Le sexisme ordinaire se croise tous les jours dans l’espace public comme au travail. Plus difficile à cerner, il est aussi plus fastidieux à combattre. C’est pourquoi certaines victimes endurent cette situation pendant des années.
Selon une étude du Conseil Supérieur de l’Egalité Professionnelle entre les femmes et les hommes (CSEP) de 2016, 80% des femmes salariées se déclarent régulièrement confrontées à des attitudes ou à des décisions sexistes.
Notre équipe a réalisé un sondage le 20 août 2020 : sur 4789 femmes
26% indiquent être victimes aujourd’hui de sexisme au travail
et
65% estiment l’avoir été au cours de leur carrière
Comment reconnaître le sexisme en entreprise ? Quels sont les effets sur la vie des salariés ? Et quelle est la responsabilité des organisations ?
Chronologie d’une prise de conscience tardive
Le sexisme est l’ensemble des comportements qui stigmatisent et infériorisent les femmes de par leur sexe. Il peut prendre la forme de blagues ou de commentaires sur la tenue vestimentaire par exemple, mais aussi de harcèlement, de discriminations ou d’autres formes de violences.
Le sexisme ordinaire lui se caractérise par son aspect « courant », anodin. Il est plus difficile à déceler, les situations se répètent au quotidien, souvent de façon insidieuse. Il s’agit par exemple de commentaires stéréotypés, de remarques ou pratiques d’exclusion, …
C’est en 2004, que le sexisme est enfin reconnu par le droit. Et il faut attendre 2015, pour que celui-ci intègre le code du travail, étant défini comme « tout agissement lié au sexe d’une personne, ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à la dignité ou de créer un environnement intimidant, hostile, dégradant, humiliant ou offensant » (art. L1142-2-1).
En novembre 2016, le CSEP et BVA présentent un rapport sur le sexisme chez les non cadres et lance un «Kit pour agir contre le sexisme au travail ». Dans ce rapport, 51% des femmes salariées non cadres estiment avoir rencontré un frein professionnel en raison de leur sexe (absence de promotion ou de primes, frein à l’embauche ou à la formation, …).
Depuis les mesures s’amplifient. En janvier 2017, la loi relative à l’égalité et à la citoyenneté prévoit qu’un rapport sur l’état du sexisme en France soit réalisé chaque année et rendu public. Puis en janvier 2019, des mesures légales sont instaurées dans les grandes entreprises : nomination d’un référent harcèlement sexuel et agissements sexistes dans les entreprises de plus de 250 salariés et dans les nouveaux CSE (Comités sociaux et économiques), obligation d’affichage du texte légal, mise à disposition de numéros utiles, etc.
Le sexisme au travail est souvent difficile à appréhender
Les principales manifestations au travail de sexisme dit « ordinaire » sont : les blagues sexistes, le fait de devoir se conformer à des stéréotypes sexués, les marques d’incivilité, de condescendance et de mépris, les remarques sur la maternité, les discriminations entre les sexes, etc.
D’autres marques peuvent concerner les inégalités de salaires entre hommes et femmes, ou bien de poste occupé. On parle également de manterrupting quand un homme coupe la parole à une femme, ou de mansplashing qui consiste à faire taire une femme tout en répétant ce qu’elle vient de dire.
Même si la situation évolue, l’égalité homme-femme est loin d’être parfaite. Et les conséquences sont lourdes chez les victimes qui refusent parfois d’admettre cette réalité.
63% des femmes victimes de sexisme n’ont pas réagi ou n’ont pas souhaité dénoncer ces comportements par peur de représailles ou pensant que cela ne mènerait à rien (rapport du CSEP de 2016). Tandis que 56% des femmes non cadres ayant dénoncé ces agissements à leur supérieurs n’ont pas été écoutées ou pire, elles n’ont pas été crues.
La responsabilité de l’entreprise
Au delà des obligations légales, les entreprises peuvent agir à plusieurs niveaux : en prévention tout d’abord, des campagnes de sensibilisation peuvent être menées, puis dans l’établissement et la diffusion de sanctions.
Toujours dans le rapport CSEP-BVA de 2016, 40% des femmes et hommes salariés souhaiteraient avoir un message fort de la part des directions des entreprises condamnant les remarques et agissements sexistes.
Le « kit pour agir contre le sexisme au travail » offre plusieurs outils à destination des managers, RH et autres directions. Il propose entre autres d’intégrer la lutte contre le sexisme en entreprise dans le dialogue social, de sensibiliser l’ensemble des collaborateurs, de procéder à des évaluations régulières, de passer sa communication interne et externe au crible des stéréotypes et y enlever toute référence sexiste, etc.
Enfin il est nécessaire de dénoncer à un supérieur ou à un référent ce type d’agissement pour ne plus vivre dans la peur et retrouver un environnement harmonieux au travail.