Romain Vacher, cofondateur de la société Linkvalue intervient pour nous présenter son entreprise et la philosophie d’entreprise libérée qui y est associée.
Comment le projet d’entreprise libérée a-t-il émergé ?
Notre chemin avec les co-fondateurs de l’entreprise a réellement commencé en janvier 2013. On s’est posé beaucoup de questions sur ce qu’on avait envie de faire, en quoi on croyait et on ne croyait plus. Mi 2013, un ami m’offre Liberté & Cie d’Isaac Getz et Brian Carney ; ce livre m’a ouvert les yeux et a mis des mots sur ce que je ressentais. Il m’a montré que d’autres personnes avaient des croyances telles que : « l’Homme est bon » ou encore « le système hiérarchique pyramidal n’est plus la meilleure organisation du travail » etc..
Il n’y avait pas de structure à la création de notre entreprise, nous étions tous dans le même bureau, tout s’y passait très bien. A un certain stade, on se rend compte qu’on va continuer à grandir et devoir s’organiser. C’est dans ce cadre que j’ai évoqué le terme d’entreprise libérée.
Qu’est-ce qu’une entreprise libérée ?
Une entreprise libérée est une entreprise où les collaborateurs se sentent autorisés à prendre les décisions qu’ils jugent nécessaires pour leurs clients et pour l’entreprise. Chacun des collaborateurs peut venir tel qu’il est dans le respect de l’organisation et d’autrui.
Quelle est votre ambition ?
Mon rêve est de créer la plus belle des sociétés. On me dit souvent que ma société ne sera jamais plus belle que Facebook, Google etc. Mais pour moi la plus belle des sociétés ce n’est pas la plus grande ou la plus développée … C’est la plus belle dans nos yeux, celle dont nous sommes fiers. Nous avons su fédérer une équipe autour de ce rêve et nous essayons de réaliser cette performance collectivement. On doit tout au collectif. Cette société ne nous appartient plus depuis le premier jour puisque nous la partageons avec tous.
Comment y parvenir selon vous ?
Il n’y a pas de recette miracle pour créer une entreprise libérée. L’entreprise libérée est avant tout une philosophie, un style de management dont l’objectif est de maximiser la motivation des collaborateurs, faire converger leurs objectifs et ceux de l’entreprise.
Nous avons suivi un parcours très intuitif. Le premier pas a été pour moi de me libérer de tout ce que j’avais pu apprendre dans mes anciennes entreprises, d’apprendre à déléguer et de faire en sorte que les autres prennent des décisions à ma place avec des résultats parfois bien meilleurs. Linkvalue se base sur ces croyances. Je pense que la confiance apporte plus que le contrôle.
Quelles ont été les étapes vers une entreprise libérée ?
L’application de la philosophie d’entreprise libérée a nécessité plusieurs étapes. J’ai identifié mes personnes ressources et j’ai travaillé avec un coach. Le but est d’avoir à la fois du feed back et du feed forward. Les personnes ressources sont les personnes qui vous disent ce que l’on ne vous dit pas ou ce que l’on ne vous dit plus depuis bien longtemps dans votre société. Combien de personnes ressources avez-vous dans votre entourage professionnel ? Le coach, lui, est un excellent moyen d’avoir un feed forward pour nous ouvrir les yeux sur d’autres perspectives. C’est un travail important.
Chercher l’inspiration auprès de personnes que j’admire est également une étape très importante. Cela peut provenir de lectures ou de learning expeditions qui consistent à aller à la rencontre des entreprises et des collaborateurs. Patrick Negaret par exemple est quelqu’un que j’admire beaucoup (la personne elle-même, ses valeurs, son charisme, sa simplicité…). Il est directeur général de la CPAM du 78. C’est une entreprise de 1300 salariés et c’est une entreprise libérée. Il a réussi à relever ce défi en seulement trois ans. C’est une entreprise très intéressante avec une belle mission.
La mise en place a-t-elle été difficile ?
Après avoir eu la volonté de se libérer, il faut pouvoir la mettre en place. Linkvalue n’a pas eu à se transformer puisque l’on créait l’entreprise, mais plutôt à fédérer les gens autour de cette idée force (créer la plus belle des sociétés). Il est important d’avoir un soutien des actionnaires, de s’assurer qu’ils sont en accord avec la démarche de libéralisation. C’est un travail collectif.
Il faut se demander : “Avec qui” et “Comment”. Moi je travaille plutôt sur le pourquoi, puisque le comment émane de l’intelligence collective. Il est important de travailler sur sa posture (haute ou basse), de donner des informations et de former les gens à les utiliser. Travailler sur la sémantique est par exemple primordial ; le choix des mots a un impact réel : on parle de groupe de travail, de cercle de réflexion, de partners etc.
Découvrez notre article 7 clichés à ne plus croire sur l’entreprise libérée.
Quelles sont les valeurs chez Linkvalue ?
Linkvalue s’appuie sur cinq piliers : le sens, la confiance, l’autonomie, la reconnaissance, et la fierté d’appartenance.
Le sens
Le sens consiste à fédérer sur le pourquoi et libérer sur le comment. Il existe mille chemins pour arriver à ce que l’on veut. Pour nous, le pourquoi est de créer la plus belle des sociétés. On fonctionne par tranche de trois ans. Notre entreprise travaille dans la transformation digitale. Linkvalue accompagne ses clients sur leurs idées en les travaillant pour les raffiner jusqu’à les mettre en production. 85% de nos équipes sont donc techniques et ont une moyenne d’âge de 28 ans avec des parcours hétérogènes.
Notre objectif est de travailler sur des relations durables au lieu d’être dans la consommation. Nous n’avons pas de manager, et les collaborateurs qui ont un rôle de management sont en réalité un support pour donner les moyens de construire. On fait régulièrement des bilans avec les équipes pour continuer à percevoir le sens de notre métier.
La confiance
La confiance, c’est pour moi un seau de crédibilité. Ce seau je le remplis goutte à goutte au quotidien. Si on fait une faute (ne pas respecter le cadre, malveillance, posture haute etc…) on le vide à vitesse grand V ! On peut repartir de 0. Et l’important est de s’entourer de personnes ressources pour qu’elles vous donnent votre « jauge » – Où en êtes-vous dans votre seau de crédibilité.
On parle souvent de droit à l’erreur. Je crois avant toute chose qu’il faut accepter les erreurs : les siennes et celles des autres. C’est très dur à mettre en place lorsque nous avions l’habitude de prendre des décisions seuls. Pourtant, la liberté et la responsabilité d’agir nécessite le droit à l’erreur. Alors pour que cela fonctionne, on communique sur les idées, on fait beaucoup de retours d’expériences. Complimenter les succès et cultiver les points forts est primordial pour avancer. Il faut réussir à créer cet écosystème qui « permet de ». Aujourd’hui, 40 000 euros de budget sont gérés par les équipes et non plus par moi. Ils choisissent notamment les évènements de team building auxquels ils souhaitent se rattacher, les clubs auxquels ils veulent adhérer. Si on parvient à faire prendre ces décisions aux collaborateurs, notre pari est réussi.
L’autonomie
L’autonomie est à dissocier de l’indépendance. L’autonomie consiste à prendre des décisions corrélativement à d’autres en prenant conscience que nous ne possédons qu’une partie de la réponse. Développer la connaissance de soi est important pour être autonome. Nos Talent Managers travaillent avec nos collaborateurs pour les aider à comprendre qui ils sont. Nous respectons le principe suivant : celui qui fait, sait ! Je me pose très souvent cette question : est-ce que ce que je fais est-il bien de mon ressort / de mon champ de compétences ? Ainsi, je peux déléguer et accepter le changement lorsqu’il est nécessaire. Selon Gandhi, la meilleure façon d’accepter le changement est d’y participer.
Cultiver la reconnaissance
Cultiver la reconnaissance c’est applaudir ce que l’on entreprend, les réussites comme les échecs. Ce n’est pas seulement rémunérer les gens. Cela a été très difficile pour moi puisque je n’ai pas appris à le faire. Il a alors s’agit de développer la culture du feed back et du feed forward.
Tous les collaborateurs y sont formés chez Linkvalue. On fait de l’improvisation théâtrale, (plus de 40 personnes y ont déjà été formées), on travaille avec une start-up spécialiste du feed back. Aussi, nous organisons toujours un debriefing avec l’équipe de « talent experience » composée de personnes chargées de recrutement, de talent aquisition et de talent management. Toutes les semaines, on envoie des news avec tous les points forts de la semaine précédente ; les good games, ce qui a été bien, ce qu’on a appris. Puisque le juridique est au service de la philosophie, on a rapidement mis en place l’intéressement. « Award & Reward »…
La fierté d’appartenance
La fierté d’appartenance est une notion clé. Célébrer ce qui se passe chez Linkvalue est important pour être fier de ce que nous faisons. Nous fêtons Noël tous ensemble, les anniversaires, les unions, les naissances. Cela parait évident mais le faites-vous ?
Linkvalue organise des activités solidaires pour donner toujours plus de sens à nos actions dans l’entreprise. Nous avons mis en place la 6ème semaine de congés payés à partir de la deuxième année pour pouvoir donner du temps à des associations si on le souhaite. On est responsable de ce que l’on devient et Linkvalue travaille à connecter son activité à son écosystème.
Linkvalue est une entreprise fondée par Romain Vacher et Thibault Anssens en 2014. Elle compte aujourd’hui déjà plus de 100 employés.