Certains livres viennent nous chercher là où on ne s’y attend pas.
Le jour où j’ai quitté Bill Gates de Christophe Aulnette fait partie de ceux-là.
Parce qu’il raconte avec une sincérité rare ce qu’on évoque trop peu : la sortie du monde corporate, ce moment où l’on se retrouve face à soi-même sans logo sur la carte de visite.
Et comme il le dit si bien : “It’s not if, it’s when”, autrement dit “La question n’est pas de savoir si cela arrivera, mais quand.”
Nous serons nombreux à devoir nous réinventer après une carrière construite au sein d’une seule et même entreprise.
Et bien souvent, rien ni personne ne nous y prépare.

La vie d’un dirigeant, de l’autre côté
Le monde des dirigeants reste un univers méconnu pour la plupart d’entre nous. Christophe Aulnette nous en ouvre les portes en nous plongeant dans son histoire. Ancien patron de Microsoft France, il quitte volontairement l’un des postes les plus prestigieux et convoités de son secteur.
Les premières pages de son livre sont croustillantes : on y découvre l’envers du décor de ceux qui côtoient Bill Gates ou Steve Ballmer. Certaines anecdotes ont de quoi faire sourire !
Mais l’objet de son livre n’est pas de raconter un parcours hors du commun. Il vise à mettre en lumière ce qui suit : la vie après une carrière corporate.
Alors qu’il pense rebondir facilement, il découvre une autre réalité.
Le prestige de sa fonction passée ne suffit plus. Il vit alors un vide vertigineux, partagé par beaucoup mais rarement raconté, surtout à ce haut degré de responsabilité.
Le bon élève est au piquet avec le bonnet d’âne.
Ce témoignage brise le silence sur une réalité taboue : la non-préparation à l’autre monde, celui de l’autre côté du miroir hors du “cocon corporate”.
L’expérimentation
Christophe Aulnette évoque cette période de flottement où il tente tout : rendez-vous, entretiens, activation de son réseau avant de se poser une question centrale, celle du sens qu’il veut donner à la suite de sa vie.
C’est alors qu’il entame une réflexion sur son ikigai, ce concept japonais qui croise passions, compétences, utilité et revenu.
“Lorsque l’on exerce des responsabilités, que l’on est habitué à diriger, à prendre des décisions, à faire la démonstration à tout moment de son énergie, de sa volonté, l’idée de se faire aider en cas de difficultés ne vient pas spontanément. Dans son for intérieur, on pense que l’on est capable de gérer, de surmonter l’obstacle, de faire preuve de détermination. Recourir à une aide extérieure, c’est reconnaître que l’on est dans une impasse, et cette prise de conscience peut être douloureuse. C’est pourtant ce que j’ai décidé de faire en appelant à la rescousse une coach“
Retrouver du sens après le pouvoir.

Des reconversions possibles, mais pas toujours désirables
On plonge ensuite avec lui dans ses différentes explorations : consulting, engagement politique, business angel…
Fort de son expérience il liste les “pour” et les “contre” de chaque possibilité qui s’offre après une longue carrière en entreprise.
Mais il met en garde : chaque piste exige lucidité et humilité.
Non, devenir consultant n’est pas pour tout le monde. Pas plus que coach.
De nombreuses reconversions échouent faute d’anticipation.
Il pose ainsi une question essentielle : comment préparer au post-corporate ?
Car en pleine réussite, on manque souvent de curiosité sur l’extérieur, comme sur son propre avenir. On remet à plus tard la réflexion sur sa trajectoire, comme si elle n’allait jamais s’arrêter.
La question du post-corporate
La question du post-corporate ne concerne pas uniquement les cadres dirigeants.
Elle touche aussi toutes celles et ceux qui, au fil des années, se sont identifiés à leur fonction, à leur titre… ou à l’univers de leur entreprise.
Il est facile de s’enfermer dans une culture d’entreprise, avec sa novlangue, ses codes, ses rituels, jusqu’à évoluer dans un écosystème dont les règles ne s’appliquent qu’en interne, et qui façonne notre vision du monde professionnel.
Mais alors, que se passe-t-il quand on en sort ?
Quel impact sur notre employabilité, notre agilité, notre capacité à nous réinventer ailleurs ?
Un livre à lire et un sujet à aborder
Le livre « Le jour où j’ai quitté Bill Gates » est bien plus qu’un témoignage. C’est une ouverture sur la question de l’off-boarding et sur l’importance de préparer l’après.
Ce que Christophe Aulnette décrit avec tant de franchise, beaucoup le vivent en silence, sans cadre ni espace pour le verbaliser. Il met des mots sur ce moment charnière où l’on quitte son costume et où notre identité professionnelle vacille.
Il en parle désormais dans ses conférences, apportant une parole rare et précieuse dans les milieux professionnels, là où la vulnérabilité reste encore taboue, surtout chez les dirigeants.
Et au-delà du témoignage individuel, ce livre interroge aussi un enjeu collectif : celui de l’entreprise respirante.
Une entreprise qui ne retient pas, qui ne fige pas, qui est ouverte sur l’extérieur et prépare l’après autant que l’entrée.
Une entreprise qui intègre l’idée que les carrières sont vivantes, non linéaires, et que réfléchir au sujet du post-corporate est un acte de management conscient.
Un livre à lire, sans aucun doute.
Mais aussi un sujet à faire vivre pour redonner du pouvoir à celles et ceux qui, un jour, devront réapprendre à exister sans logo.
Le jour où j'ai quitté Bill Gates
de Christophe Aulnette
