Le suicide de la directrice d’école Christine Renon, le 23 septembre dernier, épuisée par ses conditions de travail au sein de l’Education nationale, a relancé le débat sur la prise en charge des risques psychosociaux au travail.
La souffrance éthique apparaît lorsqu’on vit une absence de sens dans ce que l’on fait. Cette fatigue psychique est une des causes d’épuisement professionnel pouvant mener au burn-out. Elle entre en jeu quand on connaît la bonne action à faire mais qu’on ne peut pas agir en ce sens, pour des raisons institutionnelles ou organisationnelles. La souffrance éthique est un enjeu essentiel à traiter en entreprise, pourtant peu d’actions réellement concrètes et durables sont instaurées.
Dans une société où le bonheur au travail devient la norme, comment la détresse morale se manifeste-t-elle? Et quelles solutions sont aujourd’hui proposées ?
Un mal-être qui grandit dans toute l’Europe
Malgré les drames et la sur-médiatisation des sujets liés à la souffrance au travail, de plus en plus de personnes expérimentent ce mal-être psychique. Et dans un monde globalisé, la France n’est pas un cas isolé face à cette situation.
En Allemagne, pour Herbert Rebscher, Président de la caisse publique des employés (DAK), il y a de moins en moins d’arrêt maladie pour cause « de maux musculaires ou de ventre et de plus en plus pour causes de souffrance psychique ». Ainsi les coûts économiques des arrêts dus à des problèmes psychologiques ont plus que doublé ces 10 dernières années.
Même constat au Royaume-Uni où un rapport du National Health Service, l’équivalent de notre sécurité sociale, fait état de 31% d’arrêts maladies pour des problèmes de santé mentale.
L’écart entre la valeur affichée et la valeur vécue
La qualité du travail attendue est en grande partie dépendante de la fonction que l’on occupe. Ainsi elle n’est pas la même pour un salarié, un directeur ou un client. Pour remplir ses objectifs, le collaborateur doit faire l’impasse sur certaines tâches qui lui tiennent à cœur, accélérer la cadence ou bien utiliser des méthodes qui ne lui conviennent pas. C’est précisément le fait de gérer au quotidien les contradictions entre ses propres valeurs et ce qui est imposé par l’organisation qui génère la souffrance éthique au travail.
Il y a alors une déconnexion entre les valeurs affichées et les valeurs vécues, provoquant un mal-être croissant pour le salarié qui n’évolue pas dans un environnement satisfaisant.
Dans certains domaines, cette différence est flagrante. Le domaine du soin est souvent mis à mal. C’est par exemple le cas lorsqu’une infirmière ne peut plus prendre le temps d’écouter et de rassurer ses patients, pour des raisons organisationnelles ou financières.
Des solutions inspirantes existent
Dans le domaine des soins palliatifs, la démarche participative, obligatoire depuis 2004 mais malheureusement peu appliquée, propose un modèle efficace d’organisation. Elle associe outils de partage, espaces d’échange (formations, réunions de soutien aux équipes, pluridisciplinarité des équipes,…) à une démarche projet. Cette dernière consiste à mettre en place des groupes de travail pluri professionnels qui proposent des pistes de réflexion et des axes d’amélioration, soit sur des problématiques ponctuelles, soit dans une démarche globale.
Une fois ces propositions formulées par le groupe de travail, elles sont soumises à validation par l’ensemble de l’équipe.
Pour de nombreux lanceurs d’alerte, une des solutions passe par la révision du Code du Travail. Suite au jugement dans l’affaire d’harcèlement de masse chez France Télécom-Orange, de nombreux sociologues, écrivains, juristes, … lancent un appel intitulé « Après France Télécom : de nouveaux droits démocratiques pour la santé au travail et l’environnement ».
Celui-ci propose de modifier la définition juridique du harcèlement moral en intégrant des facteurs favorisant la dégradation des conditions de travail : la fixation d’objectifs excessifs ou irréalistes, un travail déqualifiant, la mise à l’écart des collectifs de travail, le fait d’aller contre l’éthique ou la déontologie professionnelle, etc.
A Poissy en Ile-de-France, une maison a été créée pour libérer la parole des salariés en souffrance. Cet espace spécialisé dans le traitement du burn-out, propose des thérapies de groupe et un suivi individuel par des psychologues. La consultation est à 50€ à la charge du patient, ce qui permet à l’association d’exister.