Quand Chiara Lorenzato nous a contactés pour nous raconter son parcours, nous avons été sidérés par le manque d’ouverture à la jeunesse dont notre société continue de faire preuve. L’enjeu n’est évidemment pas d’opposer les jeunes aux « moins jeunes », simplement de sensibiliser au sujet. Il nous a semblé important de lui donner la parole.
Repreneuse de l’entreprise familiale, à 22 ans, elle frappe aux portes des clubs de dirigeants qui la recalent. « Trop jeune pour être capable de prendre des décisions stratégiques » : c’est ce qu’elle s’entend dire. Aujourd’hui elle crée un club qui s’adresse aux jeunes dirigeants. Rencontre.
Chiara, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Chiara Lorenzato, 22 ans – je suis en train de reprendre une entreprise familiale le Groupe Caramel et j’ai monté une association qui s’appelle LA SUITE et qui est là pour accompagner les jeunes dirigeants.
J’ai deux parents qui sont chefs d’entreprise et qui m’ont accompagné dans cette voie jusqu’à aujourd’hui. Je vis ma vie de jeune dirigeante.
Tu décides de reprendre très tôt l’entreprise familiale, peux-tu nous dire pourquoi ?
J’ai fait des études de communication, marketing et digitalisation, c’est un circuit qui m’a suivi jusqu’à mes études supérieures et puis après j’ai trouvé que les écoles ce n’était pas assez concret et donc j’ai eu besoin d’apprendre encore plus et encore plus vite. L’opportunité s’est présentée d’intégrer Caramel. C’était déjà un sujet, ça faisait déjà un moment que je voulais intégrer le Groupe et j’ai eu l’occasion de le faire quand j’ai eu 20 ans à la suite d’un stage. Ma vie a complètement changé parce que je ne rentrais pas dans les cases du circuit scolaire et aujourd’hui je rentre dans les cases de chez Caramel et ça me va très bien.
Au début de l’année, tu décides de frapper aux portes des clubs de dirigeants, pourquoi ?
Quand j’ai intégré Caramel au début je n’avais pas forcément de problématiques mais aujourd’hui je suis dans l’objectif de reprendre l’entreprise et c’est pour moi important d’avoir du soutien. Ayant deux parents chefs d’entreprise, c’était un peu le parcours classique de faire CJD puis APM. C’était le circuit que les jeunes dirigeants prenaient. J’ai donc voulu entrer au CJD et du haut de mes 22 ans ils m’ont dit que, non ça n’allait pas fonctionner parce qu’à 22 ans on ne peux pas prendre de décisions stratégiques au sein d’une entreprise. Donc j’ai décidé de créer mon club parce que encore une fois je ne rentrais pas dans les cases des autres.
J’ai toujours eu un peu cela en tête ! L’intention de créer une association pour aider les hauts potentiels intellectuels quand j’étais étudiante, puisque je le suis et ça ne s’est jamais fait, l’école n’a pas souhaité suivre l’idée. Encore une fois mon idée était d’aider les autres mais cette fois auprès des jeunes dirigeants.
Quelle réponse te fait-on et comment le prends-tu ?
La première chose que je me suis dit c’est je suis pas à la hauteur. Le message disait qu’à 22 ans on ne pouvait clairement pas prendre de décision stratégique ou en tout cas que l’on avait pas de poids dans une société en terme de stratégie ou de management. J’ai été déçue et j’ai mis longtemps à m’en remettre parce que forcément ça fait se poser des questions : est-ce qu’on est un bon dirigeant ? Est-ce qu’on va le devenir ? Est-ce qu’on sera un bon manager ? Et puis au final quand la couleuvre passe, on se dit que si, en fait on l’est, il faut juste se donner les moyens de trouver les solutions.
Tu décides de créer La Suite, peux-tu nous en parler ?
La Suite c’est un club de très jeunes dirigeants. L’objectif c’est de rencontrer et de faire du réseau avec des personnes qui peuvent être fondateurs, repreneurs, en poste de direction et qui ont entre 20 et 35 ans. L’idée c’est vraiment de répondre à des problématiques, trouver des solutions, faire du réseau, partager des expériences, apprendre des intervenants, apprendre des experts autour de problématiques qui nous sont communes parce qu’ en tant que dirigeants même si l’on est pas dans la même entreprise, que l’on ne soit pas dans le même secteur, on a fondamentalement toujours les mêmes sujets à travailler et les mêmes valeurs entrepreneuriales donc voilà La Suite.
La Suite c’est de se dire ok j’intègre un groupe, je me fais du réseau, je m’amuse aussi, parce qu’en tant que dirigeant il faut savoir aussi relâcher la pression en s’amusant un peu. Se dire les choses, être transparent, s’entraider, partager, s’encourager et se dire que malgré tout on est là tous s’ensemble !
Quel accueil as-tu reçu à l’annonce de ce nouveau réseau ?
C’EST GENIAL !! Tout le monde m’a dit de manière unanime c’est génial parce qu’en fait je suis un peu une version revisitée de tous les clubs qui existent – Du CJD, de l’APM, de GERME, d’ENTREPRENDRE. Aujourd’hui lorsque l’on intègre un club, il faut encore une fois entrer dans leurs cases, il faut travailler sur des sujets, c’est très scolaire. Moi je propose un tempo d’ une fois tous les deux mois, où on est là pour échanger, s’amuser, faire du réseau, sans contraintes. Juste là pour profiter, c’est que du plus. Profiter du réseau qu’on met en place, profiter des intervenants qui seront là, profiter du temps d’échange, prendre le temps.
Un message à faire passer à tous les lecteurs ?
Que vous ayez 18, 22, 28, 32 ou 35 ans, si vous avez une idée, un projet, une envie, il ne faut pas vous limiter, pour faire les choses dont vous avez envie. Personne n’a le droit de vous dire que vous êtes trop jeunes ou que vous n’avez pas assez d’expérience pour faire ce que vous avez envie de faire. Aujourd’hui on est dans un monde ou tout est possible, et c’est grâce à nous, à vous, que ça va avancer, bouger, changer donc il faut y aller, foncer.
A l’heure où les études sur la santé mentale des dirigeants sont alarmantes, il nous paraissait fondamental de mettre à l’honneur ce nouveau réseau. Le soutien social est un facteur de protection face à la solitude du dirigeant qui porte sur ses épaules de lourdes responsabilités ; et ce, qu’on ait 20 ou 60 ans. Fermer la porte des réseaux aux jeunes entrepreneurs sous prétexte que ‘trop jeunes’ ou ‘pas assez crédibles’ constitue un risque. La vulnérabilité nous concerne tous et nous avons tous à apprendre les uns des autres. Le témoignage de Chiara nous permet de mesurer le chemin qu’il reste à parcourir sur le sujet du lien intergénérationnel…