« La qualité du travail doit primer sur la qualité de vie au travail »
Le Top Employers Institute est une autorité indépendante internationale qui a pour mission d’auditer les pratiques RH des entreprises et de délivrer une certification aux plus méritantes d’entre elles. En 2019, plus de 1500 entreprises ont été auditées dans 118 pays et 82 entreprises françaises on été certifiées. En juin, le rapport des Tendances RH 2019 a dévoilé 3 tendances phares : un meilleur alignement sur la stratégie business, le développement de la culture de la transparence, la nécessité d’accélérer les transformations de l’entreprise.
Vincent Binetruy, Directeur France du Top Employers Institute nous en dit plus.
Tout d’abord, quels sont les critères et les étapes pour être un Top Employer ?
Nous auditons 10 thématiques RH qui correspondent aux 10 grands process des RH : le recrutement ou talent acquisition, l’intégration, la formation et le développement des compétences, la rémunération et les avantages sociaux, etc. Plus de 600 pratiques RH sont ainsi auditées, de façon objective, c’est-à-dire que les organisations doivent nous démontrer que ce qu’elles disent est bien la réalité.
Une première étape consiste à remplir l’enquête qui se fait en ligne. Nos équipes d’auditeurs analysent ensuite ces résultats et mènent une session de validation avec l’entreprise, en physique ou à distance.
Une fois les audits finalisés, et avant de diffuser les résultats, le Top Employers Institute s’impose de se faire auditer par une autorité externe, une preuve de notre indépendance.
Quelles sont les principales tendances au niveau de la QVT et du bien-être au travail pour 2019 ?
Pour mesurer la qualité de vie au travail, nous auditons les entreprises sur leurs programmes en termes de bien-être, de culture d’entreprise… Mais il faut bien garder en tête que ces éléments ne doivent pas être utilisés comme unique moyen palliatif pour répondre à un problème potentiellement plus profond de l’entreprise.. Ce n’est pas suffisant. Avant même de parler de QVT, c’est la qualité du travail qui prime. Car l’une ne va pas sans l’autre.
Nous sommes aujourd’hui confrontés à plusieurs discours et études anxiogènes sur le nombre d’emplois supprimés à horizon 1, 2 ans ou plus. Face à ces éléments, les collaborateurs ont besoin de se sentir rassurés et de pouvoir se projeter. Les entreprises ont donc compris qu’être de plus en plus transparentes vis à vis de leurs collaborateurs est essentiel. Par exemple, les décisions stratégiques prises par la Direction Générale et impactant les RH sont communiquées aux collaborateurs. Cette transparence s’applique à plusieurs niveaux et permet aux collaborateurs de se projeter. C’est par exemple informer un collaborateur de son statut de haut potentiel, communiquer sur les conditions d’accès à une formation ou à un programme de leadership, etc.
72% des Top Employers ont aménagé des espaces de travail ouverts et près de la moitié mesure l’engagement de leurs collaborateurs plus d’une fois par an. Comment transformer l’entreprise pour améliorer l’environnement et les conditions de travail ?
C’est la 2e tendance de fond : la responsabilisation des collaborateurs. Et le fait de faire évoluer les modes de travail en fait partie. Il faut les responsabiliser et leur faire confiance sur le fait qu’ils puissent travailler à distance ou avoir des horaires décalées par exemple. Ils se sentiront ainsi reconnus, respectés et donc mieux dans leur travail.
Il est également nécessaire d’impliquer les collaborateurs dans la définition de leurs propres objectifs personnels. Ce n’est plus seulement le manager qui décide, mais il s’agit bien d’une co-construction avec le collaborateur.
A côté de cela, apparaît la nécessité pour les entreprises de mettre en cohérence l’Employee value proposition (EVP) avec l’expérience réellement vécue par les collaborateurs. Aujourd’hui de plus en plus d’entreprises définissent une offre RH qui tient compte du poste, de l’évolution de carrière, du salaire, mais aussi des valeurs. S’il existe un décalage entre cette Employee value proposition et ce qui est réellement vécu, l’image de l’entreprise à l’externe et en interne se trouve dégradée. Si vous avez de superbes valeurs d’entreprise, mais que celles-ci ne sont pas traduites en comportements observables et mesurables, c’est vraiment du gachis.
Ainsi les programmes de bien-être au travail (méditation, sport, sevrage tabagique…) sont essentielles. Mais il ne faudrait pas qu’ils se substituent à un travail de fond qui selon nous est bien plus important.
Selon vous, quel rôle doit jouer le RH de demain ?
On attend de lui la même chose qu’avant mais en mieux, en plus vite et en moins cher. Aujourd’hui le business et les changements organisationnels vont très vite, on attend ainsi du RH de pouvoir suivre le rythme, voire d’être en amont de ce rythme.
On parle de business partner depuis des années, mais l’implication des RH dans les décisions stratégiques est telle qu’ils deviennent plutôt des business makers. C’est-à-dire qu’ils contribuent à la construction du business.
Il y a quelques années les grandes organisations n’avaient pas forcément un DRH au comité exécutif de l’entreprise. Aujourd’hui,non seulement le DRH siège au COMEX de toutes les grandes organisations, mais il a le même rôle que les autres, voire davantage.
Il y a également de plus en plus d’organisations qui impliquent les collaborateurs dans la définition et l’évolution des pratiques RH, évitant ainsi d’avoir une DRH hors sol.
Aujourd’hui on assiste à un changement de paradigme avec l’explosion des silos RH. On parle par exemple de talent acquisition plutôt que de recrutement, car un poste peut être pourvu aussi bien en interne qu’en externe. On est également en train de décorréler le calendrier RH du calendrier traditionnel. Les évaluations et enquêtes de satisfaction sont plus régulières.
Comment se positionne la France en termes de pratiques RH par rapport au reste du monde ?
La France est plutôt en retard en matière de transparence. Dire à quelqu’un « tu es un haut potentiel » n’est pas une pratique répandue en France, culturellement parlant. Il en va de même pour les sujets de rémunération et avantages sociaux.
Pour conclure, je vais reprendre la vision de Julia de Funès que je partage et qui dit : « ce n’est par parce qu’un collaborateur est heureux qu’il est performant mais c’est plutôt parce qu’il est performant qu’il est heureux ». Les Top Employers cherchent désormais à mettre le collaborateur au cœur de leur stratégie, à favoriser les conditions de son succès, pour permettre à celui-ci de sentir plus heureux.
Pour lire le rapport Tendances RH 2019, c’est par ici.