Chaque semaine, notre équipe reçoit des e-mails de lecteurs nous demandant des conseils au sujet de la reconversion. Il faut dire qu’entre perte de sens et questionnements, nous sommes nombreux à nous interroger sur notre parcours professionnel. « Par où commencer ? », « Comment être sûr.e de ne pas me laisser bercer par l’illusion de la reconversion ? » « Existe-t-il une méthode pour prendre une bonne décision ? ». Pour répondre à vos questions, notre équipe est partie à la rencontre des fondateurs de Primaveras, Asma Ghaffari et Laurent Polet. Dans une série d’articles, ils nous éclaireront sur le sujet. Rencontre.
Primaveras : une “école des choix” pour aider ceux qui réfléchissent à leur parcours professionnel
Asma et Laurent, vous avez fondé Primaveras, une « école des choix professionnels », pouvez-vous nous raconter votre parcours et pourquoi cette école ?
@Asma : Je suis docteur en Aide à la décision et enseignant-chercheur à CentraleSupélec. J’aime utiliser les outils de la recherche scientifique pour transformer les problématiques de décision complexes en modèles abordables par l’esprit humain.
Et ce qui m’a poussée à entreprendre et à créer Primaveras, c’était mon désir de laisser une plus grande place à ma passion : la pédagogie ! Grâce à elle, je me consacre aujourd’hui pleinement à un enjeu qui me touche beaucoup, celui de réveiller chez les diplômés la capacité de faire des choix justes et sans peurs.
@Laurent : Nous avons fondé Primaveras à une époque où on commençait tout juste à parler de sens dans sa vie professionnelle. C’était en 2013. La réalité fut pleine d’imprévus, mais notre idée de départ n’a pas changée. Elle était d’accompagner ces étapes de quête de sens avec une méthode pédagogique structurée qui permette de changer, mais surtout de gagner en liberté dans sa carrière.
Moi-même, je venais d’opérer une reconversion vers la formation, après vingt années en tant ingénieur manager. Et j’exerce aussi depuis le métier de professeur en management à Centrale Supélec, qui me permet de partager mes convictions auprès d’une génération fortement sensible aux enjeux humains dans le travail.
Primaveras repose sur une démarche scientifique : vous avez créé “un modèle de décision”. Asma, pouvez-vous nous expliquer en quoi la recherche peut nous éviter des erreurs de jugement et les mauvaises décisions ? (fausses bonnes idées, fausses intuitions…)
@Asma : Les périodes de changement sont souvent propices à l’expression de peurs, toutes légitimes, mais qui sont sources d’erreurs et de biais.
Paradoxalement, bien qu’on soit dans notre culture très attachés à la rationalité, ce sont souvent les peurs qui guident nos choix … même quand ils sont dans l’apparence rationnels !
L’état de l’art sur les pièges de la décision est aujourd’hui extrêmement riche. La méthode scientifique est l’outil par excellence pour savoir détecter les biais et conduire des raisonnements solides. La méthode Primaveras s’inspire complètement de cette méthode scientifique. Elle est conçue pour guider les décisions même quand le sujet est très subjectif comme celui de la quête de sens au travail.
Primaveras accompagne de nombreux salariés en questionnement. Quels sont, selon vous, les facteurs les plus fréquents d’un changement de carrière ? Existe-t-il un point de non-retour où le salarié n’a d’autre choix que de changer ?
@Laurent : Contrairement à ce qui peut souvent se dire sur le sujet, je fais le constat sans appel que les conditions de travail se détériorent, y compris pour les cadres.
La recherche à outrance de la performance fait partie des facteurs majeurs de désengagement des salariés. Ce qui a des conséquences directes sur les modalités et contextes de leur travail. Selon moi, c’est de là que viennent les envies « de tout plaquer ».
Faut-il pour autant passer à l’acte ? La réponse est oui quand la santé de la personne est en jeu. Vous évoquez fréquemment les burn-out dans vos publications pour illustrer ces situations. Mais, dans les autres cas, ma réponse n’est pas tranchée.
Changer n’est pas une solution automatique.
Ce qui devrait être automatique en revanche : la capacité des employeurs à savoir aider ces moments de questionnement. Les DRH et les managers doivent sortir du paradigme qui veut qu’un collaborateur qui se questionne va forcément partir !
De nombreux lecteurs nous demandent « comment trouver ma voie ? ». A-t-on tous une voie ? Existe-t-il une méthode pour savoir ce pour quoi on est réellement fait ?
@Asma : S’il n’y avait qu’une voie qui correspond à chacun, ça serait une très mauvaise nouvelle ! Car cela voudrait dire qu’il n’y a qu’une chance sur des milliers pour connaître le plaisir de travailler. C’est forcément angoissant de penser ainsi. Donc non, il n’y a pas une voie mais plusieurs ! Et c’est selon moi un vrai message d’optimisme Catherine !
Il existe en fait des réalités possibles qui sont à construire.
Pour construire une réalité possible, il n’existe pas une méthode au sens d’une recette à appliquer, ça non. En revanche, il y a toujours le même point de départ, soi, revenir à soi, « ce qu’on veut vraiment ». Ensuite, il faut en effet de la méthode, pour mettre de l’ordre dans le foisonnement des désirs, pour confronter les peurs, pour définir des stratégies de mise en œuvre de ses projets.
Chez Primaveras, nous avons développé notre méthode pour permettre aux envies de devenir des réalités solides émancipées des peurs. Notre méthode n’est peut-être pas unique, en revanche elle a prouvé une efficacité redoutable pour transformer rapidement son brouillard en un nouvel équilibre positif au travail, reconversion ou pas !
La société semble de plus en plus valoriser l’entrepreneuriat et le changement en général. Pensez-vous qu’on risque de tomber dans un fantasme du changement ?
@Laurent : Vous avez raison Catherine ! Nous baignons aujourd’hui dans une mode qui valorise tout ce qui a trait à la reconversion professionnelle ou à l’entrepreneuriat.
Les sondages sur les envies de changer de métier nous laisseraient même penser que des dizaines de millions de salariés français quitteront bientôt leur job ! J’appelle régulièrement au discernement quand ces messages simplificateurs sont dangereux. Car mon opinion est la suivante : le changement n’est pas une fin en soi. Les prospectives qui nous prédisent des transitions multiples sont à prendre à précaution. Dans la réalité, si le changement radical devient aujourd’hui davantage possible, il ne doit nullement s’imposer comme une nouvelle norme.
On pourra demain encore faire une belle carrière sans changer d’entreprise et en évoluant linéairement.
Tout est question de choix personnel assumé et réfléchi plus que de ruptures permanentes qui seraient applicables à tous.
Merci pour toutes ces réponses. Dans un prochain article, nous évoquerons les fausses croyances à propos de la reconversion.
Vous vous questionnez sur un changement dans votre parcours ?
Rendez-vous sur le site de Primaveras pour faire le test : êtes-vous prêt au changement ?
À propos de Primaveras
Primaveras est une école spécialisée depuis 2013 dans la quête de sens au travail. Fondée par 2 professeurs de Grande École, elle propose une pédagogie et une méthode d’aide au choix, inspirée de la démarche scientifique, pour apprendre à changer sa vie professionnelle. Quel que soit le projet, reconversion ou pas, les programmes de Primaveras développent la capacité à reprendre le contrôle sur sa carrière.