L’entreprise libérée propose un modèle d’organisation en rupture avec le modèle classique pyramidal hérité du taylorisme.
Ce concept connaît un succès grandissant en France depuis la parution du livre « Liberté et Cie » d’Isaac Getz et Brian M. Carney en 2012. Après 4 années de recherche, le constat est clair : la liberté ça fonctionne ! Aujourd’hui cet ouvrage continue d’inspirer de nombreuses entreprises et leaders.
Pourquoi libérer l’entreprise ?
Les ingrédients d’une entreprise libérée sont : une gouvernance horizontale, une certaine liberté des salariés et l’adhésion à une forte culture d’entreprise. Les salariés sont responsables du résultat de leur travail, en étant libre de s’organiser.
Pour mieux comprendre les fondamentaux et s’initier aux principes d’une entreprise libérée, l’ouvrage « Reinventing organisation : vers des communautés de travail inspirées » de Frédéric Laloux propose 12 cas d’étude détaillés.
Très souvent, une entreprise engage sa transition vers ce modèle en réaction à une mauvaise santé financière ou à un problème de motivation (difficulté à recruter, départ des collaborateurs, perte de sens au travail, …).
La recherche de performance
Chez Chronoflex, après une année de transition et dans une conjoncture toujours difficile, le chiffre d’affaire a augmenté de 15%, quant à l’absentéisme, lui a considérablement baissé.
Chez FAVI, on est passé d’une structure quasi paralysante à des « mini usines » de 20 à 35 opérateurs, plus agiles et sans contrôle. Aujourd’hui l’entreprise alimente 60% du marché automobile !
Réengager ses salariés
Quand on sait que moins de 10% des salariés en France se déclarent motivés par leur travail (selon l’étude Gallup parue en 2017), il apparaît nécessaire de faire bouger ce taux et réengager ces équipes.
Dans une entreprise libérée, l’organisation n’est pas figée, elle est donc plus agile et peut s’adapter rapidement aux contraintes et exigences d’un marché donné. Et contrairement au fonctionnement des organisations traditionnelles, l’innovation s’impose d’elle-même. Elle n’est plus recherchée mais découle de la libération des salariés qui osent être à l’initiative de nouvelles idées et actions.
Alors comment mettre en place cette transition ? Par quoi commencer ? Voici les premières étapes pour amorcer le virage vers une entreprise libérée.
1. Une suppression progressive de la hiérarchie
Cela débute par ce qu’Isaac Getz appelle le « leader libérateur ». Le dirigeant prend peu à peu conscience qu’il n’est pas irremplaçable, jusqu’à remettre complètement son poste en question.
En pleine réorganisation, Alexandre Gérard PDG de Chronoflex, est parti faire un tour du monde d’un an, laissant l’entreprise aux salariés. Pour lui « le premier frein au changement, c’est le patron ! »
La suppression progressive de la hiérarchie passe ensuite par les fonctions les plus hautes du management, qui sont repensées puis transformées.
Le principe d’autonomie est érigé en principe fondateur, pour que chaque salarié puisse développer son « plein potentiel », se responsabiliser et valoriser ses actions.
Les espaces de coworking La Cordée ont aboli la hiérarchie, ainsi que les noms de postes classiques. Il y a aujourd’hui des couteaux suisses, des porte-voix, des éclaireurs, … Personne n’a de bureau attitré et les rémunérations sont pensées et décidées en équipe.
La Biscuiterie Poult a mis en place l’auto-organisation pour favoriser l’autonomie et la créativité des salariés. Ainsi ce sont des collectifs d’une quinzaine de personnes, renouvelés tous les ans qui prennent les décisions. Il n’y a plus de comité de direction, plus de budget.
2. Passer du contrôle à l’accompagnement des salariés
L’excès de contrôle est souvent pesant, voir contre productif dans les entreprises. Cela provoque une démotivation du personnel, une difficulté à innover et à recruter de nouveaux talents.
Dans une entreprise libérée, les rôles sont redistribués. Le manager endosse le rôle de coach, de conseiller. Il accompagne les salariés pour améliorer la coopération entre les équipes. Les managers se mettent au service de leurs équipes, et non l’inverse. Ils perdent ainsi de leur pouvoir, tout comme certaines prérogatives (bureaux individuels, recrutement, …).
Le principe de subsidiarité s’applique : les tâches sont effectuées en priorité par les échelons les plus bas, les plus proches de l’action.
3. Accepter que la transition prenne du temps
La transition doit s’effectuer en douceur. Certains collaborateurs peuvent perdre leurs repères, ne se reconnaissant plus dans cette nouvelle organisation et le rôle qui leur est attribué.
Le changement de culture, tout comme l’ouverture vers plus d’autonomie des collaborateurs, prend du temps et nécessite un accompagnement particulier. Imposer de façon radicale ce nouveau modèle aura des conséquences désastreuses sur l’entreprise. Pendant cette période de transition, la sensibilisation du personnel doit s’effectuer pour qu’il s’approprie l’organisation.
4. Prévenir les conflits
Sans hiérarchie, impossible de faire appel au supérieur pour résoudre les conflits et trancher. Il faut donc mettre en place des mesures particulières pour d’une part prévenir les litiges et d’autre part les dénouer.
Une des mesure testée et approuvée par plusieurs structures, est la formation des employés à la communication non violente.
Dans son livre, Frédéric Laloux relate l’histoire du gong. Dans une unité de soins psychiatriques en Allemagne, à chaque début de réunion un membre doit « tenir le gong » et lorsqu’une intervention lui paraît déplacée, non constructive, relevant plus de l’ego du participant que d’une réelle contribution, il donne un léger coup de gong. Le silence s’installe alors jusqu’à la dernière note de vibration.
Aujourd’hui de plus en plus d’entreprises s’intéressent à la libération de leur structure. Qu’il s’agisse de jeunes PME ou de multinationales comme Michelin ou Danone, tous s’accordent pour dire qu’il n’y a pas de recette miracle pour réussir sa transition. C’est à chaque entreprise de concevoir son propre modèle de libération.
Pour aller plus loin :
– La conférence de Frédéric Laloux : https://www.youtube.com/watch?time_continue=1&v=NZKqPoQiaDE
– « Question de confiance » le film tourné par France 3 durant un an dans l’usine FAVI : https://www.youtube.com/watch?v=pBTdhwXpKOA&feature=youtu.be