Marylène Khouri est chargée de prévention et de promotion de la santé chez Harmonie Mutuelle pour la région Ile de France. Elle fait partie de celles et ceux qui, par leur énergie, tentent de transformer le regard que nous portons en France sur la prévention. Interview.
Marylène Khouri
Marylène, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je suis psychologue du travail, chargée de la prévention et de la promotion de la santé chez Harmonie Mutuelle. C’est un métier passion. J’ai d’abord eu une première carrière dans la communication avant de me former à la psychologie du travail tant le sujet me semblait fondamental.
Chez Harmonie Mutuelle, vous accompagnez de nombreuses entreprises, tu as donc une vision globale du sujet... Pour toi, où en est la prévention aujourd'hui en France ?
En prévention des risques on parle de prévention primaire, secondaire et tertiaire. Dans les faits, c’est hélas encore la prévention tertiaire qui domine : on appelle encore trop souvent un préventeur « quand il y a le feu ».
Il reste beaucoup d’acculturation et de sensibilisation à mener sur le sujet. Encore aujourd’hui, parler de Risques Psycho Sociaux (RPS) fait peur. Une partie de mes missions consiste à infuser une culture de la prévention auprès des entreprises. Il faut rendre les RPS audibles.
Comment définirais-tu le métier de préventeur ?
Je dirais qu’il s’agit d’un travail d’enquêteur. On fait souvent appel à nous pour un sujet, par exemple de l’absentéisme. Mais derrière l’absentéisme, il y a des choses à creuser. Notre rôle est de décrypter la situation et de permettre à l’entreprise de résoudre une énigme.
On nous appelle pour des sujets comme la gestion du stress, la gestion des émotions, la gestion du temps, etc. Le mot gestion est au cœur des demandes. En échangeant avec les salariés, en organisant des espaces de dialogue, on arrive à faire émerger d’autres questions et à identifier les réels besoins. Les risques psycho sociaux, ce sont des risques qui s’écoutent.
Quel parallèle fais-tu entre RPS et QVT ?
Même si l’expression peut faire peur, la prévention des risques offre un cadre réglementaire. L’employeur doit assurer la santé physique et mentale du salarié, c’est un incontournable. La démarche QVT prolonge cette obligation en proposant de s’intéresser à tout ce qui est propice au développement du salarié, dont le bien-être au travail, l’égalité homme – femme, la formation, l’équilibre des temps de vie… Ce que l’on constate sur le terrain, c’est que la qualité de vie au travail a été dévoyée à coups d’actions « cosmétiques » qui lui ont fait perdre en crédibilité : management chouquette, vélo smoothies, massages au bureaux…
En ça, le terme de QVCT (Qualité de vie et des conditions de travail) me semble plus approprié : on remet au cœur de la démarche les conditions de vie au travail.
Et pour ce qui est de la santé mentale ? Vois-tu la thématique émerger dans les entreprises que vous accompagnez chez Harmonie Mutuelle ?
Le sujet de la santé mentale est corollaire aux sujets des RPS et de la QVCT dont l’objectif est « un salarié en bonne santé ». Cela inclut la santé physique et la santé mentale des collaborateurs. Mais on ne connaît que peu la santé mentale en France et le terme est un peu fourre-tout : burn-out, trouble psychique, etc… L’appropriation du sujet n’est donc pas facile.
Par ailleurs, notre ouverture sur la thématique est influencée par notre culture et certaines entreprises véhiculent encore l’adage de « il faut être fort », « la vie est une combat » et ferment la parole des collaborateurs sur le sujet.
Il reste du chemin à parcourir. Notre rôle est donc également de participer à la sensibilisation sur le sujet car il ne s’agit pas d’un effet de mode. La montée en puissance des risques psycho sociaux est corrélée à l’histoire du travail et à la place qu’occupe notamment le secteur tertiaire en France.
Si tu avais une recommandation à faire à ceux qui nous lisent ?
Se rappeler l’importance du soutien social et inviter les entreprises à proposer des tiers pour accueillir la parole. Côté Harmonie Mutuelle, nous proposons par exemple des services d’écoute.
Il est également important de former tous ceux qui sont les premiers relais d’écoute pour qu’ils soient capables d’aiguiller et de détecter celui qui souffre. Les managers doivent avoir des clefs de compréhension, mais ce n’est pas forcément à eux d’agir : on peut penser à former des relais en interne, des bienveilleurs, des collègues de l’écoute, etc…