée sur des attitudes anormales pour lui de la part de mon management.
Par exemple, chez nous, il était normal et coutumier de parler de ce qui était ressorti des séances avec nos psys respectifs et cela était même encouragé.
Dans notre grille d’objectifs renouvelés tous les 6 mois, on devait mettre un objectif de vie personnel et non pas professionnel…
Etc etc…
A quel moment cela a-t-il impacté ta vie ?
Mon partenaire de vie me trouvait changée et trop colérique, notre couple traversait des tensions. Nous avions eu un désaccord au cours duquel il m’avait suggérée que, pour lui, il n’était pas sain que les personnes soient aussi transparentes sur leurs états d’âmes dans la boîte, ce à quoi je m’étais opposée.
Paradoxalement il était aussi dans une forme de flou et d’incompréhension. Il trouvait que je faisais très vite “copain-copain” avec mes collègues et cela l’interpelait. Mais, étant venu à une soirée, il m’avait dit avoir trouvé l’ambiance chouette.
Comme je me disais très enthousiaste du travail il n’a pas émis plus d’alertes que cela.
Quel a été l’élément déclencheur de la prise de conscience ?
Cela a été quand un proche m’a fait remarquer que sous ses airs amicaux, les propos de ma manager m’handicapaient bien plus qu’ils ne m’aidaient. Elle ne me donnait jamais aucun signe de reconnaissance sincère. Lorsque je m’investissais elle cherchait toujours la petite bête au point de me reprocher de trop en faire… Le comprendre m’a fait l’effet d’une bombe.
J’ai compris plus tard que ses comportements toxiques venaient du stress qu’elle subissait elle-même de la hiérarchie. Et quand mon N+2 a montré des forts signes d’agressivité lui aussi, j’ai compris qu’il fallait que je quitte la boîte d’urgence. Je commençais à avoir de forts problèmes de sommeil et d’alimentation. Je me suis donc résignée à partir mais avec une forte déception car les missions en elles-mêmes m’épanouissaient énormément et que je m’étais fortement liée d’amitié avec certains de mes autres collègues…
Que conseillerais-tu à ceux qui nous lisent et vivent une situation similaire ?
D’être très observateurs dans les débuts, même lorsque les personnes semblent très spontanées et amicales. Il est important de faire attention avant d’évoquer des sujets perso surtout lorsque les personnes de l’entreprise se montrent très inquisitrices sur les aspects de notre vie personnelle. Il est important de rester factuel tant que l’on n’a pas déjà une certaine ancienneté dans l’entreprise.
Je pense qu’il faut être très attentif aussi aux paroles du manager, même lorsqu’il se donne des airs bienveillants et amicaux : s’assurer que l’on reçoit de réelles preuves de reconnaissance en concordance avec notre niveau d’investissement, et pas sans cesse de “de subtiles reproches masquées”.
Si le management toxique est avéré, et qu’on est embourbé dedans, il faut faire attention à sa santé psychologique : s’appuyer sur ses proches de confiance à l’extérieur, voir un thérapeute pour parler de ce que l’on ressent, en parler à son médecin si on a la boule au ventre à l’idée d’aller travailler.
Si la situation est trop tendue, ne pas persister dans l’équipe malsaine même si de l’extérieur, l’ambiance parait incroyable. C’est vraiment une question de santé mentale qui n’est pas à prendre à la légère pour moi.
Il y a toujours moyen de trouver d’autres opportunités professionnelles même si cela fait passer par une période de “vide” et de “remise en question” un peu délicate, mais nécessaire…