Toutes les entreprises sont concernées par la question du handicap. Comment mobiliser et sensibiliser les collaborateurs à ce sujet ? Par où commencer ? Quelles sont les difficultés rencontrées par les entreprises dans la mise en place d’une politique handicap ? Pour faire le point, nous avons demandé à Alix Decroix, référente handicap indépendante, de nous parler de son métier et des bénéfices qu’il y a pour toute entreprise, quelle que soit sa taille, à mettre en place ce type de démarche de manière volontaire.
1. Que veut dire être « référente handicap » indépendante aujourd’hui ? Quels sont tes missions et tes champs d’action ?
En entreprise, le référent handicap a pour mission de déployer la politique handicap, c’est-à-dire le recrutement et le maintien dans l’emploi de salariés en situation de handicap, les actions de sensibilisation, la gestion des achats responsables… Les PME sont mal informées sur leur obligation de recruter 6% de travailleurs en situation de handicap et sur les moyens d’y parvenir. En tant que référente handicap indépendante, je leur propose d’identifier et de mettre en place les différents leviers qui leur permettront de répondre à leur obligation et ainsi devenir plus inclusives. Selon moi, la contrainte financière ne doit pas être la seule motivation. Il faut que l’entreprise, au travers la direction et les managers, s’empare de la question du handicap avec la volonté de changer les regards et prendre part à l’inclusion des personnes en situation de handicap, de manière durable.
2. A partir de ton expérience, peux-tu nous dire où en sont les entreprises en 2022 par rapport à la question du handicap ? Quels sont tes grands constats ?
Aujourd’hui le taux d’emploi des bénéficiaires de l’obligation d’emploi est de 3.8% en France pour les entreprises privées. C’est encore peu quand on sait que le taux de 6% a été instauré par une loi de 1987, c’est-à-dire il y a 35 ans ! Mais il faut tout de même se réjouir de voir que la question du handicap en entreprise devient une vraie préoccupation et que les initiatives se multiplient pour médiatiser le sujet. On pensera par exemple à la Semaine Européenne pour l’Emploi des Personnes Handicapées et au DuoDay.
On observe de fortes disparités entre les grandes entreprises et les PME. En effet, beaucoup de grandes entreprises ont mis en place des actions concrètes et même si elles ne sont pas encore à 6% pour la majorité, elles avancent. L’incitation pouvait être au départ de faire baisser leur contribution, mais aujourd’hui elles doivent identifier et mettre en œuvre des valeurs en cohérence avec les attentes de leurs collaborateurs et de leurs clients.
Le mouvement est plus lent du côté des PME. Beaucoup n’ont pas les ressources et les compétences en interne pour s’emparer de la question du handicap de manière opérationnelle. Avec l’augmentation progressive de la contribution, si elles n’emploient pas 6% de travailleurs handicapés, cela devient aussi pour elles un vrai sujet, difficile cependant à appréhender concrètement.
3. À quelles difficultés les entreprises françaises sont-elles confrontées aujourd’hui dans le cadre de la mise en place d’une politique handicap ?
Je pense que le plus grand frein est la méconnaissance du handicap en général, qui engendre beaucoup de peur et de préjugés. La perception du handicap reste très stéréotypée. Être handicapé, c’est encore aujourd’hui pour beaucoup de gens avoir un problème de motricité ou un handicap mental. Et donc le besoin d’aménagements lourds, ce qui est le plus souvent faux. Pour combattre les idées préconçues, il est nécessaire de sensibiliser les directions et les collaborateurs, et c’est une de mes missions.
Par ailleurs, le monde du handicap est complexe. Il y a une multitude d’acteurs, de dispositifs, d’acronymes… Cela peut être assez paralysant quand on souhaite démarrer des actions. Comment faire ? Par quoi commencer ? Vers qui se tourner ? Quelles sont les aides mobilisables ? Auprès de qui ?
4. Quels sont les bénéfices pour une entreprise à mettre en place une politique handicap volontariste ?
L’inclusion au sens large du terme est une question dont s’emparent de plus en plus d’entreprises. On a donc aujourd’hui de nombreux retours d’expérience et des résultats d’études qui permettent d’identifier les bénéfices d’une politique handicap. Ce qui en ressort de manière systématique, c’est le gain de performance et d’agilité de l’entreprise. Selon le dernier baromètre Agefiph (déc.2021), pour 54% (+7%) des entreprises interrogées, c’est une opportunité de faire progresser leur entreprise. Une étude de Deloitte Diversité & Inclusion de janvier 2020 indique même que les collaborateurs des entreprises inclusives réalisent jusqu’à +30% de chiffre d’affaires. Par ailleurs, mettre en place une politique handicap volontariste, c’est l’opportunité d’améliorer sa marque employeur et de s’ouvrir à de nouveaux profils. C’est d’autant plus important pour les secteurs en pénurie de main d’œuvre.
5. En quoi la mise en place d’une telle politique même dans les PME est un pari gagnant-gagnant ?
Comme on l’a déjà vu, l’argument financier va souvent être le déclencheur des premières actions. Et ces actions vont avoir plusieurs bénéfices. En sensibilisant aux situations de handicap, elles peuvent permettre à certains salariés de réaliser qu’ils entrent dans la prescription de la RQTH (reconnaissance de qualité de travailleur handicapé). S’ils décident d’entamer les démarches, ils pourront bénéficier de mesures pour favoriser leur maintien en emploi. Ainsi, l’entreprise fait face à moins de congés maladie et le salarié exerce sa fonction dans de meilleures conditions. Or, 50% des actifs seront touchés par une situation de handicap au cours de leur vie (chiffres DARES). Nous sommes donc tous potentiellement concernés.
C’est aussi une manière de créer plus de cohésion dans les équipes autour d’un thème commun et d’avancer ensemble sur une problématique sociétale majeure. Par ailleurs, des aménagements mis en place pour une personne en réponse à un besoin spécifique pourront profiter à tous (réduction du bruit, éclairage mieux adapté, souris ergonomiques, gestion du port de charges…). Tout cela contribue au mieux vivre des collaborateurs et donc à les fidéliser. Mettre en place une politique handicap demande du temps et des compétences, mais c’est bien un pari gagnant pour l’entreprise et ses équipes.
A propos d’Alix Decroix
Alix Decroix – Diplômée du D.U « référent handicap, secteur public, secteur privé et associations » de l’Université Paris Est-Créteil, a créé HPI Conseil (Haut Pouvoir Inclusif) pour accompagner les PME qui veulent mettre en place une politiquehandicap durable.
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