C’est avec le crayon talentueux de l’illustrateur Michael Loubatières (alias Mika-L) qu’Aude Nazeyrollas vient d’auto-éditer leur premier ouvrage “Chronique d’un salarié en dé(s)tresse” pour nous parler – non sans une pointe d’humour – du burn-out. Ce livre illustré est une pépite pour tous les collaborateurs, RH et managers qui ont envie de (se) sensibiliser au sujet. Voici le TOP 5 des illustrations, sélectionnées par l’équipe de l’Optimisme, et commentées par Aude.
1. Le poids du stress au travail (p.37)
Ces dernières années le stress au travail est devenu une problématique récurrente dans le monde de l’entreprise. Quelles sont pour toi les raisons principales de l’augmentation visible du stress au travail ? Quels liens peut-on faire entre stress et burn-out ?
Les raisons sont multifactorielles, en voici quelques-unes :
- L’effet diagnostic : plus on parle du BO, plus on le reconnaît.
- L’obsession du résultat : les crises successives des dernières décennies nous ont conduits vers une ultra-financiarisation des entreprises : aujourd’hui, pour beaucoup, seul le résultat compte. Une erreur fondamentale, puisque la performance d’une entreprise est directement liée à celle des individus et du collectif qu’ils créent.
Dans cette recherche obsessionnelle de réduction des coûts, on doit faire de plus en plus avec de moins en moins. Forcément, ça coince.
- Le rythme effréné : nous avons plongé dans les nouvelles technologies sans prendre le temps d’en fixer des règles.
Résultat : notre rapport au temps s’est complètement biaisé ; tout est urgent, nous sommes entrés dans une course folle dont il est très difficile de sortir.
Or, ce dont nous avons profondément besoin, c’est ra-len-tir pour vivre davantage en conscience de nous-mêmes, plutôt que de subir cette frénésie ambiante.
Les « coups de bourre », on sait les gérer. Mais quand le stress dure dans le temps et qu’on n’a plus de répit, le corps n’est pas fait pour encaisser une telle pression.
D’après l’OMS, un stress chronique qui n’a pas été correctement géré peut mener à un BO. Il est donc indispensable pour les organisations de prendre à bras le corps le sujet du stress pour stopper l’hémorragie de BO.
2. Des métiers à risque plus que d'autres ? (p.57)
Y’a-t-il des fonctions ou des métiers dans le monde du travail qui sont plus à risque de vivre un burn-out que d’autres ? (exemple : managers ?)
Les études sont formelles : tous les secteurs d’activités, toutes les fonctions et toutes les catégories socio-professionnelles sont touchées.
Toutefois, la crise du COVID a mis la fonction RH en 1e ligne, celle-ci a particulièrement souffert (car souvent entre le marteau et l’enclume).
Les managers sont aussi une population à risque, car ils sont souvent isolés.
Ballotés entre les objectifs à atteindre et les injonctions paradoxales au sein de l’entreprise, on leur demande de prendre de soin de leurs équipes, mais qui prend soin d’eux ?
Il est important de libérer la parole en organisant des cercles de pairs par exemple, pour qu’ils se rendent compte qu’ils ne sont pas seuls, qu’ils puissent échanger sur leurs problématiques et partager leurs bonnes pratiques.
3. L'IMPACT DU CONFLIT DE VALEURS AU TRAVAIL (P.60)
Une des premières causes liées au burn-out est le conflit de valeurs. Peux-tu nous en dire plus ? Comment se manifestent ces conflits chez les salariés ? Quoi faire lorsqu’on a ce ressenti ?
Le conflit de valeur, c’est le sentiment de faire le grand écart entre ses valeurs (qui nous constituent profondément et sont comme des guides dans nos vies) et les valeurs véhiculées dans son organisation (à travers notamment les modes de management).
Cela peut aussi être lié à la qualité empêchée : j’ai envie de faire un travail de qualité, mais j’ai l’impression qu’on ne me donne pas les moyens de bien le faire. J’ai la sensation de faire du « low cost » et je ne suis pas fier.e de mon travail.
Lorsque l’on se sent perdu, il n’y a qu’une chose à faire : un STOP !
La prise de recul est nécessaire pour se recentrer, pouvoir retrouver lucidité et discernement sur sa situation et se poser les bonnes questions : quelles sont les valeurs les plus importantes pour moi ? Est-ce que globalement, j’évolue dans un environnement à peu près en phase avec ces valeurs, ou ai-je au contraire l’impression qu’elles sont bafouées quotidiennement ?
La réponse appartient à chacun.e, car personne d’autre que soi ne peut savoir quel est le compromis le plus juste pour soi.
4. SALARIÉ OU ENTREPRISE : QUELLE(S) RESPONSABILITÉ(S) (P.78)
Selon toi, pourquoi la personne qui vit un burn-out a aussi sa part de responsabilité ? Quelle est la part de responsabilité de l’entreprise ?
C’est important de distinguer responsabilité et culpabilité.
Il y a 2 choses que je dis systématiquement à toute personne qui vient me voir :
- Bravo pour votre courage (car il en faut pour demander de l’aide et se remettre en question)
- Ce n’est pas de votre faute ; le 1er coupable c’est l’organisation du travail ! Et c’est bien l’employeur qui a en charge l’organisation (process adaptés, objectifs atteignables en adéquation avec les moyens, espaces de discussion…).
Hélas, la société au sens large a tendance à stigmatiser les individus (« Il ne sait pas résister à la pression / elle prend les choses trop à cœur… »).
Or comme le dit si bien Adrien Chignard, « le BO est l’expression individuelle d’un dysfonctionnement organisationnel ».
Comme dans tout évènement qui nous arrive, il est toujours utile de reconnaître sa part de responsabilité : qu’est-ce qui en moi a fait que j’en sois arrivé.e là ? Ai-je alerté (suffisamment tôt, les bonnes personnes, de la bonne façon…) ? Est-ce qu’il y a des signaux que je n’ai pas voulu entendre ? Quand aurais-je du poser des limites ? D’où vient mon incapacité à déconnecter (par exemple) ? Si c’était à refaire, que ferais-je différemment ?
Ce n’est qu’au prix d’une réelle introspection que la personne pourra éviter de retomber dans le cercle vicieux de l’épuisement.
5. En parler, oui mais...à qui ? (p.124)
Un des messages de prévention est d’en parler quand on ressent une souffrance psychique au travail. Mais vers qui se tourner ?
En effet, le sentiment de honte, d’échec, de culpabilité, de mésestime de soi bloquent souvent la parole.
Pourtant, en parler, c’est déjà un premier pas vers le mieux-être. Mettre des mots sur des maux, exprimer son vécu, ses émotions, sa vérité, c’est déjà un beau cadeau que l’on peut se faire.
Le travail le plus dur est certainement de se détacher du regard des autres. Le BO, ça ne touche pas les gens faibles mais au contraire les gens très (trop) forts !
Trouvez quelqu’un avec qui vous vous sentez en confiance.
En interne, cela peut être un collègue, son manager, le médecin du travail, un RH, un membre du CSE, un préventeur/QHSE….
En externe, son médecin traitant, son conjoint.e, un.e ami.e, un coach/thérapeute/psychologue, une association spécialisée…
Ce n’est pas évident car même certains professionnels de santé connaissent mal le sujet.
Fiez-vous au bouche-à-oreilles et à votre intuition !