Article de Xavier Cazemajour
Dans un premier article, j’ai présenté la dynamique de l’Engagement décrite avec la matrice SERI® : Sens, Environnement de travail, Reconnaissance et Intensité du travail. Plus il y a de Sens, de Reconnaissance et un Environnement de travail favorable, plus l’Engagement sera élevé. En revanche, l’Intensité du travail doit se situer dans une zone d’équilibre entre un excès et une insuffisance qui dépend des ressources mentales et physiques de chaque individu. Après le Sens et la Reconnaissance, ce nouvel article explique en quoi un Environnement de travail peut être favorable à la dynamique de l’Engagement SERI®
Pour un environnement de travail favorable à l’engagement, il faut aller bien au-delà du « babyfoot » !
Bien sûr, ce n’est pas le fameux babyfoot ou la table de ping-pong dans la cafétéria qu’il suffira de mettre en place pour avoir des employés engagés! Ils permettront tout au plus de se distraire pendant les pauses mais en agacera plus d’un, tant la ficelle est grosse de vouloir se donner l’air d’être cool et « startup » alors que la direction de l’entreprise n’est en rien accessible et décontractée. La qualité de vie au travail apportée par le « babyfoot » ne contribuera à l’engagement que si elle permet une meilleure circulation de l’information informelle, qu’elle améliore les relations interpersonnelles et qu’elle fait partie d’un système de management cohérent. C’est dans cette mesure qu’un environnement convivial peut en fin de compte favoriser la performance qui est le vrai moteur de l’engagement.
Deux types d’éléments sont essentiels pour que l’environnement de travail contribue à la performance. Ceux d’ordre matériel liés à l’ergonomie des outils et des espaces de travail et ceux d’ordre psychologique liés à la confiance et au soutien collectif.
Des outils et des espaces de travail qui participent à la qualité de l’exécution
La qualité entravée, voilà de façon certaine une cause puissante de désengagement. Ne pas avoir le bon outil, le bon ordinateur, le bon logiciel. Refaire trois fois le travail parce que la mise en place du nouvel ERP n’a pas pris en compte les spécificités des bases de données de chaque utilisateur. Être dans un bureau bruyant et circulant qui empêche la concentration. Avoir parlé de ces problèmes et ne rien voir bouger. Pire, ne même pas pouvoir l’exprimer.
A l’opposé, quelle merveilleuse sensation d’expérimenter un réseau informatique qui va deux fois plus vite sans bug, un logiciel métier qui permet d’être plus créatif et plus rapide, un bureau où la lumière, le bruit, la visibilité sont optimum, avec des postes de travail positionnés en fonction des interactions entre collègues. C’est le plaisir d’être aidé par la technique et la logistique pour faire du bon boulot.
J’ai vu, de façon étonnante, des entreprises qui ont investi dans une salle de sport ou une conciergerie pour répondre à la mode ambiante mais dont les espaces de travail demeuraient bruyants et mal éclairés se trompant malheureusement de priorité.
Sécurité psychologique et confiance pour l’apprentissage, l’innovation et le développement.
Dans une étude menée pendant cinq ans chez Google de 2012 à 2016[1], des chercheurs dirigés par Julia Rodovsky ont tenté de déterminer quels étaient les facteurs les plus prédictifs de la performance d’une équipe. Leurs découvertes ont mis en avant celui de la sécurité psychologique. Amy Edmondson la définit ainsi : « la conviction partagée dans l’équipe qu’il existe un niveau de sécurité permettant de prendre des risques dans les relations interpersonnelles » [2]. Le risque, il concerne aussi celui que l’on prend quand on ose parler de ses erreurs ou de ses échecs pour mieux les comprendre et en tirer les enseignements pour l’avenir. C’est la boucle infiniment vertueuse de l’apprentissage. Ainsi la priorité d’un manager chez Google est de faire en sorte que ses équipes évoluent dans un environnement qui leur permet de remonter les dysfonctionnements, d’exprimer leurs idées et leurs désaccords quand bien même viendraient-ils remettre en cause le système établi et le pilotage de l’entreprise.
Exprimer ses idées, innover, challenger sans la peur d’être rejeté sont autant de facteurs caractéristiques de nombreuses organisations de la génération digitale. De façon plus large, un climat de confiance et de respect mutuel qui permet de risquer d’être soi-même avec les autres quelques soient les niveaux hiérarchiques, favorise l’engagement et la performance.
Sentiment d’appartenance et soutien
Dans les enquêtes que je mène depuis trois ans sur l’engagement avec le modèle SERI® , il arrive souvent qu’un salarié trouve assez peu de sens et de reconnaissance dans son travail mais qu’il demeure fortement attaché à son entreprise. Une des principales raisons est qu’il fait partie d’un ensemble de collègues qu’il a plaisir à voir, qu’il apprécie et sur qui il peut compter. C’est en quelque sorte un « bonus » au travail qui nous rappelle qu’une entreprise ne saurait être réduite à un centre de production de valeur car elle est aussi un lieu de socialisation et d’interaction humaine qui, en tant que tel, peut apporter parfois du sens au travail. Cette sensation d’appartenir à un collectif est renforcée par divers événements festifs dont la célébration des succès. Cela reste cependant insuffisant pour générer un réel engagement. Dans la prolongation de la sécurité psychologique, l’organisation et le pilotage de l’entreprise doivent créer les conditions de la coopération et du soutien, notamment par la régulation des conflits et le partage des finalités.
Régulation des conflits
Le plus souvent, une organisation porte en elle-même des contradictions dans ses priorités. Elles sont issues des tensions entre le court-terme et le long terme, les procédures et l’agilité, la rentabilité et l’innovation, les fonctionnels et les opérationnels, le local et le global etc. Ces tensions peuvent être amplifiées par des relations interpersonnelles conflictuelles générées par toute organisation humaine avec son lot de rivalité et de compétition. L’objectif d’une régulation efficace n’est pas d’éviter les conflits mais lorsqu’ils surviennent de les nommer et de les traiter afin de préserver et stimuler l’engagement. C’est une des compétences majeures des managers que de traiter le conflit et de ne pas le laisser pourrir : savoir écouter, ne pas juger a-priori, aider à distinguer les causes organisationnelles des causes interpersonnelles et décider de façon juste au profit de l’intérêt général. Ces actes managériaux, qui nécessitent courage et maîtrise émotionnelle, sont de puissantes barrières au désengagement.
Partage des finalités
Mais l’ organisation idéale ne serait-elle pas plutôt celle où les salariés eux-mêmes trouvent les solutions aux tensions organisationnelles et les arbitrent en toute autonomie ? La clé à cette question se trouve dans la vision partagée des finalités de l’entreprise. Cette « vision » comprend la raison d’être, la mission, les ambitions, les “fiertés” ou encore les priorités stratégiques. Elle doit tenir en quelques phrases. Elle doit être communiquée, partagée, co-construite, mise en cause, retravaillée, sans cesse répétée etc. Tous les niveaux de l’entreprise sont partie-prenantes, comité de direction et conseil d’administration bien-sûr mais aussi le CSE, le management, les clients, les fournisseurs stratégiques et tous les salariés. Plus cette vision est intégrée et partagée par chaque collaborateur, plus les arbitrages se feront de façon autonome au profit du bien commun et génèreront la fierté d’être un acteur engagé.
[1] Étude Aristote. Article du New-York Time magazine. 2/2/2016. “What Google Learned From Its Quest to Build the Perfect Team”
[2] Amy Edmondson : “a shared belief held by members of a team that the team is safe for interpersonal risk-taking.” The fearless organization. Harvard Business School. 2019. WILEY.
QUELQUES MOTS SUR L’AUTEUR :
Xavier Cazemajour –
Booster d’engagement et de réussite des équipes de direction.
Fondateur du cabinet Théétète conseil et coaching