L’holacratie : on en entend régulièrement parler, mais on manque souvent d’exemples concrets. Notre équipe est partie à l’autre bout du monde à la rencontre de Florian Chabot. Gérant de SF2i, une entreprise libérée à Nouméa (Nouvelle Calédonie). Formé à la méthodologie, il partage avec nous ses conseils pour qu’une entreprise libérée telle que SF2i puisse en bénéficier pleinement.
C'est quoi l'holacratie ?
Holacracy est un système de gouvernance des organisations, un nouveau système de management.
Wikipedia donne la définition suivante :
Le fondement de la théorie holacratique repose sur la raison d’être de toute organisation humaine. L’holacratie distingue donc la raison d’être (superordonnante) des personnes qui vont contribuer à sa réalisation par leurs compétences, aptitudes et potentiels. Pour cela, l’organisme va se structurer en cercles, chacun ayant pour objectif de produire ses “redevabilités” et lui-même dépendant de redevabilités produites par d’autres cercles.
L’holacratie permet d’éviter une hiérarchie pyramidale et de pouvoir se baser sur les qualités et connaissances de chacun. Le pilier de base est la confiance.
Principe de l'holacratie
Au sein de chaque cercle on définit le but et les redevabilités. Chaque cercle possède un premier “lien” (sorte de team leader), un facilitateur, un secrétaire et un second “lien”, élus pour un temps défini. Soit la personne se propose, soit elle émerge naturellement et est proposée par les autres.
L’entreprise libérée et, plus particulièrement, l’holacratie sont des boîtes à outils, à nous de savoir les adapter à nos besoins.
C’est une méthode adaptée à tout type d’entreprise, car elle se concentre sur l’humain et non pas sur l’activité. Elle permet à tous de travailler très librement, en étant aligné avec la raison d’être de l’organisation.
Il y a de l’autonomie dans l’holacratie, mais aussi une certaine rigidité via une structure, des outils et des méthodologies. On y retrouve aussi de la GTD (Getting Things Done), du lean management ou encore la pyramide de Maslow.
Mise en place de l'holacratie
Chez SF2i, comment est mis en place l’holacratie ?
Après une veille managériale intense, nous sommes tombés sur le concept d’holacratie qui semblait respecter le mieux notre idée d’entreprise libérée et la façon dont nous travaillons tout en y ajoutant un cadre. Je suis allé me former sur le sujet chez un provider de l’Holacracy en métropole, iGi Partners.
Nous utilisons l’outil Glassfrog et avons commencé le processus d’implémentation fin 2015. Au début ce n’était pas évident, car comme partout, l’humain n’aime pas vraiment le changement. Entreprise libérée ou pas.
L’holacratie demande un acte symbolique à l’équipe dirigeante : elle doit signer un papier qui l’oblige à passer son pouvoir à l’ensemble des cercles. Ce n’est pas forcément évident pour un manager de lâcher ses pouvoirs et pour les équipes d’accepter qu’elles sont maintenant co-responsables.
Cette mise en place nous a aussi permis de découvrir ce qui n’allait pas autant sur le fond qu’en matière interpersonnelle.
L’holacratie impose la transparence. On ne peut donc plus se cacher derrière une fonction ou autre. Chacun doit prendre ses responsabilités. Ce n’est pas toujours facile, mais pouvoir aborder les problèmes de manière ouverte fait considérablement avancer tout le monde.
A nous de créer nos processus
A nous de créer nos différents processus, l’holacratie nous donne simplement des outils et un cadre.
Au départ, nous avons reproduit des cercles assez classiques : administration, technique, communication… Aujourd’hui, ces cercles représentent assez fidèlement les équipes en fonction de projets, de leurs relations de travail et, bien évidemment, de leurs qualités.
Chez SF2i, l’holacratie a notamment apporté une technique d’organisation des réunions. Elle permet de baisser considérablement le temps passé en réunion et de se concentrer sur les tâches qui apportent de la valeur et répondent à notre raison d’être de “rendre le client heureux”.
Il y a deux types de réunions :
- “gouvernance” (que l’on pourrait identifier comme réunion de stratégie)
- “triage” (équivalent d’une réunion opérationnelle)
Lors des réunions de gouvernance sont notamment abordées les tensions. Toute personne qui identifie une tension doit arriver avec une proposition de solution. Même si cette proposition ne sera pas retenue, on essaie d’évaluer son potentiel. C’est la réunion de gouvernance aussi qui dessine les différents cercles et qui peut les faire évoluer ou supprimer. L’outil s’adapte parfaitement à la culture d’entreprise et peut être totalement personnalisé. Nous, par exemple, nous avons appelé un cercle “fluides”. Il s’agit de tout le support interne qui fait que SF2i fonctionne !
Les cercles sont alimentés par les flux d’information et chaque cercle s’auto-gère. La décision est toujours prise par la personne en charge d’un rôle ou d’une tâche.
Il y a un cercle principal où sont prises les décisions stratégiques qui alimentent ensuite les autres cercles.
Chaque cercle possède des indicateurs afin de mesurer la mise en place de la stratégie globale. Des revues de gouvernance sont effectuées pour s’assurer que les différents cercles suivent bien les règles du jeu. C’est ce cadre qui fait que cela fonctionne.
Les bénéfices pour SF2i
- Un gain de temps : pour les réunions d’une part, mais aussi, par exemple, pour le recrutement où le nouvel arrivant est très vite opérationnel grâce à un système de coaching.
- L’évacuation des tensions quasi en temps réel.
- Les rôles et tâches de chacun ne sont jamais figés. Nous sommes en permanence en mode test & learn et acceptons le droit à l’erreur. Cela nous donne la nécessaire agilité pour répondre aux évolutions du métier, du marché, etc. C’est un avantage concurrentiel considérable !
- L’analyse qualitative plutôt que quantitative de ce que font les collaborateurs. Ils restent ainsi motivés et intéressés par ce qu’ils font. Notre taux de turnover est de 2,09% (moins d’une personne par an quitte les effectifs). Autre avantage concurrentiel ! Nous gardons la connaissance et assurant un suivi chez les clients.
Limites et conclusion
La limite du système est la mise en place : si elle est bâclée, si on veut aller trop vite, on risque de créer une usine à gaz ! Il vaut mieux se faire accompagner par un provider, expert et chercheur en la matière.
L’holacratie remet en question beaucoup de choses et ce n’est pas toujours facile, au contraire !
C’est un changement de paradigme et ça demande de mettre à plat, de simplifier et tout le monde n’est pas forcément prêt à ça. Il faut être prêt à accepter ses rôles et aussi à accepter que l’on en perde d’autres (notamment en tant qu’ancien manager).
Au sein de SF2i, on n’a pas envie de créer quelque chose de trop complexe. Par ailleurs, on travaille sur des bonnes pratiques métier (en utilisant ITIL) et on fait cohabiter les deux. Il faut donc que ça reste gérable.
Demain, lorsque nous serons à l’international, le secret sera de toujours partager et inclure tout le monde dans nos démarches. Il faut qu’il y ait un vrai échange entre les différents sites pour que cela fonctionne.
Chez SF2i nous avons une vraie culture de présenter les choses de manière positive. Je suis convaincu que ceci fera que les équipes resteront motivées !
Florian nous a fourni quelques liens pour aller plus loin : http://labdsurlholacracy.com & https://igipartners.com/scarabee-biocoop-deux-ans-apres
Pour comprendre la démarche de SF2i, vous pouvez les suivre sur leur chaîne YouTube.