Au sein de l’entreprise, comme dans la famille ou à l’école, la coopération entre les salariés est indispensable pour faire tourner la machine. La réussite d’une organisation passe inévitablement par un environnement bienveillant et des relations saines et équilibrées entre les individus.
On parle d’emprise lorsqu’il y a une domination intellectuelle, affective voire physique d’une personne sur une autre. Les relations deviennent alors toxiques et peuvent avoir de graves conséquences, non seulement pour le salarié mais également pour l’entreprise.
Comment reconnaître l’emprise dans le milieu professionnel ? Et quelles sont les clés pour l’éviter ou la combattre ?
Reconnaître les signes de l’emprise
Les relations sociales se construisent tout au long de notre vie au sein d’un groupe. Dès l’enfance l’individu est en collectivité, à la crèche puis à l’école, jusqu’à l’âge adulte où différents groupes sociaux cohabitent, au travail, au sport, au sein d’une association, etc.
La famille apparaît souvent comme le premier lieu de l’emprise. Le petit enfant est extrêmement dépendant de ses parents pour vivre, pour se construire et comprendre la société dans laquelle il évolue. L’enfant est crédule et fondera son jugement sur ce que lui disent ses parents. Si ces derniers sont respectueux et bienveillants à son égard, lui apportant l’autonomie dont il a besoin, il s’épanouira. Au contraire si les parents le contrôlent et lui dictent la conduite à tenir, l’enfant sera en position de subordination. Et ce schéma pourrait bien se répéter dans sa vie d’adulte.
En entreprise la donne est un peu différente. Nous ne dépendons pas de quelqu’un pour nous épanouir. Nous maîtrisons nos choix, dans une certaine mesure, et avons « prise » sur notre vie.
L’histoire qui se répète souvent débute toujours par une situation en apparence idyllique. Le salarié perçoit en son responsable, son binôme ou son manager, un être brillant, savant, qu’il admire. Il commence alors tout doucement à accepter de plus en plus de services, de gestes, de tâches. Il intériorise le fait qu’il doit répondre aux attentes de son responsable. Il se sent redevable. L’empreneur sent qu’il peut aller plus loin avec l’emprené. Ce dernier commence alors à ne plus faire la différence entre ce qui est acceptable et ce qui ne l’est pas. Il perd progressivement confiance en lui, pendant que l’empreneur prend de plus en plus de place dans son travail, dans sa vie.
Les marqueurs de l’emprise ne sont pas évidents à reconnaître. Très souvent les échanges sont cordiaux, les signes sont cachés. Pour l’emprené, cette situation se vit comme une véritable torture psychologique. Au un niveau hiérarchique supérieur, cette situation peut être connue et acceptée par tous. Pourtant les conséquences sont lourdes. Le salarié sous emprise va progressivement perdre confiance en ses capacités, en son jugement. Il se sentira incompris et de plus en plus désengagé.
Dans certains cas, on parle du syndrôme de Stockholm. Dans l’univers professionnel, les salariés voient généralement deux options : soit on fuit la personne qui harcèle, domine et maltraite psychologiquement. Soit on reste et on adopte une stratégie cognitive où le persécuteur est « repensé » autrement. Cette stratégie permet au salarié de supporter cette situation sur une courte période mais mène rapidement à un épuisement moral et physique.
Lutter contre l’emprise
Souvent ces relations toxiques sont vécues par des personnes ayant acceptées un certain « schéma » de subordination. Il faut donc commencer par comprendre les mécanismes psychologiques propres à chacun, son propre rapport à l’autorité. Il sera alors plus facile de sortir d’une situation d’emprise si nous avons une meilleure compréhension de nous-même et de notre environnement.
La parole agit en libérateur. Se reconnecter avec d’autres collaborateurs, échanger sur ce que l’on vit, récolter des feedbacks permet souvent d’enclencher une première prise de conscience.
Prendre ses distances face à l’empreneur, quand cela est possible, est évidemment le meilleur moyen d’éviter de vivre cette situation. Cela peut passer par faire du télétravail par exemple pour mettre de la distance géographique.
Une autre piste d’action est de solliciter les responsables de l’entreprise pour libérer la parole au sein des comités et instances décisionnelles. Il appartient à l’entreprise de prendre soin de ses collaborateurs. Cela peut passer par des modes de management plus attentifs à la relation sociale, et par la création d’espaces de parole pour permettre à chacun de s’exprimer librement.
Pour aller plus loin, le nouveau livre de Wadih Choueiri « L’emprise au travail ».