S’il y a bien un sujet qui me tient à cœur, c’est celui de la santé mentale des entrepreneurs et des dirigeants. Il y a, autour du sujet, une forme de déni et de tabou.
En France, l'entrepreneuriat est vu comme cool et valorisant.
« J’ai l’impression que l’entrepreneuriat, c’est la nouvelle rolex. Si tu n’as pas monté ta boite à 35 ans, t’as raté ta vie.»
Cette phrase d’un de mes amis travaillant dans un grand groupe de construction m’a marquée. Son métier et son savoir-faire était fondamental à notre société mais il lui semblait qu’être ingénieur en bâtiment n’envoyait pas autant de rêve qu’être entrepreneur.
Et pour cause. Où sont tous les articles mettant en avant les ingénieurs dans les médias généralistes ? On voit rarement des titres tels « cet ingénieur a réussi à résoudre un problème de portance pour le pont » ou encore « ce peintre en bâtiment a donné une seconde vie à ce lieu » ! Même constat pour de nombreux métiers : où sont les articles valorisant « ce comptable qui a réussi à sortir de l’impasse des dizaines d’entreprises » ?
Dans de nombreux secteurs « on fait » plutôt qu’on ne communique. Et si cela peut être tout à l’honneur de ces métiers, le fossé se creuse dans l’imaginaire collectif. On a donc l’impression qu’être entrepreneur fait partie de métiers les plus en vue !
Une envie de beaucoup
On évoque souvent l’envie des jeunes de devenir entrepreneurs. Mais ils ne sont pas les seuls…
Combien de salariés rêvent de créer leur boutique en ligne, d’ouvrir un bar ou une maison d’hôtes et de devenir brocanteur ? Beaucoup. Mais eux le taisent. La lucidité a souvent pris le dessus et le rêve est bien souvent enfoui profondément, parfois mêlé de regrets et d’amertume « si j’étais plus jeune… ».
Si ces mots vous parlent : rassurez-vous, il n’y a pas d’âge pour se reconvertir ! Notre équipe a suivi des dizaines de projets de reconversion, et nous pouvons en témoigner : c’est possible.
Mais attention à l’illusion de l’entrepreneuriat
Nous avons interrogé nos lecteurs via Instagram (pensez à nous suivre pour participer à tous nos sondages) et demandé aux indépendants, dirigeants et entrepreneurs les pires phrases qu’ils ont l’habitude d’entendre et ce fameux :
« Tu as de la chance ! »
Etre entrepreneur, ce n’est pas avoir de la chance. C’est simplement avoir un métier hors du système traditionnel de l’entreprise.
Il serait d’ailleurs intéressant de se questionner : pourquoi ne dit-on pas à l’ingénieur ou au comptable « tu as de la chance ? ». Leurs métiers offrent aussi bien des avantages !
L’illusion de la réussite
Il me semble important de rappeler qu’être entrepreneur, ce n’est pas l’illusion envoyée par les réseaux sociaux qui laissent croire que cela consiste en lever des fonds, gagner du pognon et organiser des séminaires d’équipe au soleil.
Cela peut en faire partie, mais ce n’est clairement pas le quotidien de la majorité des dirigeants de TPE, PME ou des indépendants.
Il s’agit d’un fragment de la réalité de certains entrepreneurs qui partagent ces moments de vie sur les réseaux sociaux pour rassurer tantôt les investisseurs, tantôt les consommateurs, tantôt eux-mêmes !
La réalité de l’entrepreneuriat, c’est celle de votre boulanger, de votre kiné, de votre voisin qui galère avec la hausse des prix des matières premières, a peur de ne pas avoir assez de clients et peine administrativement car ce qu’il aime dans la vie, c’est faire du pain ou soigner des blessures, et non pas spéculer sur le fait « que son produit va changer le monde » (un cliché communément rependu dans l’univers start-up dont les pitchs finissent par « and change the world !)
L’illusion de la facilité
Autre phrase entendue par les entrepreneurs : « la chance de vivre sa passion » !
C’est vrai. Sauf qu’un entrepreneur ne passe pas son temps sur son sujet passion. Il doit gérer la comptabilité, gérer ses achats, s’adapter au marché, faire sa communication, etc… Autant le dire, il fait souvent seul ce que des équipes entières mettent des semaines à faire ensemble.
La solitude est immense. C’est seul.e qu’elle ou il traverse les doutes. On vous invite à découvrir notre article à ce propos .
Sur les réseaux, on ne voit que ceux qui réussissent mais les échecs sont nombreux. Oui, mettre en avant un entrepreneur qui se plante, c’est moins spectaculaire. Mais cela permettrait d’éviter le fameux biais du survivant : on voit seulement celui qui a survécu et on fait croire que c’est facile.
L’illusion de la liberté
Troisième phrase communément entendue « toi t’es libre ».
Les témoignages sont nombreux. « Je suis maman entrepreneuse. La maîtresse de ma fille m’a demandé d’accompagner la classe « parce que vous, vous êtes disponible. »
Les entrepreneurs travaillent parfois jusque 80h par semaine ! Et comme nous disait une lectrice « ce n’est pas moi qui fais mon agenda mais mes clients ! »
Démystifier !
Il est urgent d’arrêter de survendre l’entreprenariat et de faire croire qu’il s’agit d’un eldorado ! Ce n’est pas le cas. Cela correspond à certaines composantes de caractère mais pas à toutes !
Il faut être à l’aise avec le fait d’expérimenter l’entrepreneuriat et d’accepter que ce ne soit pas fait pour nous. Comme dans le monde de l’entreprise. On peut se rendre compte qu’on n’aime pas un job ou une mission. Et on peut ne pas aimer être dirigeant, indépendant comme ne pas aimer être manager.
Alerter sur le manque de formation !
Personne ne forme vraiment à tous les sujets vécus par un entrepreneur ! On peut avoir des éléments mais jamais tous, tant cela vient impacter toutes les sphères : personnelles, professionnelles, amicales, familiales, …
L’entrepreneuriat est un véritable parcours de développement personnel et on le découvre en le vivant. Par cet article, il nous semblait important de sensibiliser au sujet.
A tous les entrepreneurs qui nous lisent : surtout entourez-vous !!
- Il existe de nombreux réseaux : réseaux locaux, réseau entreprendre, CCI, CJD, CMA, CPME, réseaux de femmes dirigeantes… Il s’agit d’espace où vous apprenez des autres et où vous pouvez déposer vos émotions sans tabou.
- Ceux qui vous accompagnement sont là pour vous : votre comptable, votre mutuelle, etc… Ils sont des tiers de confiance à qui vous pouvez parler.
De notre côté nous organisons régulièrement des conférences à Paris ou en ligne sur le sujet.
Le prochain événement est gratuit grâce au soutien d’Harmonie Mutuelle : le 10 octobre matin à Paris !
Nous le savons : les entrepreneurs se disent ne pas avoir le temps… mais côtoyer d’autres entrepreneurs et parler de sa santé mentale, ce n’est pas perdre du temps mais en gagner !
Notre équipe sera ravie de vous accueillir et de vous rencontrer « en vrai » !