Pascal, peux tu te présenter en quelques mots ?
J’ai 42 ans et je suis papa de jumeaux de 5 ans et demi. J’ai commencé mon parcours professionnel au sein d’un grand Cabinet d’avocats d’affaire, en tant que responsable communication, bras droit du directeur régional, puis directeur national de l’activité de formation avec une équipe de près de 50 personnes.
Puis, quelques mois avant la naissance de mes jumeaux, j’ai choisi de devenir indépendant. Je suis aujourd’hui slasheur (avec plusieurs activités). Je suis expert en paternité, parentalité et équilibre de vie, via mon blog www.histoiresdepapas.com et mes prises de paroles dans les médias. Je suis conférencier en entreprise sur ces sujets, et j’ai créé une formation en ligne dédiée à la paternité. Enfin, j’ai une activité de consultant en communication et d’intervenant en Ecoles Supérieures.
Tu interviens aujourd’hui dans les entreprises pour évoquer le sujet de la paternité, peux-tu nous dire pourquoi ?
J’ai plusieurs sujets qui sont importants pour moi (et je pense, pour la société dans sa globalité) et que j’ai envie de défendre. Et l’égalité Femme / Homme et la place de la paternité et de la parentalité en entreprise sont à mon sens fondamentaux. Ils sont une brique essentielle pour redessiner un monde plus juste. Un monde où chacune et chacun peut trouver sa juste place, rayonner, être plus épanoui et donc plus performant dans son job.
Et changer le regard de la société sur la paternité est un excellent moyen d’impacter sur l’égalité Femme / Homme, durablement et en douceur.
Je suis convaincu que nous pouvons toutes et tous être des actrices et acteurs du changement. Et les entreprises ont un grand rôle à jouer sur le sujet de la paternité. Car, finalement, nous touchons là à un grand changement culturel (lié, entre autres, à la culture patriarcale, à une définition datée de ce qu’est la virilité et la masculinité, à la croyance surannée -mais encore ancrée- que la parentalité est surtout une affaire de maman, .)… N’oublions pas que 89% des salariés sont parents ! Pourtant, encore aujourd’hui, parler de paternité en entreprise ne fait pas partie des codes. Les papas ont envie de vivre pleinement leur paternité et ne se l’autorisent pas toujours. Il existe une forte auto-censure, une peur du jugement, … Dire que l’on souhaite quitter son job à 17h pour aller chercher son enfant à la crèche ou à l’école, c’est souvent s’ouvrir à des jugements. Les entreprises doivent oser changer sur cette culture managériale.
D’ailleurs, je pense qu’elles n’en n’ont pas vraiment le choix… Un des enjeux majeur aujourd’hui des entreprises est de réussir à attirer et fidéliser les talents. Hors, de nombreux trentenaires ou quadras quittent les entreprises pour justement mieux vivre un équilibre de vie, dont la paternité fait grandement partie.
Et c’est encore plus fort dans la jeune génération ! Chaque année, j’interviens auprès d’étudiants. J’en vois entre 500 et 800. Et je les questionne toujours sur leur vision de l’entreprise. La question de la parentalité en entreprise et de l’équilibre vie pro/vie perso n’est pas un besoin. C’est un fait. Quasiment non négociable.
Les entreprises ont la nécessité de l’intégrer dans leur politique RH et managériale et ont besoin de s’adapter pour attirer et fidéliser les talents.
Quels constats fais -tu dans le monde dans l’entreprise au niveau des inégalités entre structures ? Lesquelles sont le plus en avance ?
Le monde de l’entreprise est très vaste et polyforme. Les moyens et l’agilité ne sont pas les mêmes. Pourtant, les envies et besoins des collaborateurs, eux, sont les mêmes ! Il existe de grands groupes français et internationaux qui sont à la pointe. Ils proposent des politiques de parentalité intéressantes et des incitations à la prise du congé paternité (indemnisation à 100%, durée plus longue que la durée légale, …).
Les Start Up sont aussi très mobilisées sur le sujet. Leurs équipes ont souvent une moyenne d’âge plutôt jeune et elles vivent une grande tension en recrutement des talents. Intégrer la paternité et la parentalité est un axe fort dans leur marque employeur.
Enfin, n’oublions pas les ETI et les PME, qui sont le cœur de l’activité économique française. Ces entreprises n’ont pas toujours les mêmes moyens ou la même flexibilité au sein des équipes. Elles ont encore un peu de difficultés à se saisir de ces sujets. Pour autant, les besoins de leurs équipes sont les mêmes. Et des solutions existent. Un congé paternité n’est pas une maladie qui arrive d’un seul coup. Il s’anticipe. En se mettant en posture de co-responsabilité, les entreprises et les collaborateurs peuvent anticiper, recruter un CDD, opérer à un transfert de compétences en interne sur le mois de congé paternité, …
Vois-tu une évolution du sujet ?
Clairement oui !! Quand on est dans le sujet, on a toujours l’impression que cela ne va pas assez vite. Mais prenons un peu de hauteur : c’est un sujet relativement récent en entreprise. Il est nécessaire d’acculturer les organisations sur les enjeux, les besoins, les solutions. De dédramatiser aussi car encore une fois, des solutions peu couteuses et accessibles existent.
Il y a peu, j’intervenais en conférence dans une entreprise du BTP, composée à 83% d’hommes. Ma conférence portait sur le congé paternité comme levier d’égalité Femme / Homme. Qu’une entreprise très masculinisée se saisisse de ce sujet en dit long sur l’évolution culturelle ! C’est une lame de fond que les entreprises ne peuvent éviter.
Enfin, pour témoigner de l’évolution sociétale sur le sujet, je constate qu’il n’y a pas uniquement les entreprises qui se saisissent de ce sujet de la paternité. Des collectivités ou des professionnels de santé (CHU, association de sages femmes, …) me sollicitent aussi pour intervenir. Et c’est aussi ce qui est enthousiasmant dans ce mouvement : tout le monde est concerné et chacun peut apporter sa contribution !
Tu as interviewé des dizaines de papas via ton blog, quels sont les impacts les plus fréquents sur la vie professionnelle des hommes ?
Comme je l’indiquais plus haut, j’ai interviewé beaucoup de papas qui quittent l’entreprise (alors même qu’ils occupent parfois des postes à hautes responsabilités) pour devenir indépendant ou monter leurs boites.
Lors de mes conférences, j’ai des hommes qui me parlent de leur désengagement au travail, voire d’une certaine souffrance. Ils se sentent tirailler entre leur envie de mener à bien leurs missions professionnelles et leur envie de vivre pleinement leur vie de papa. Et ils ont du mal à mettre en place des ajustements leur permettant de concilier les deux. Car ils ne se sentent pas en confiance pour en parler ouvertement à leur manager ou à leur RH.
Enfin, je vois certains hommes qui osent ! Je pense à Gabriel, ingénieur, qui a imposé un congé parental de 5 mois à son entreprise. Avant de partir en congé parental, il voulait devenir manager mais son entreprise lui répondait qu’il n’en avait pas les compétences. Quelques semaines après son retour de congé parental, il est reçu par sa direction qui lui propose… de devenir manager !! Ils avaient observé comment il avait évolué durant son congé parental. En vivant pleinement sa vie de papa, il avait développé de nouvelles compétences comme l’empathie, l’organisation, la créativité, la patience… Toutes ces softs skills ont explosé durant le congé parental de Gabriel et sont précieuses et nécessaires en entreprise ! Un bel exemple qui montre qu’intégrer la paternité en entreprise est source d’épanouissement pour le collaborateur… et de performance pour l’entreprise !
À propos de Pascal
Après une carrière au sein d’un cabinet d’avocats, à l’approche de l’arrivée de ses jumeaux, Pascal Van Hoorne décide de s’intéresser au sujet de la parentalité. Très vite, il découvre que le sujet est souvent porté par des mères et peu par des pères… Il décide alors de fonder un blog et de partir à la rencontre de papas. Il sensibilise aujourd’hui au rôle du père mais aussi à l’égalité hommes-femmes.