L’équipe du Club des CHO est allée à la rencontre de Thomas Edelist, Feel Good Manager chez Orange Vallée, histoire d’en savoir un peu plus sur son rôle, ses responsabilités et sur l’impact qu’il peut avoir sur ses équipes et donc sur l’entreprise…
Thomas, tu es Feel Good Manager chez Orange. Peux-tu nous expliquer dans quel cadre de travail tu évolues ?
Le cadre est assez différent de ce à quoi on peut s’attendre dans un grand groupe. J’évolue dans une entité qui s’appelle Orange Vallée, entité d’innovation qui existe grâce aux projets qui la composent.
Peux-tu nous en dire plus sur Orange Vallée ?
Orange Vallée a été fondée il y a déjà 10 ans, fin 2007. pour tester une nouvelle approche de l’innovation. Depuis son existence, nous fonctionnons en format startup: chacun de nos projets est considéré comme une jeune pousse avec ses propres équipes composées de deux à une dizaine de personnes selon la taille et la maturité du projet.
Dirais-tu que vous fonctionnez en « entreprise libérée » ?
Effectivement, depuis 10 ans ! Et d’ailleurs, depuis presque 2 ans nous avons accéléré cette transformation.
Nous avons lancé le programme Intrapreneurs Studio qui offre la possibilité à des salariés d’Orange de transformer leurs idées de produits ou services innovants en projets d’innovation avec la mise à leur disposition des ressources nécessaires. La sélection des projets se fait par une campagne d’appel à candidatures. La prochaine saison, qui est la seconde, aura d’ailleurs lieu au dernier trimestre 2017. Les salariés d’Orange postulent et exposent leurs projets.
Parmi les nombreuses candidatures que nous recevons, nous en sélectionnons une dizaine. Nous les formons aux meilleures méthodes d’innovation (pour nous le Lean Startup) et les coachons pour leur permettre de mettre en place une vision, un business model, une proposition de valeur, etc… ., le tout en 2 semaines. Nous faisons en sorte que leurs idées deviennent réalité.
S’agit-il d’un incubateur en interne ?
Exactement. A la fin des 2 semaines de coaching/training, chaque candidat doit pitcher son projet devant un jury. Celui-ci comprend notamment le top management de l’innovation d’Orange, des patrons de Business Units directement intéressés à accélérer les projets et des personnalités externes du monde de l’innovation.
Notre fonctionnement est simple: le jury sélectionne entre deux et cinq projets qui vont ensuite être incubés chez Orange Vallée au sein de l’Intrapreneurs Studio pour une période de 16 à 24 mois. A l’issue de cette incubation, le projet est transféré à une business unit et vient enrichir le catalogue d’offres de cette entité commerciale. S’offrent ensuite plusieurs choix aux porteurs du projet. Ils continuent à travailler sur leur projet dans la Business Unit, sinon ils peuvent rejoindre leur entité d’origine.
Quelle est ta mission au sein de cette entité ?
J’ai plusieurs rôles. Etant une entité d’innovation, nous innovons aussi dans l’organisation. Nous fonctionnons avec ce qu’on appelle une Gouvernance Adaptative qui se rapproche de l’holacratie. C’est-à-dire que nous mettons l’intelligence collective au service du groupe dans une organisation « flat » avec très peu de niveaux hiérarchiques. Chacun y connait son rôle et est responsable et autonome sur son périmètre de responsabilités..
Vous travaillez plutôt par groupe de compétences ou groupe projet ?
Les deux. Il arrive parfois qu’un intrapreneur rejoigne Orange Vallée avec sa propre équipe. Généralement, c’est Orange Vallée qui se charge de la construire ou de la compléter avec les différentes ressources nécessaires au succès du projet.
Nous avons ce que nous appelons des cercles métiers : Marketing/Commercial, Technique, UX design, Capital Humain (qui se compose du DRH, du Directeur d’Orange Vallée et moi-même).
Peux-tu nous détailler ton rôle ?
J’ai plusieurs rôles dans plusieurs cercles.
En premier lieu, Feel Good Manager dans le cercle « Capital humain », mais aussi dans le cercle « Structure » (c’est-à-dire le board qui réunit tous les leads de chaque cercle). Je prends la température grâce à des outils de sondage d’humeur comme Bloomin (chaque semaine nous avons des rapports pour savoir comment vont les salariés etc…)
Je définirais ma position de Feel Good Manager entre le GO du Club Med, le concierge et le RH de terrain. (rires) Attention cependant, je préfère être clair : je ne travaille pas au sein du département RH d’Orange et ne saurait assurer leur job ! Plus sérieusement, il s’agit de créer et d’animer un environnement de travail où chacun se sent bien, de créer et d’animer un esprit collectif et enfin d’assurer un rôle de vigilance et de bienveillance.
Effectivement, j’organise des événements, de travail mais aussi de team building en externe, je m’occupe du confort de l’espace de travail en Open Space:, organisation physique du lieu, jeux (jeux d’échec, vélo d’appartement, pistolets à projectiles en mousse, etc.), Accueil et accompagnement des nouveaux arrivant,…Chaque mois, par exemple, nous organisons un All Hands (qui vient de l’expression « all hands on deck », autrement dit, le capitaine veut parler à tout le monde). Lors de ce rassemblement, chaque porteur de projet partage et fait part de son avancement, les leads des cercles métiers aussi pour apporter des réponses à toutes les questions . Il est important que tout le monde soit au courant. Nous sommes tout de même une cinquantaine pour une dizaine de projets, ce n’est donc pas toujours facile de rester à jour. Au sein du campus Orange Gardens, je m’occupe également d’organiser des temps de pause méditation (deux groupes de 30 personnes y participent pendant 1H30 un jeudi sur deux). Ce campus est un peu à l’image de ceux de Facebook ou Google. Il est organisé pour faciliter les rencontres , les échanges dans un cadre exceptionnel et offrir des moments de détentes : restaurants, tables de ping-pong, , flippers, babyfoots…et même un lac artificiel avec sa colonie de canards et poissons rouges.
Nous sommes dans l’expérimentation. Nous faisons le maximum pour que les employés se sentent bien.
J’apporte du bien-être, mais aussi une oreille attentive. Petit à petit les gens viennent me voir, je suis là s’ils ont besoin de parler, je repère aussi ceux qui ont un petit coup de blues ! Je m’occupe de faire le lien avec la RH s’il y a des besoins de monter en compétence ou ce genre de choses. J’ai notamment aidé trois personnes à accéder à des formations : il y a en effet une dimension coaching. Quand des situations paraissent bloquées, j’aide à formaliser les demandes et je propose de l’aide en laissant la personne libre de ses choix et surtout je la laisse faire le boulot !
N’étant qu’aux débuts de l’Intrapreneurs Studio,en plus de FGM j’apporte aussi mon aide au cercle Marketing pour leurs besoins vidéo (c’est mon expertise d’origine), mais surtout je participe à l’organisation structurelle de ce « nouvel » Orange Vallée.
Dernière question : comment es-tu devenu Feel Good Manager ? Quel est ton parcours ?
J’ai effectué un double cursus durant mes études. J’ai commencé par un master 2 de gestion des télécoms et des nouveaux médias à Paris Dauphine puis un BTS audiovisuel. En 2009, je suis rentré en stage chez Orange. J’ai assuré le job de monteur vidéo sur un projet. Lorsque celui-ci a touché à sa fin, je me suis fait ma propre place chez Orange Vallée en subvenant à tous les besoins audiovisuels, qu’ils soient techniques ou créatifs. Petit à petit j’ai intégré le département marketing. J’ai fait de la communication et du marketing audiovisuels. J’ai ensuite pris un congé sabbatique pour voyager et je suis revenu travailler avec mon premier patron, celui qui m’a engagé chez Orange Vallée, sur un nouveau projet.
Il y a un an et demi, j’ai entendu parler du job de Chief Happiness Officer pour la première fois. C’était lors d’une interview de Wale Gbadamosi, un ami de la fac Dauphine, aujourd’hui directeur de l’agence Darewin. Il expliquait qu’ils avaient un « mojo manager ». Cela m’a intéressé et je suis allé interviewer ledit mojo manager ainsi qu’une autre personne chez Orange qui, à l’époque, faisait déjà du Feel Good management. Peu de temps après, je suis retourné interviewer deux autres personnes pour voir comment je pouvais faire ce boulot et l’adapter à Orange Vallée.
Puis, c’est simple, j’ai pris mon bâton de pèlerin. J’ai monté un bon vieux powerpoint. Je l’ai présenté au Directeur d’Orange Vallée et il se trouve qu’il commençait à y réfléchir…