Stress et désengagement sont les conséquences logiques d’années de société industrielle basée sur le contrôle, l’obéissance et l’exécution. Mais aujourd’hui, face à un environnement Volatile, Interdépendant (que je préfère à Incertain), Complexe, Ambigu – voir VUCA – les compétences qui font la différence sont essentiellement des Soft Skills (voir rapport du World Economic Forum et du Boston Consulting Group). Pourtant, au lieu de mettre l’emphase sur le développement de ces compétences, les entreprises qui souhaitent améliorer l’engagement ou diminuer la pression vont souvent chercher des « QuickFix Solutions ». De fades outils décoratifs peu efficaces. Et le résultat n’est jamais là sur le long terme bien-sûr.
Car dans ce domaine, la règle est simple : la qualité de vie de vos employés dépend de la sincérité de l’introspection que vous souhaitez opérer dans l’organisation.
La qualité de vie au travail devient l’une des préoccupations principales des RH et des managers car l’enjeu est multiple:
- éviter les conséquences des systèmes d’organisations vieillissantes hiérarchiques et pyramidales, adaptés à des tâches courtes et simples (Voir TED de Daniel Pink sur la science de la motivation qui mentionne l’expérience de Kark Duncker)
- aider à insuffler de l’engagement et de la motivation
- solliciter le potentiel des équipes, de créer un cadre qui permette de libérer la créativité, la curiosité, la capacité d’adaptation pour faire face à la concurrence en développant une identité unique
Les entreprises, en fonction de leur maturité, de leurs compétences, voire de leur sincérité abordent le sujet à plusieurs niveaux. Et le résultat est souvent corrélé à la profondeur de la réflexion :
Niveau débutant : Fruits frais et babyfoot
– On ne touche surtout pas à la structure : organisation, processus, modes de management, culture etc.
– On met en place des artifices qui vont donner une apparence de bien-être : babyfoot, corbeilles de fruits frais, tickets restaurant, tablettes, smartphones dernier cri, locaux agréables et lumineux, boissons gratuites, tarif réduit dans les salles de sport, conciergerie, salle de sieste, escape game entre collègues, etc
– Résultat : certains employés se sentent bien (mieux ?), valorisés d’être considérés, mais cela ne dure qu’un temps. Dès que des problèmes arrivent, tous ces avantages sont aussitôt oubliés et ne pèsent pas lourd dans la balance pour l’employé. Les études en psychologie cognitive montrent que la carotte (les avantages liés à l’activité de travail) ou le bâton ne motivent que pour des tâches simples et de courtes durées.
Niveau intermédiaire : Au milieu du gué, Sharepoint et méditation
On ose toucher aux processus, aux modes de management en mettant en place des outils qui pourraient permettre de travailler de façon collective et créative.
Au niveau Collectif :
- On institue la « réunion du Lundi matin » ! Ah, enfin on va se PARLER. Enfin, on va savoir ce que veut le chef, enfin on va trancher sur tel sujet, enfin on va comprendre le changement de stratégie…
- Outils collaboratifs : l’entreprise met en place des outils de travail collaboratif tels que Slack, Yammer, Sharepoint, Klaxoon qui sont censés accroître le partage. Malheureusement, on se rend souvent compteque ces outils ne sont pas prisés par les employés. Pourquoi ? Car ces systèmes ne sont que des outils et qu’ils ne résolvent pas le problème fondamental de l’engagement, de l’adhésion. Certes, localement, on constate des foyers de productivité qui sont liés à l’énergie ou la passion d’un Community Manager interne.
- Méthode de co-construction : codéveloppement, Design Thinking, team-building… Ces techniques de facilitation se mettent progressivement en place dans les organisations.
- Tous ces outils agissent avec un effet boomerang : l’employé identifie une fenêtre ouverte pour s’exprimer, libérer sa créativité, pour enfin commencer à travailler collectivement. Mais, dans la mesure où la réflexion n’a pas été menée sur l’état d’esprit collectif, les comportements modèles, les valeurs, la vision profonde de la structure, la sécurité psychologique, ces outils ne font au final que renforcer deux frustrations : celle de se sentir manipulés par l’organisation, celle de ne pas pouvoir exprimer ses bonnes et mauvaises idées, ses doutes, ses incertitudes, ses forces, ses compétences.
Au niveau Individuel :
- Pour être « Hype », on met en place des cours de méditation, cohérence cardiaque, yoga, pause, marche, sport : ces activités vont permettre de gérer ponctuellement un moment de stress, une tension, une crise. Dans mes accompagnements d’entreprises, je rencontre de nombreux managers et collaborateurs qui recourent à ces techniques pour libérer l’excès ponctuel de pression de la machine. Mais la pression revient inévitablement dès que l’on revient à son poste de travail. Tant que la racine n’a pas été identifiée de façon globale et systémique. Pratiquée sur la durée, ces techniques peuvent donner des résultats plus profonds car elle permettent néanmoins d’accéder à un niveau de conscience supérieure : qu’est-ce que je veux vraiment, tout cela a-t-il du sens pour moi ?
Niveau expert : Politique QVT et motivations intrinsèques
L’entreprise élabore sa mission, sa vision, ses valeurs, sa culture (i.e : ce qu’il est convenable de faire et ce qui ne l’est pas) avec une stratégie opérationnelle cohérente. Le modèle de management par exemple doit être aligné, et les managers doivent incarner cette vision, ces valeurs, cette culture. Car les comportements des collaborateurs ne dépassent jamais ceux des rôles modèles ; les managers.
Une fois que sont posés ces jalons, on peut trouver les personnes qui souhaitent adhérer à cette mission, ces valeurs, cette culture. La qualité de vie sera alors la résultante :
- Coté organisation : d’une démarche Qualité de vie au travail, d’un management «sain» qui apporte de la sécurité psychologique et permet Maîtrise, Autonomie et donne du Sens ; je me sens bien car je contribue à mon niveau à une mission qui me dépasse mais pour laquelle nous oeuvrons collectivement, dans mon organisation. Ainsi, des passionnés ont développé Wikipedia sans en retirer aucune rémunération, uniquement parce que le sujet avait un sens pour eux. Voilà ce que recherchent en premier lieu les nouvelles générations, avant même de se tourner vers le prestige des grosses multinationales.
- Coté employé : de l’alignement des motivations individuelles, de ses compétences et de sa mission. Cela passe par plusieurs étapes :
- L’identification des motivations profondes, intrinsèques : qu’est ce qui me fait vibrer, qu’est ce qui me donne envie de me lever le matin, qu’est-ce qu’une bonne journée pour moi ? Si je peux exprimer ces motivations dans mon travail, je vais ressentir une forme de qualité de vie, car j’ai un champ pour exprimer ma nature profonde. Certes, je dois aussi avoir les moyens, le cadre pour mener à bien ma tâche : un environnement de travail, des outils, une organisation, des processus qui m’aident.
- L’identification des valeurs/anti-valeurs personnelles : quel est mon système de pensées et de croyances ? Qu’est ce que je ne supporte pas (irrespect, pression, contrôle…), de quoi ai-je absolument besoin (reconnaissance, respect, temps, liberté…) ?
- L’identification des représentations et des filtres : comment vois-je le monde : si un collègue ne me dit pas bonjour ce matin, comment vais-je l’interpréter, vais je lui en vouloir ? Si mon manager ne m’augmente pas malgré mon investissement, qu’est ce que j’en déduis ?
Ce travail plus profond nécessite souvent un accompagnement et permet de prendre conscience de son propre comportement, de ses aspirations profondes afin de trouver l’espace pour les exprimer avec une structure extérieure (mon entreprise). Coté organisation, la mise en oeuvre d’une démarche requiert également un accompagnement.
Avec ce niveau de remise en question, l’entreprise peut s’appuyer « naturellement » sur des employés engagés et motivés. Et les employés peuvent exprimer leur nature, au profit d’une mission qu’ils soutiennent.Dans ce cadre (idéal ?), le babyfoot et les corbeilles de fruits frais, les cours de Tai Chi et les réductions au cinéma seront appréciés, et seront une cerise gourmande sur le gâteau du bien-être au travail 🙂
L’auteur de cet article :
Michel Abitteboul
« J’accompagne les organisations en transformation vers une dynamique équilibrée entre performance économique et épanouissement des employés. Je m’appuie sur une expertise en Neurosciences Cognitives appliquées et en Communication. »
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