Lors de notre pause-café du 21 janvier 2021, vous avez été des centaines à nous rejoindre pour en savoir plus sur le sujet du syndrome de l’imposteur. Sponsorisé par Harmonie Mutuelle, cet évènement a été l’occasion de poser toutes vos questions à un expert du sujet, Kévin Chassangre, docteur en psychologie et auteur de « Cessez de vous déprécier – Se libérer du Syndrome de l’Imposteur » (Dunod). Voici les points clés issus de cet échange.
Définition
Le syndrome de l’imposteur est un ressenti ou la conviction de ne pas être à la hauteur malgré tous les signes objectifs qui pourraient prouver le contraire. Celui qui l’exprime attribue des facteurs externes à sa réussite tels que la chance ou le hasard. Cette personne a une peur réelle d’être démasquée alors que tout prouve au contraire qu’elle n’est pas un imposteur.
Les premiers écrits sur le sujet datent de 1978 aux États-Unis et viennent des chercheuses américaines Clance et Imes.
20% de la population est concernée par ce syndrome.
Beaucoup d’artistes comme Kate Winslet, par exemple, ont exprimé ce syndrome. Plusieurs études ont montré qu’il touchait différents types de professions et champs d’activités.
3 grands piliers du syndrome de l’imposteur
Un moyen mnémotechnique pour le retenir : penser aux 3 premières lettres du mot « imposteur » (IMP).
1) Impression de tromper son entourage
2) Mauvaise attribution
3) Peur d’être démasqué.e
Quelques symptômes de ce syndrome
Ce syndrome est très hétérogène et il y a autant de syndromes de l’imposteur qu’il existe de personnes. Parmi les symptômes, on peut citer : la peur de l’échec, la peur de la réussite, le dénigrement des compétences, la culpabilité etc.
Il est possible aussi de ressentir des manifestations anxieuses et ce syndrome peut s’entrecroiser avec certains messages qu’on a pu apprendre d’un point de vue personnel durant l’enfance.
Il existe plusieurs grilles de lecture et l’idée est de trouver celle qui nous convient.
Parité d’expression de ce syndrome chez les hommes et les femmes
Dans les 1ers travaux de recherches, les chercheurs ont surtout observé ce syndrome chez les femmes. Cependant, dès la fin des années 70 Clance et Imes ont stipulé que les hommes pouvaient aussi être touchés par ce syndrome. Aujourd’hui, les études montrent qu’il y a une parité d’expression.
Syndrome de l’imposteur et liens avec d’autres « troubles » ou traits de la personnalité
- Plusieurs études ont montré un lien entre le syndrome de l’imposteur et le burnout. Cela s’explique par les symptômes présents. Une personne avec ce syndrome a généralement la volonté de prouver qu’elle est compétente, elle se donne à 200% et il y a un fort risque d’épuisement professionnel.
- Kevin Chassangre n’a pas connaissance d’études qui montreraient le lien entre l’hypersensibilité et le syndrome de l’imposteur. D’un point de vue pratique, il constate cependant un lien car qui dit « hypersensibilité » dit « émotions fortes » et « pensées qui peuvent partir dans tous les sens. » Ces émotions amènent rapidement à une remise en question qui n’est pas forcément constructive.
- Il y a indéniablement un lien avec le sentiment d’infériorité. Moins je me considère à la hauteur et plus je risque d’être démasqué…
- Lien avec le pervers narcissique? Il n’y a pas d’étude qui montre un lien entre le syndrome de l’imposteur et le pervers narcissique. Toutefois, un pervers narcissique peut potentiellement être amené à utiliser les remises en question de la personne exprimant ce syndrome à de mauvaises fins. Ces deux personnes fonctionnent avec des cartes mentales opposées.
Diagnostiquer le syndrome de l’imposteur ?
« Diagnostiquer » n’est pas tellement approprié. Le syndrome de l’imposteur n’est pas une maladie mais un obstacle à son propre potentiel. Un psychologue va observer ou faire l’hypothèse de manifestations. Un manager peut aussi poser la question auprès des membres de son équipe.
Un psychologue sensibilisé au sujet va pouvoir utiliser les outils les plus adéquats pour aider la personne.
N’importe quel psychologue peut être en mesure d’accompagner ce syndrome. Cette thématique se dévoile généralement au fur et à mesure des rendez-vous, sachant que tout professionnel est dans un processus d’autoformation.
Les répercussions de ce syndrome dans le quotidien
Ce syndrome peut bien se vivre en fonction de son intensité. Plus il est intense et fréquent, plus les répercussions sont handicapantes sur le bien-être ou l’expression de son potentiel. Dans le quotidien, ce syndrome peut entraîner une symptomatologie dépressive ou anxieuse, une difficulté à prioriser les tâches, à demander de l’aide, à ne pas oser prendre certains risques, à recevoir les compliments ou à s’attribuer ses réussites. Ces personnes peuvent être dans une « sur-préparation » ou à l’inverse, elles peuvent procrastiner, se mettre en échec volontairement.
2 types de syndromes de l’imposteur
- Transitoire qui apparait notamment dans les phases de changement (nouveau poste, par exemple). Toute phase de grand changement peut être sujette au syndrome de l’imposteur.
- Permanent
Cela s’exprime à différents degrés en fonction de la période de vie. Lorsqu’il s’exprime moins, on peut envisager l’idée d’un autre point de vue, ce qui appuie l’idée que le syndrome de l’imposteur est un ressenti et non un fait. On ne se débarrasse jamais vraiment de ce sentiment d’imposture mais c’est important de faire avec et d’utiliser les bons outils quand il émerge.
Syndrome de l’imposteur et entourage
Par rapport à l’environnement dans lequel un individu a évolué, il est à souligner que l’entourage a pu influencer l’émergence du syndrome de l’imposteur. La notion de compétition et celle de devoir toujours être à la hauteur ouvrent une voie royale pour l’émergence de ce ressenti. Si je suis entourée de personnes considérées comme brillantes qui ne montrent à aucun moment qu’elles peuvent échouer, j’apprends que mon entourage est parfait et que je ne le suis pas…Ceci fait que j’aurai du mal à me sentir légitime. Nous sommes indissociables de l’environnement dans lequel on naît.
Expression de son syndrome de l’imposteur au travail
Parler de son syndrome de l’imposteur est une excellente façon de l’atténuer mais c’est aussi se montrer vulnérable. Il faut changer notre perception de la vulnérabilité qui est en réalité une force. C’est être humain donc c’est être imparfait même si tout le monde prétend le contraire. En parler montre que l’on peut faire différemment et cela valorise un système de soutien plutôt que de concurrence.
70% de la population est amenée au moins une fois à douter dans sa vie. En parler autour de soi permet d’avoir des conseils de son entourage et réaliser qu’on n’est pas seul.
Organiser un groupe de parole est une très bonne alternative thérapeutique ou professionnelle pour libérer la parole sur ce sujet.
Comment réagir face à une personne de notre entourage qui exprime ce syndrome ?
Ce syndrome – il est bien de le rappeler – ne relève pas que du domaine professionnel. Il peut s’exprimer dans le contexte social, familial…L’écoute et le soutien sont essentiels. Si je vais contre le ressenti de la personne, l’échange est impossible car la personne n’aura plus envie de parler. L’idée est d’amener la personne à un questionnement socratique : est-ce que c’est vraiment dû qu’à de la chance ou au hasard ? Quelles sont les autres explications possibles d’un succès ? L’idée est de s’autoriser à identifier ses talents et se les approprier. Il y a une grande différence entre avoir confiance en soi et être une personne prétentieuse. L’enjeu est d’amener la personne à avoir un point de vue nuancé.
Rompre le cercle vicieux en 4 étapes
- Identifier: mesurer à partir d’un questionnaire, me positionner pour bien identifier le syndrome, ce qui permet de mettre à distance mes représentations.
- Comprendre l’origine du syndrome: quel a été mon système familial ? Quels sont mes symptômes ? Qu’est-ce qui, actuellement, amène ce syndrome et l’entretient dans ma vie ?
- Accepter que ce n’est pas une maladie, que c’est un obstacle à mon bien-être, que j’aurai peut-être toute ma vie.
- Surmonter à son rythme : si je comprends comment s’exprime ce syndrome, je peux mettre en place des outils thérapeutiques.
Il y a un panel très large d’outils thérapeutiques qui s’utilisent en fonction de la personne. Un des outils les plus pertinents est de développer sa bienveillance envers soi-même, avoir envers soi le discours qu’on aurait envers notre meilleur ami. La méditation, l’hypnose ou la sophrologie peuvent accompagner la personne exprimant un syndrome de l’imposteur.
Non-reconnaissance de ce syndrome au travail
Que faire si un manager reste insensible alors qu’on lui expose ce syndrome et cette souffrance ?
Il est important de développer ses capacités d’affirmation de soi. Je peux être dans un environnement qui exploite mes ressources lorsque je ne sais pas dire non, par exemple. On peut identifier qu’on agit dans ce cadre pour poser certaines limites. En toute authenticité et empathie, il est possible d’affirmer : « non, ce n’est pas possible par rapport aux ressources que j’aies. » En tant qu’être humain, on a des limites, il est essentiel de les dire et de les reconnaître.
A propos de Kevin Chassangre :
Site Internet de Kevin Chassangre : www.psychosteur.com
Livre « Se libérer du syndrome de l’imposteur – Cessez de vous déprécier pour être enfant vous-même » de Kévin Chassangre et Stacey Callahan
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