Vous aussi, vous souffrez quand le mercure chante à tue-tête. Vous aussi, vous suez à grosses gouttes quand vous apprenez que ces événements épisodiques vont devenir récurrents. Face à la surchauffe, le ventilateur ne suffit plus, la climatisation semble bien plus séduisante… mais n’accentue-t-elle pas le réchauffement climatique ? Alors comment faire face à la canicule, pour se montrer résilient, et en même temps se prémunir des effets d’une température suffocante ? Bonne nouvelle, des solutions pérennes existent !
Il y a urgence. Selon des projections réalisées par Météo France, les vagues de chaleur devraient être deux fois plus fréquentes d’ici 2050. Elles seront plus sévères, plus longues, frapperont sur une période plus étendue dans l’année et sur une plus grande partie du territoire. N’en jetez plus…
Surtout que la population vieillit. La canicule record de 2003 a tragiquement montré que les personnes âgées, urbaines et isolées, étaient particulièrement à risque. Mais les jeunes en sont aussi les premières victimes. La décision de reporter le brevet des collèges par exemple est, au-delà de la polémique, révélatrice de l’inadéquation de nombreux établissements scolaires, comme de la plupart des bâtiments mal isolés, construits avant la première réglementation thermique de 1974. C’est un enjeu de santé publique, qui touche encore plus les populations les plus vulnérables.
Les défauts structurels de la climatisation
La première des solutions qui vient naturellement à l’esprit est la climatisation. Aujourd’hui, entre les « pour » et les « contre », on est un peu sur une « guerre des tranchées ». Il y a des projets qui fonctionnent, mais il y a des contre-références significatives aussi :
- Des bâtiments publics dans le sud de la France où l’architecte a milité pour du « sans clim » mais où le résultat est parfois catastrophique
- De nombreux bâtiments de bureaux climatisés, alors que c’est souvent inutile, ce qui constitue un gaspillage phénoménal.
Car la climatisation présente plusieurs problèmes structurels : elle consomme beaucoup, rejette la chaleur à l’extérieur et réchauffe ainsi les villes, et les fluides frigorigènes, certes ne détruisent plus la couche d’ozone, mais ont un potentiel de réchauffement climatique (PRG / GWP) élevé. Enfin, pour les systèmes de climatisation les plus performants qui n’utilisent pas de fluides frigorigènes, comme les groupes à absorption ou à adsorption, il y a un vrai manque de savoir-faire quant à leur maintenance. C’est pourquoi ils ne sont au final pas mis en place.
Alors, comment répondre à la fois aux problèmes de surchauffe et aux enjeux environnementaux ?
Il faut déjà commencer par y réfléchir en dehors de ces situations extrêmes. Car la question du réchauffement des villes et du bâti dans nos milieux urbanisés n’est pas valable seulement en situation de canicule. Il faut y penser en amont, avec des leviers d’action dès la phase de conception des bâtiments ou d’aménagement de l’espace urbain.
L’importance des simulations de confort
Il est tout d’abord crucial d’accorder une attention particulière aux simulations de confort. Après une analyse en amont qui interroge la situation du projet (ville, plaine, orientation du vent, exposition), il s’agira de mettre à l’épreuve les solutions proposées :
- Peut-on faire de la ventilation naturelle alors qu’il y a des contraintes acoustiques ?
- La solution proposée fonctionnera-t-elle en 2050 ?
- Si on change d’usage, avec deux fois plus de monde dans l’immeuble, ou si on remplace les bureaux par les salles de réunions, est-ce que ça marche toujours ?
Faire une simulation de confort c’est déjà commencer par répondre à ces trois questions. S’il y a de l’air conditionné dans le bâtiment, il est essentiel de vérifier les conditions de confort sur l’année, en fonction de la météo, de la régulation, de l’habillement. Si le bâtiment est ventilé naturellement, il faudra regarder le comportement de chaque pièce, son évolution en température afin d’identifier le nombre d’heures dans l’année où la température est excessive. L’étude doit être poussée, et pour cause, puisque le bâtiment doit être confortable pendant plusieurs décennies !
Le diagnostic obtenu grâce à ces différentes interrogations permettra de trouver une solution équilibrée entre l’impact carbone d’un bâtiment (consommation énergétique, énergie grise et émission de GES liées aux équipements) et son impact sanitaire.
Architecture bioclimatique et confort d’été
Les choix architecturaux vont parfois à l’encontre de ces solutions. Trop souvent, les bâtiments de bureaux sont en murs-rideaux, avec de grandes surfaces vitrées quelle que soit l’orientation. Résultat : on obtient des façades sud qui ont besoin de climatisation en plein hiver alors que les façades nord montent la consigne de chauffage pour lutter contre l’effet de paroi froide. Cela donne un bâtiment dans lequel la clim lutte une partie de l’année contre le chauffage… avec des surconsommations énormes à la clé, et pose des problèmes de gestion du confort d’été.
Autre exemple de geste architectural qui pose problème : les surfaces vitrées qui sont de plus en plus importantes vers les étages supérieurs. On obtient des locaux avec des vues époustouflantes mais dans lesquels il est parfois impossible techniquement de garantir le confort d’été. L’architecture bioclimatique préconise le contraire : il faut ouvrir en bas et fermer en haut. Si ces choix architecturaux ne peuvent être évités, alors ils doivent être compensés par des protections solaires sérieuses : casquettes, pergolas, brise-soleils extérieurs.
Déphasage thermique, création d’un déplacement d’air pour évacuer le plus rapidement possible les calories présentes dans un espace, ou bien isolation de la toiture avec une couleur qui réfléchit la lumière sont autant de pistes envisageables.
Solutions passives : penser inertie
En terme de conception passive, le plus difficile est de lier les conforts d’été et d’hiver. On observe par exemple que certains bâtiments passifs ne sont pas adaptés pour le confort d’été. Une bonne analyse du fichier météo est primordiale et l’utilisation des algorithmes génétiques est un allié de taille pour étudier les solutions les plus pertinentes.
Pour limiter l’impact de la canicule sur l’ambiance intérieure, rien ne vaut l’inertie thermique. Pour avoir une bonne inertie, il faut mettre la structure à l’intérieur de l’enveloppe thermique, dans le cadre d’une ITE (Isolation Thermique par l’Extérieur). L’inertie peut être obtenue par l’emploi du béton, mais aussi de matériaux moins émetteurs de GES (Gaz à Effet de Serre) comme la terre (crue ou cuite).
Si l’ITI (Isolation Thermique par l’Intérieur, la structure est à l’extérieur de l’enveloppe thermique) est inévitable pour des raisons architecturales ou économiques, ou pour un projet en isolation répartie, les isolants biosourcés (fibre de bois ou la laine de bois) sont alors une solution, pour leur capacité à gérer l’humidité (paramètre de confort important en cas de grosses chaleurs) et leur forte inertie (capacité calorifique). À isolation égale, une laine de bois stocke plus de chaleur qu’une laine de verre et donc participe à l’inertie du bâtiment. C’est particulièrement efficace pour traiter des situations difficiles comme l’isolation de combles dans le cas des réhabilitations par exemple.
Aménagement urbain : lutte contre l’effet d’îlot de chaleur.
À l’échelle de l’aménagement de l’espace urbain cette fois, une récente interview du Monde nous montre aussi que des solutions sont possibles à partir du moment où l’on intègre ces questions dès la phase de conception. Dans de nombreuses villes ou quartiers, les effets d’îlots de chaleur ont été renforcés par l’utilisation massive du béton et des formes inadaptées tant dans le dessin des rues que des bâtiments. Ailleurs, c’est la circulation automobile et sa pollution inhérente qui accentuent la vindicte du thermomètre, et qui pose donc la question même de la place accordée à l’automobile.
Pour la chercheuse Marjorie Musy, directrice de recherche au Centre d’études et d’expertise sur les risques, l’environnement, la mobilité et l’aménagement, interrogée par Le Monde, « planter des arbres est la solution la plus intéressante pour éviter la montée des températures », mais c’est loin d’être la seule : arrosage des rues, blanchiment des surfaces pour jouer sur l’albédo (fraction de la lumière que réfléchit ou diffuse un corps non lumineux.), perméabilisation des sols avec des revêtements drainants pour que l’eau qui s’y trouve puisse rafraîchir l’environnement, prise en compte de la ventilation naturelle dans le dessin des rues…
C’est en trouvant un compromis entre innovations et solutions traditionnelles de bon sens, entre frugalité et technologie, que nous atteindrons le confort de chacun, y compris en période de canicule, sans pour autant mettre en danger notre résilience commune.