Absence d’ordre du jour, manque de préparation ou discussions qui n’en finissent plus, nous avons tous connu des réunions inefficaces qui nous ont fait perdre notre remps. C’est suite à la pire réunion de sa vie, qu’Antoine Durand imagine la plateforme roti.express qui permet une prise de feedback rapide et facile en vue d’identifier des axes d’amélioration.
Pour lui, le feedback en entreprise est « un catalyseur de progrès ». Il nous explique pour quelles raisons et comment instaurer une culture du feedback en entreprise.
Comment vous êtes-vous intéressé à la culture du feedback ?
En 2017 à la Défense, j’ai participé à une réunion de lancement d’un important projet de transformation. C’était la pire réunion de ma vie ! Nous étions 14 personnes en physique et en remote ce jour là, certains sont arrivés en retard, aucun ordre du jour, des sujets traités qui n’avaient rien à voir, un participant s’est même permis de répondre à son téléphone !
J’étais réellement désemparé. D’autant plus que cette réunion allait se reproduire toutes les semaines.
J’ai donc cherché une idée pour court-circuiter ce scénario catastrophe. J’ai voulu faire un tour de table en fin de réunion pour savoir ce que chacun en avait pensé et ce que l’on pourrait faire mieux. Mais je n’ai pas pu le faire car nous étions en retard. Par la suite, je n’ai rien trouvé de satisfaisant sur le marché, et c’est ainsi que j’ai commencé à imaginer la solution qui deviendra roti.express.
Qu’est-ce qu’apporte la plateforme roti.express aux entreprises ?
Ce produit était au début un side-project. Après l’avoir mis entre les mains de managers, de coachs, de personnes qui m’ont fait des retours, j’ai passé 6 mois à le parfaire. Fin 2017, nous avons été accepté dans le programme d’incubation de la Station F. Pendant 1 an, nous avons travaillé sur cette solution, jusqu’à son lancement en janvier 2018.
Nous avons choisi de digitaliser une approche AGILE : le R.O.T.I. « Return On Time Invested », qui consiste à faire un tour de table en fin de réunion où chacun va avoir l’opportunité de donner son évaluation quant à la valeur du temps investi. Par exemple, « je mets 3/5 car nous avons commencé en retard. C’était très sympa de se retrouver mais je pense qu’il manquait les bonnes personnes dans la pièce pour décider donc au final la réunion n’était pas très efficace. »
Nous avons crée une déclinaison digitale à l’identique du ROTI que les Agilistes utilisent depuis une quinzaine d’années.
Nous avons également développé ce service pour l’événementiel. En fin de conférence ou d’événement, l’animateur projette un QR code géant sur écran, les personnes dans la salle le flashent et accèdent directement à la prise de feedback. Ils peuvent alors laisser une évaluation de 1 à 5 étoiles et un commentaire pour donner leur ressenti.
Pourquoi selon-vous la culture du feedback en entreprise est si importante ?
Cela crée de la valeur. Christine Frémiot a donné une définition qui me plait beaucoup, le feedback signifie « nourrir en retour », il s’agit bien d’un retour d’informations.
C’est ce qui va se passer dans la tête des personnes après avoir assisté à une réunion, visionné un film, suivi une conférence, …. Souvent cela reste dans leur tête, ce qui est dommage. En entreprise, on parle de « Meeting Recovery Syndrome » pour qualifier le temps passé à la machine à café à critiquer ce que l’on vient de vivre en réunion, avant de se sentir mieux et pouvoir retourner travailler correctement.
Le fait de déclencher une prise de feedback en fin de réunion est libérateur ! S’intéresser aux ressentis des collaborateurs et leur demander des axes d’amélioration est très puissant. Cela donne du sens à leur présence dans l’entreprise et crée un espace de parole très intéressant.
Pour vous, comment bien réussir une réunion ?
Je vais citer un ami, Louis Vareille qui consacre son énergie à cette discipline qu’il a nommé Réuniologie, « Pour une bonne réunion il y a trois secrets : commencer par la fin, tout le monde joue, faire mieux demain ». La prise de feedback est un élément clé du 3e secret « Faire mieux demain ».
Il faut commencer par une inclusion. La prise de feedback en fin de réunion est un mécanisme de déclusion. Le meilleur moment pour le faire c’est à chaud, c’est-à-dire dans les 5 dernières minutes. Il faut créer cette déclusion pour éviter le syndrome de la machine à café.
Le feedback est un exercice constructif qui sert à grandir, à faire progresser un collectif. Il ne s’agit pas de critiquer pour critiquer, au contraire cela peut être simplement un remerciement ou des félicitations. En ce sens, le feedback est un catalyseur de progrès.
Quels sont vos conseils pour instaurer plus de feedback en entreprise ?
Il faut respecter une certaine méthodologie :
- La 1ère étape consiste à fixer l’ambition, l’objectif.
- La 2nd étape consiste à apprendre à faire sa demande. Ce n’est jamais très habile de donner son feedback à quelqu’un qui ne l’a pas demandé.
- En 3e, il faut s’interroger sur comment est-ce que je vais donner un feedback objectif et surtout constructif.
- Enfin le 4e et dernier point, c’est le fait de recevoir du feedback avec objectivité. Il faut être ouvert et ne pas prendre les retours de façon personnelle.
Quels sont les écueils à éviter ?
Cela doit être porté assez haut dans l’entreprise. Le manager doit expliquer ce qu’est un feedback, pourquoi on le va faire et à quoi ça sert.
Je pense à un exemple, une entreprise a essayé d’imposer en force le fait de faire du feedback à travers notre outil, sans l’expliciter en amont. A partir de là, roti.express qui est à la base fait pour récolter des critiques constructives, est devenu un véritable champ de bataille, et cela ne faisait qu’empirer la situation.
L’outil est donc indissociable de la méthode. Il y a tout un mindset à développer chez les personnes. Le collectif doit être préparé et accompagné.
De notre côté, fort de cette expérience, nous nous sommes entourés d’experts en Réuniologie.
Quels sont les effets du feedback en entreprise : performance, engagement des collaborateurs, … ?
L’augmentation de la performance est assez difficile à mesurer. Via la plateforme, nous pouvons voir des signes de progrès dans le temps. Une entreprise avec laquelle nous travaillons par exemple, a comptabilisé plus de 300 000 heures de réunions par an. Le coût estimé d’une personne en réunion est de 50€ de l’heure. La réunion dans l’entreprise coute donc 15 millions par an ! Ils se sont fixés comme objectif en 2019 de diviser par 2 le temps passé en réunion, soit une économie de 7,5 millions. Nous les accompagnons et suivons leur cas de très près.
Un autre aspect très important pour moi est le réengagement des salariés grâce à la notion de plaisir. De nombreuses personnes passent beaucoup de temps en réunion, sont complètement désengagées et finissent par partir de leur entreprise. Je pense qu’en faisant progresser les pratiques autour de la réunion et le collectif, on arrivera à engager les personnes et à donner plus de sens à leurs activités.
A partir du moment où l’on commence à s’améliorer, on prend du plaisir. Les gens sont heureux en entreprise car ils ont le sentiment de progresser.
Avez-vous une citation, un livre ou un film qui vous inspire ?
La citation « A fool with a tool is still a fool » de Grady Booch ou en français « Un idot avec un outil reste un idiot », c’est du vécu les applications sont une bonne chose mais ne font pas de miracle !
Je dirais le livre « Les 4 accords Toltèques » de Don Miguel Ruiz et « The Lean Startup » d’Eric Ries.