Michèle Temam est neuro-radiologue de formation et passionnée de disciplines artistiques comme la peinture ou la musique. Elle est l’auteure du livre « Savoir par cœur sans apprendre par cœur » (éd. Odile Jacob), une méthode issue de trente ans d’expérience et de passion pour la transmission du savoir et qui dévoile le fonctionnement de notre cerveau tout en donnant des idées pratiques pour renouer avec l’envie d’apprendre.
Nous tenions à vous la faire découvrir car dans le monde de l’entreprise, nous devons constamment apprendre et mémoriser de nouvelles informations. Dans cette interview, elle nous livre quelques clés de sa méthode, notamment autour d’un sujet qui nous concerne tous – la procrastination – qu’elle aborde dans son ouvrage.
Comment votre méthode pour « apprendre à apprendre » peut-elle se transposer au monde de l’entreprise ?
Nous assistons à une évolution exponentielle des données avec le big data, le web est devenu l’annexe de notre cerveau. Ces informations concernent en particulier le monde de l’entreprise. Il est fréquent d’avoir à s’approprier un sujet dans l’urgence. Cette méthode trouve son application : si possible se procurer un support papier, même si des logiciels permettent la personnalisation du support digital. Lire une première fois vite puis par couches successives, et enfin apprendre à rebondir sur les informations les plus pertinentes.
Ceci permet de ne pas à avoir à apprendre par cœur pour une présentation, mais fabriquer son propre cheminement de pensée, bien plus facile à restituer avec éloquence.
Par ailleurs l’entreprise est un lieu privilégié pour l’apprentissage par le dialogue et la pédagogie coopérative.
Enfin, les reconversions professionnelles sont parfois sources de remises en question, et il faut avoir un mental solide pour y parvenir. Pour moi, une façon de prendre de l’assurance est de travailler avec méthode.
Vous abordez la « procrastination » dans votre guide qui peut aussi être source de souffrance au travail. Pouvez-vous nous en expliquer les mécanismes ?
La souffrance au travail peut se traduire par une difficulté de mise en route par manque de motivation et parfois même si on est motivé une incapacité totale à se lancer dans un nouveau sujet.
Elle repose beaucoup sur l’activation d’une aire située dans le lobe frontal du cerveau, appelée aire préfrontale, qui possède un centre inhibiteur de l’action. C’est un peu le chef d’orchestre de nos actions et émotions qu’il régule, mais s’il est trop stimulé, il peut être handicapant. Dans le cerveau les voies et les circuits sont très intriqués, et d’autres systèmes influent sur l’aire préfrontale.
La souffrance au travail peut se traduire par une suractivité du circuit de la punition alors que le circuit de la récompense n’est pas assez stimulé.
Quelles stratégies, présentes dans votre ouvrage, pourraient être appliquées au milieu de l’entreprise pour aider à dépasser la procrastination au travail ?
La procrastination est la difficulté parfois invalidante de se mettre au travail, en raison d’une peur incontrôlée.
Un traumatisme durant la scolarité peut en être la cause, et il peut être utile dans ce cas de reprendre à zéro la méthodologie de l’apprentissage, et d’expliquer le fonctionnement du cerveau pour argumenter, persuader et convaincre.
En entreprise, il peut être utile de rentrer dans un sujet grâce au dialogue avec les collègues, ce qui permet de s’imprégner en douceur de telle ou telle nouveauté.
Il est bien connu que l’espoir d’une promotion est source de motivation grâce au challenge qu’elle engendre. Il faut savoir que l’enfant et l’adolescent sont plutôt stimulés par la récompense alors que l’adulte l’est davantage par le challenge.
Enfin les neurones en miroir sont une découverte formidable en neurocognition. Ils s’activent dans notre cerveau lorsque nous voyons l’autre agir en face de nous, comme si nous effectuions la même action. Mais ils s’activent également par résonnance avec l’état émotionnel de l’autre. Il apparaît logique que l’enthousiasme d’une équipe est communicatif, et qu’un manager a tout intérêt à être un exemple d’optimisme.
Les salariés sont également des parents avec des enfants en plein apprentissage. Comment un parent peut-il transmettre au mieux le désir d’apprendre à son enfant ? La « non-procrastination » peut-elle s’apprendre dès l’enfance ?
Si on reprend les étapes de la méthode, on comprend qu’on peut inculquer une bonne méthode dès le plus jeune âge.
Apprendre à lire fait partie des compétences à acquérir dès l’école primaire, mais il faudrait également enseigner la lecture rapide dont j’ébauche la technique.
Fabriquer son ticket de bus (1) nécessite un entrainement et mériterait d’être enseigné. Les parents ordonnent souvent de ranger sa chambre, plus rarement son bureau. Mais il serait judicieux aussi d’apprendre à ranger son cerveau, y installer des tiroirs mentaux, qui regroupent les mêmes informations formulées différemment, diminuant ainsi la charge cognitive.
Etre l’élève de son enfant ou dialoguer avec lui constituent une aide précieuse tout en instaurant une complicité dans la relation. Nous construisons toute notre vie notre arbre de connaissances. Nous ne partons jamais de rien ; même le nouveau né possède déjà des connaissances innées. La représentation que je fais de notre savoir sous forme de pyramide inversée tronquée me semble être assez symbolique de ce qu’il faut transmettre : toujours essayer de rattacher quelque chose de nouveau au socle déjà acquis.
(1) Un ticket de bus est une microfiche qui expose les mots clés selon un agencement logique favorable à la restitution. C’est une sorte de cheminement de pensée, utilisant des abréviations, des acronymes, des flèches, selon l’inspiration. Son élaboration est très rapide, alors que celle d’une fiche classique peut être chronophage. Les détails sont éliminés, le support de l’apprentissage continuant de servir de référence, contrairement à une fiche classique qui vient en remplacement du support.
Plus d’informations sur Michèle Temam
Son site : www.micheletemam.com
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Son livre « Savoir par cœur sans apprendre par cœur » : ICI.
Pour contacter Michèle: michele.temam.coach@gmail.com