Elodie Crépel est devenue au fil des années une référence en France sur les sujets de la douance, de la sensibilité et de l’atypisme. Anciennement co-directrice de l’observatoire de la sensibilité, elle fait partie des personnalités les plus écoutée sur le sujet.
Depuis des années elle accompagne ceux qui se sentent « hors moule ». Si elle vit aujourd’hui en Écosse, elle continue à proposer des accompagnements aux françaises notamment à travers des programmes en ligne. Rencontre.
Élodie, tu signes un quatrième livre sur le sujet de l’atypisme et tu adresses une thématique bien particulière : celle des femmes au travail, pourquoi ce sujet ?
Le grand public ne s’en rend pas forcément compte mais malheureusement, la plupart des études faites sur les atypies (douance, hypersensibilité, autisme) ont été faites sur un public masculin. Cela peut faire sourire dit comme ça, mais en réalité, il est impossible de nier les différences entre les hommes et les femmes sur la manière de vivre dans ce monde.
Par exemple, sachez que dans le domaine de la douance, on teste très peu les petites filles, comparé aux petits garçons qui vont davantage se faire « remarquer ». La petite fille surdouée fera souvent en sorte de passer inaperçue, quitte à s’autosaboter (inconsciemment ou même parfois consciemment) pour ne pas être première de la classe, elle ne voudra pas faire de peine à une amie par exemple, préférant ainsi avoir de moins bonnes notes.
Il faut rappeler que l’atypique, c’est avant tout une neuroatypie, ce qui veut dire un cerveau qui fonctionne différemment. Et ce fonctionnement a un impact sur la manière de ressentir et d’interpréter le monde. Ainsi, inéluctablement, si le monde vous parait d’une manière différente, si vous êtes un homme ou une femme, il sera donc coloré autrement selon vos atypies.
Il est essentiel de réaliser que chaque personne atypique est unique et que les femmes ont leurs propres difficultés (non pas que les hommes n’en n’ont pas, elles sont juste différentes).
On remarque que les femmes utilisent souvent leur intelligence pour se camoufler et cacher leurs compétences… à contrario des hommes. C’est quelque chose qu’on remarque plus largement dans le domaine de l’atypique : les femmes vont mettre en place plus de stratégie de sur-adaptation, quitte à se perdre elles-mêmes en chemin.
Il me semblait donc essentiel de lever le voile sur cette thématique ! Car aujourd’hui dans la littérature sur les atypies, les femmes peinent à se retrouver, ou même à penser qu’elles sont concernées… il me semblait primordial d’écrire un livre où les femmes atypiques pourraient enfin se reconnaître, un livre qui pourrait leur donner envie de creuser certaines pistes pour enfin se légitimer, au-delà du masque social dans lequel elles se noient très souvent.
Mais c’est quoi une femme atypique ? Ne sommes-nous tous pas l’atypique d’un autre ?
Bien sûr que nous sommes toutes atypiques dans le sens unique, mais là on parle de neuroatypie et non, cela ne concerne pas tout le monde.
Ce monde est fait pour et par des personnes neurotypiques (qui ont un fonctionnement neuronal dans la « norme » ou autrement dit « qui correspond à la majorité »).
Ainsi des femmes atypiques ça reste une minorité… mais bien présente, puisqu’on estime que toutes atypies confondues (douance, hypersensibilité, TDAh, TSA, Dys) on arrive à 30% de la population. Bien sûr on peut avoir une seule atypie, plusieurs ou aucune (dans ce dernier cas nous sommes neurotypiques).
Une femme atypique c’est dont une femme qui possède une ou plusieurs atypies, ce qui modèle sa représentation du monde et donc sa manière d’y vivre (elle peut-être agréable ou désagréable… car non tous les atypiques ne souffrent pas).
Mais en l’occurrence, si le cerveau est câblé de manière différente, les sensations, la manière de sentir et ressentir les choses seront interprétées différemment et donc pouvant générer des incompréhensions et des souffrances. Ce qui explique aussi pourquoi souvent les personnes atypiques sont perçues comme « trop », car elles ressentent souvent les choses de manière plus intense (c’est ainsi, le cerveau les capte souvent plus vite et de manière plus profonde).
Entre la peur de l’effet barnum, le syndrome de l’imposteur, la peur de la réponse, les délais d’attente, beaucoup n’osent pas pousser la porte d’un psy ou d’un coach en douance. Tu proposes dans ton livre 8 grands types de profils de femmes atypiques, comment les as-tu définis ?
En effet, parfois il faut du temps pour se légitimer et se faire le lien entre notre difficulté et nos atypies… et puis il y a un grand travail de légitimité aussi : beaucoup me disent ne pas oser penser qu’elles sont atypies (là encore un point de différence avec les hommes qui ont beaucoup moins de difficulté à l’envisager).
Un livre peut alors être un point de départ ou même une manière de creuser le sujet sous un autre angle (car malheureusement peu de professionnels sont correctement formés, en particulier sur l’hypersensibilité, où je ne peux que renvoyer vers l’annuaire de l’observatoire si vous recherchez un professionnel https://lasensibilite.com) .
Ces huit profils sont tout simplement en lien avec la recherche sur les sujets de la douance et de l’hypersensibilité. J’ai la chance de vivre au Royaume-Unis, où on a une véritable avance est faite sur ces sujets (là où en France nous sommes encore au stade du débat de savoir si ça existe ou non).
Ce qu’il est important de savoir, c’est qu’aucun test de personnalité n’est fiable pour les profils atypiques (et encore moins pour les femmes, même le célèbre MBTI est invalide).
Il est important de préciser que toutes les femmes atypies peuvent être dans les 8 profils de mon livre, l’intérêt c’est donc aussi de comprendre que lorsque nous sommes atypiques nous sommes en constante évolution, toujours et rapidement.
Les tests ne sont qu’une photo à l’instant T, et celui de mon livre permet de mettre le doigt sur la faille du moment à travailler, le but étant que la femme atypique mettre enfin des mots sur ses difficultés professionnelles et comprennent le lien entre son et ses atypies et ce qu’elle vit pour pouvoir trouver des outils et des clés qui vont l’aider à s’épanouir professionnellement.
LES FEMMES ATYPIQUES ONT TANT À OFFRIR AU MONDE PROFESSIONNEL, ENCORE FAUT-IL QU’ELLES LE SACHENT !
Elodie Crépel
TDAH, douance, neurodiversité, atypisme… on a l’impression qu’on parle de plus en plus de ces sujets. Certains diront même trop. Est-ce vraiment le cas ? Quel est ton regard sur la situation française depuis l’étranger ?
Nous n’en parlons pas trop mais nous en parlons mal !
Déjà les vraies formations sur le sujet manquent… Aujourd’hui on achète le livre d’une personne sans connaître sa légitimité pour parler du sujet, et ça fait des dégâts : on va prendre toutes les informations comme vraies, les partager sans même en vérifier les sources. C’est assez catastrophique tout ce qu’on peut lire sur ces sujets en ce moment en France, alors forcément ça crée des camps de professionnels (ceux qui sont pour et ceux qui sont contre) et des faux débats.
Car en réalité pendant qu’en France on édite des ouvrages qui n’ont que le mot « hypersensibilité » pour faire vendre, dans le monde anglo-saxon les études scientifiques amènent de véritables perspectives de compréhensions pour accompagner ce public si particulier.
Non vraiment, la France a un retard monstrueux sur le sujet, et dans le monde professionnel encore plus ! Heureusement de plus en plus de grandes entreprises viennent à nous, professionnels formés, pour diverses interventions (comme par exemple comment manager les atypiques, comment les reconnaître et développer leur potentiel, etc).
Tu invites à faire de ces différences une force. Notre équipe rencontre hélas au quotidien beaucoup de souffrance sur ces différences qui n’arrivent pas à s’exprimer. Aurais-tu quelques clefs à donner à nos lecteurs en attendant qu’ils découvrent ton livre ?
La première clé et la plus importante c’est déjà de connaître, reconnaître, légitimer et accepter son et ses atypies.
Cela peut paraître simple dit comme ça, mais en réalité c’est surtout là le nœud du problème. Pourquoi ? Car lorsqu’on ressent les choses autrement, qu’on les interprète avec sa propre complexité et qu’on se sent seul avec ça (et qu’en prime on nous le fait remarquer comme un problème), inévitablement on pense qu’on est bizarre, non adapté et que c‘est à nous de changer.
On dépense donc une énergie folle à faire et être quelque chose qui ne nous correspond pas, on s’autoflagelle de ne pas y arriver et cette remise en question permanente nous fait perdre confiance en nous.
Comment être épanouie professionnellement lorsqu’on doute de soi, de ses compétences mais aussi des autres ? Impossible. Il est donc nécessaire de retrouver cette confiance dans ce qu’on est et ce qu’on peut offrir au monde de l’entreprise. Mais pour ça il faut connaître ses particularités, partir à la conquête de nos différences et voir les choses sous un autre l’angle : ma spécificité est un atout pour mon entreprise !
On pense souvent, à tort, que le monde du travail est fermé à la différence, mais c’est faux. Beaucoup d’entreprises apprécient justement l’esprit d’incitative, l’originalité, l’énergie et la vivacité des atypiques. Il faut juste savoir comment adapter l’un à l’autre et pour cela pas le choix : il va falloir vous comprendre pour vous faire comprendre !
L’erreur de l’atypique c’est de croire que tout le monde pense comme lui et de souffrir quand on ne le comprend pas.
FORMEZ VOUS
Si vous souhaitez vous former au sujet, Elodie Crépel, spécialiste de l’hypersensibilité et de la douance, autrice de plusieurs best-sellers dont « Femme Atypique », lance les inscriptions pour sa formation OVPA…