Vous vous êtes peut-être déjà questionné : faut-il déployer des programmes dédiés aux femmes dans les entreprises ou est-ce stigmatisant ?
Femmes, jeunes, séniors : le débat est vif en France, opposant les entreprises qui optent pour la mise en place de programmes dédiés et celles qui s’y refusent. Pour éclaircir cette question, nous nous sommes entretenus avec Sophie Cohendet, Vice Présidente de Chance Entreprises. Elle partage avec nous les stratégies adoptées par les entreprises en matière de diversité et d’inclusion.
Rendez-vous le 23 avril à 11h30 pour un webinar autour de ce sujet
Diversité & Inclusoin : deux approches
Sophie, avec Chance vous travaillez avec de nombreuses entreprises pour accompagner les salariés dans les moments clés de leur vie professionnelle.
Pourrais-tu nous éclairer sur les deux postures des entreprises en matière d’accompagnement de leurs collaborateurs ?
Deux philosophies parcourent aujourd’hui les entreprises avec lesquelles nous travaillons. En substance, on peut distinguer :
L'approche collective
Ces entreprises considèrent qu’il existe des groupes de collaborateurs présentant des besoins spécifiques (femmes, seniors, jeunes…).
Ces populations sont reconnues et peuvent être soutenues par des programmes ciblés afin d’envoyer un signal fort d’une part à ce groupe de personnes, d’autre part au reste de l’organisation.
Pour ces entreprises, c’est justement le fait de les reconnaître comme un groupe à part entière qui permet d’aider cette population à prendre sa place dans l’entreprise.
L'approche universaliste
Cette approche s’inscrit dans une logique différente, ces entreprises estiment avoir affaire avant tout à des individus présentant des singularités.
Elles considèrent, par exemple, qu’une femme de 35 ans peut avoir les mêmes besoins en accompagnement RH qu’un homme de 55 ans à un moment donné de sa carrière.
Elles craignent les “étiquettes” (femmes, seniors, jeunes…) et sont inconfortables avec les programmes ciblés qu’elles considèrent comme stigmatisants.
Ces entreprises optent généralement pour des approches “universalistes” en proposant des programmes ouverts à tous, activés au gré des besoins de chacun.e.
Dans la pratique, ces approches ne sont pas opposées. Il est courant de voir les entreprises intégrer des éléments des deux approches dans leur stratégie RH.
Tu m’as dit lors de notre entretien “Chance est profondément ancré dans la logique “universaliste”” et pourtant vous faites des programmes femmes en entreprise. Pourrais-tu m’expliquer ce paradoxe ?
Là encore, si je simplifie à outrance : Chance accompagne des individus dans des moments clés de leur vie professionnelle afin qu’ils se connaissent mieux, cernent ce qui fait sens pour eux professionnellement et soient in fine en capacité d’écrire leur trajectoire de carrière.
Nous nous intéressons à la maille individuelle, à ce qui fait sens professionnellement pour chacun.e, indépendamment du fait que nous ayons en face de nous une femme ou un homme.
Le sens individuel au travail peut être alors vu comme une composante de l’identité de la personne.
Quand des entreprises nous commandent des programmes spécifiques pour les femmes, nous accompagnons ces collaboratrices avant tout comme des individus, et nos programmes ne différent pas, dans l’approche pédagogique, de ceux que nous pourrions proposer à des hommes.
Les entreprises souhaitent cependant réserver ce programme à certaines collaboratrices car elles savent que ces femmes ont plus barrières internes et externes que leurs homologues masculins dans leur progression dans l’entreprise.
Tout dépend de ce qu’on met derrière le mot sens, non ?
Effectivement. La perception du « sens au travail » varie grandement selon l’interprétation de chacun.e.
C’est pour cette raison que nous avons travaillé sur ce point et défini un modèle à 4 dimensions pour permettre à chacun(e) de définir ce qui fait sens pour lui ou elle. Ce modèle s’appelle le FEMI :
F- Finalité : quelle utilité et quel impact souhaitez-vous avoir ?
E- Environnement : dans quel cadre avez-vous besoin de travailler pour vous sentir bien ?
M- Métier : que souhaitez-vous faire au quotidien ?
I- Impératifs : quelles conditions matérielles attendez-vous de votre travail ?
Ce modèle est universaliste et s’adresse à tous sans question de genre. Plus de 20 000 accompagnements et 500 000 heures de conversation de carrière depuis 2015, nous ont permis de nous forger cette conviction par le terrain.
Diversité & inclusion : se mettre des barrières
On dit souvent que les femmes se mettent plus de barrières, comment travailler sur ce point ?
Tout individu a des croyances limitantes, qui peuvent le freiner dans sa vie professionnelle.
Dans ce cadre, les femmes peuvent avoir des croyances (parmi d’autres) liées au fait d’être une femme. Ces croyances limitantes s’expriment alors sous la forme suivante “En tant que femme dans l’entreprise, je dois….”,. Elles sont autant d’auto-censures, fruits d’un conditionnement.
Dans une étude que nous avons conduite auprès de 1000 salariés français en 2022, nous avons par exemple observé que :
80% des femmes sondées déclaraient qu’être une femme était un frein pour se lancer dans une réorientation professionnelle !
Il s’agit là d’une croyance très forte. Elle est d’ailleurs aussi partagée par les hommes que nous avons interrogés à cette occasion.
Les femmes y déclaraient également plus fréquemment avoir un “syndrome de l’imposteur” que leurs homologues masculins. Ce sont typiquement ces croyances que nous tentons de faire évoluer avec nos accompagnements, qu’ils visent les femmes ou les hommes.
Au-delà de ces barrières “internes” qui entravent les parcours féminins, nous essayons aussi de faire tomber des barrières “externes” comme l’accès au réseau professionnel pour faciliter la progression professionnelle.
Pour faire sauter ces barrières, il est important de sensibiliser tout le monde et pas seulement les femmes !
DIVERSITé et inclusion : quelle évolution ?
Vois-tu une évolution dans les demandes des entreprises quant au programme “Femmes” ?
Faire bénéficier des femmes cadres de programmes dédiés est devenu presque que monnaie courante. Aujourd’hui, nous observons cependant une évolution des demandes.
Des entreprises qui souhaitent prendre le problème de la féminisation de postes d’encadrement à la racine commencent à proposer ces accompagnements à des femmes plus bas dans la hiérarchie.
Cette dynamique est particulièrement marquée chez nos clients du secteur retail. Ces entreprises ont compris qu’elles avaient tout intérêt à les soigner et à les fidéliser pour nourrir leur vivier de talents sur les niveaux hiérarchiques supérieurs dans un contexte où les tensions de recrutement sont fortes.
De fait, le coaching se démocratise auprès de ces populations.
En conclusion
Merci à Sophie et à Chance pour leurs retours sur ce sujet épineux ! Les débats sont vifs sur cette question et la réponse n’est pas univoque. Nous attendons vos commentaires sur nos réseaux sociaux pour connaître vos regards sur ce sujet.
Evidemment, l’idéal serait de ne pas avoir besoin de programmes « spécial femmes » mais ils s’avèrent souvent nécessaires face à l’importance des barrières à abattre.
Choisir un prisme universaliste qui se focalise sur la personne plus que sur le genre même s’il s’agit d’une population spécifique semble une juste posture.
Rappelons qu’au delà des débats, ces programmes sont avant tout un pied dans la porte pour accompagner individuellement les collaboratrices et collaborateurs à chaque moments clés de leur carrière. Dans les faits, de nombreuses entreprises ayant débuté par des programmes « spécial femmes » les élargissent aux hommes l’année suivante. ..
Webinar gratuit le 23 avril 2024 à 11h30.
Le sujet vous intéresse ? Nous en parlerons ensemble le 23 avril de 11h30 à 12h15 lors d’un webinar gratuit !
Nous aborderons en live ce point et bien d’autres avec Sophie Cohendet 🔗et Sébastien Lecat 🔗, DRH chez Kingfisher.
Ils partageront leur retour d’expérience concernant la mise en place d’un programme visant à soutenir la féminisation des équipes d’encadrement au sein de Castorama et Brico Dépôt.
Au programme :
- Identifier les obstacles concrets entravant la féminisation des postes d’encadrement
- Analyser les bonnes pratiques et solutions pragmatiques pour faciliter l’accès des femmes à des rôles d’encadrement d’équipe
- Comprendre comment l’accompagnement Chance a fait émerger les talents féminins chez Castorama et Brico Dépôt sans les stigmatiser mais en encourageant une culture “humaniste” qui valorise chacun et chacune.